Vu la requête, enregistrée le 26 novembre 2007, présentée pour M. Sana X, domicilié ... ;
M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0703667 en date du 19 juillet 2007, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions en date du 14 mai 2007 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays pour lequel il établit être légalement admissible ;
2°) d'annuler lesdites décisions ;
3°) de faire injonction au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour mention « vie privée et familiale » dans un délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de condamner l'Etat à verser à son conseil une somme de 1 196 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour lui de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mai 2008 :
- le rapport de M. Segado, premier conseiller ;
- les observations de Me Bidault, avocat de M. X ;
- et les conclusions de M. Gimenez, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. X tendant à l'annulation de la décision en date du 14 mai 2007 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays pour lequel il établit être légalement admissible ;
Sur la fin de non recevoir opposée par le préfet :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : « La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. - L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. » ;
Considérant que M. X ne s'est pas borné, dans ses écritures d'appel, à se référer à ses demandes de première instance, mais qu'il a critiqué les motifs retenus par le tribunal administratif en se fondant sur des moyens qu'il avait invoqués devant les premiers juges ; que, par suite, la fin de non recevoir opposée par le préfet et tirée du défaut de motivation de la requête de M. X doit être écarté ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant que la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif, complétée par deux mémoires complémentaires enregistrés les 31 mai et 15 juin 2007 dans les délais de recours contentieux, énonce de manière précise les critiques adressées aux décisions attaquées et contient l'énoncé de conclusions et de moyens ; que cette demande répond aux exigences de motivation prévues par l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; que, par suite, la fin de non-recevoir soulevée par le préfet devant les premiers juges et tirée du défaut de motivation ne peut qu'être écartée ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes du de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) / 7º A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ; [...] » ; qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, ressortissant guinéen né en 1966, est entré sur le territoire français au cours de l'année 2001 et y réside depuis lors ; qu'il a sollicité, entre 2001 et 2006, sans succès le bénéfice de l'asile politique ; qu'il a épousé le 2 mars 2006 Mme Y, de nationalité française avec laquelle il vit maritalement depuis au moins le 24 septembre 2004 ; qu'il résulte également des nombreuses attestations circonstanciées et variées produites par le requérant qu'il s'occupe des quatre enfants mineurs de son épouse qui sont de nationalité française et qui vivent avec le couple ; qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche devant lui permettre de participer, avec son épouse, aux besoins de l'ensemble de la famille ; que dans ces conditions, et nonobstant les circonstances que les deux frères, la soeur et la mère du requérant résident dans son pays d'origine et qu'il ne serait pas titulaire de l'autorité parentale sur les enfants de son épouse, la décision de refus de séjour attaquée porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise et méconnaît par suite, les dispositions précitées de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, la décision en date du 14 mai 2007 par laquelle le préfet du Rhône a refusé à M. X la délivrance d'une carte de séjour temporaire est entachée d'illégalité et doit être annulée ; que l'annulation de cette décision emporte, par voie de conséquence, l'annulation des décisions du même jour par lesquelles le préfet du Rhône a fait obligation à M. X de quitter le territoire français à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays pour lequel il établit être légalement admissible ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes d'annulation ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. » ; qu'aux termes de l'article L. 911-3 dudit code : « Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. » ;
Considérant que le présent arrêt, qui annule la décision de refus de titre du préfet du Rhône en date du 14 mai 2007 et les décisions subséquentes, implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde, que le préfet du Rhône délivre le titre sollicité au requérant ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre audit préfet de délivrer à M. X une carte de séjour temporaire portant la mention «vie privée et familiale», dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la requête tendant à ce que cette injonction soit assortie d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;
Considérant, d'une part, que M. X a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Bidault renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat aux missions d'aide juridictionnelle qui lui ont été confiées, de condamner l'Etat à lui verser à ce titre la somme de 1 000 euros ;
Considérant, d'autre part, que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. X, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande l'Etat au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon du 19 juillet 2007 est annulé.
Article 2 : Les décisions en date du 14 mai 2007 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de délivrer un titre de séjour à M. X et lui a fait obligation de quitter le territoire français à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays pour lequel il établit être légalement admissible sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à M. X une carte de séjour temporaire portant la mention «vie privée et familiale», dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat est condamné à verser à Me Bidault la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat aux missions d'aide juridictionnelle qui lui ont été confiées.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X et les conclusions présentées par le préfet du Rhône tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
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N° 07LY02629