Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 mars 2006 et 15 mai 2006, présentés pour les HOSPICES CIVILS DE LYON, pris en la personne de leur directeur en exercice, dont le siège est 3 quai des Célestins à Lyon (69002) ;
Les HOSPICES CIVILS DE LYON demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Lyon n° 0403268 du 15 décembre 2005 ;
2°) de rejeter les conclusions de Mme X et de la Caisse primaire d'assurance maladie de Vienne ;
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 octobre 2008 :
- le rapport de Mme Verley-Cheynel, président-assesseur ;
- les observations de Me Demailly, représentant Me Le Prado, avocat des HOSPICES CIVILS DE LYON et les observations de Me Finet, avocat de Mme X ;
- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les HOSPICES CIVILS DE LYON contestent le jugement du 15 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lyon les a condamnés à verser, d'une part, à Mme X une somme de 282 250 euros et à compter du jugement une rente trimestrielle de 6 387 euros et, d'autre part, une somme de 409 461,81 euros avec intérêts aux taux légal à la Caisse primaire d'assurance maladie de Vienne, en raison d'une infection à staphylocoque doré introduit par un cathéter placé à l'hôpital pour des cures de chimiothérapie ; que par appels incidents, la Caisse primaire d'assurance maladie de Vienne demande que le montant de son indemnisation soit porté à 399 691,72 euros et Mme X que la sienne soit fixé à 750 507,08 euros ;
Sur la responsabilité des Hospices Civils de Lyon :
Considérant que l'introduction accidentelle d'un germe microbien dans l'organisme lors de la pratique de soins dans un établissement hospitalier révèle une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service hospitalier et engage la responsabilité de celui-ci envers la victime des conséquences dommageables de l'infection ; qu'il en va toutefois autrement lorsque l'infection, si elle est déclarée à la suite des soins hospitaliers, résulte de germes déjà présents dans l'organisme du patient avant l'hospitalisation ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que l'infection à staphylocoque doré dont a été victime Mme X est une conséquence des soins qui lui ont été dispensés ; que l'expert indique, sans être utilement contredit, que l'origine de cette bactériémie est liée au cathéter veineux central qui a été mis en place lors de l'hospitalisation ; que s'il retient trois hypothèses pour expliquer l'introduction de ce germe, la première « une contamination par le pavillon lors d'une manipulation », la deuxième « une contamination par contiguïté et d'origine cutanée liée à la flore endogène du patient » et la troisième « une contamination hématogène à partir d'un autre foyer infectieux », il privilégie la deuxième hypothèse eu égard à l'apparition de l'hyperthermie dans le délai de 48 heures suivant la pose du cathéter ; qu'il résulte également de l'instruction, que la présence d'un tel germe sur la couche superficielle de la peau du patient qui n'est pas pathologique, ne peut être regardée comme constituant un foyer infectieux présent dans l'organisme du patient permettant d'écarter la responsabilité des HOSPICES CIVILS DE LYON ; qu'ainsi, alors même que les médecins et l'ensemble de l'équipe médicale n'auraient commis aucune faute et pris toutes les précautions nécessaires lors de l'introduction de ce cathéter, le fait que cette infection ait pu se produire et qu'aucune cause étrangère ne peut être retenue révèle une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service hospitalier ;
Sur les conclusions principales et incidentes des parties :
Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction résultant de la loi du 26 décembre 2006 portant financement de la sécurité sociale pour 2007 le juge, saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et d'un recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices patrimoniaux et personnels, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime ; qu'il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage des responsabilités avec la victime ; que le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale ;
Considérant qu'en l'absence de dispositions réglementaires définissant les postes de préjudice, il y a lieu, pour mettre en oeuvre la méthode sus-décrite, de distinguer, parmi les préjudices de nature patrimoniale, les dépenses de santé, les frais liés au handicap, les pertes de revenus, l'incidence professionnelle et scolaire et les autres dépenses liées à ce dommage ; que parmi les préjudices personnels, sur lesquels l'organisme de sécurité sociale ne peut exercer son recours que s'il établit avoir effectivement et préalablement versé à la victime une prestation réparant de manière incontestable un tel préjudice, il y a lieu de distinguer, pour la victime directe, les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique et les troubles dans les conditions d'existence, envisagés indépendamment de leurs conséquences pécuniaires ;
Considérant, en premier lieu, qu'en ce qui concerne les dépenses de santé, la caisse primaire d'assurance maladie de Vienne présente, dans le dernier état de ses écritures, le détail des débours d'un montant de 399 691,72 euros dont elle demande le remboursement aux HOSPICES CIVILS DE LYON en indiquant qu'il s'agit des seuls débours liés à l'accident infectieux dont a été victime Mme X et pour les frais futurs en ne retenant que les frais capitalisés liés à cet accident ; que le médecin conseil de la caisse atteste de la réalité du lien entre ces frais et ce fait dommageable ; que dans ces conditions, l'indemnisation à la charge des HOSPICES CIVILS DE LYON au profit de la Caisse primaire d'assurance maladie de Vienne doit être fixée à 399 691,72 euros ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en ce qui concerne les frais liés au handicap, l'expert a indiqué qu'une assistance d'une tierce personne était nécessaire ; que compte tenu de la situation personnelle et familiale de Mme X et de son état consolidé, il y a lieu de fixer le nombre nécessaire d'heures d'assistance à six heures par jour ; que le Tribunal a fait une exacte appréciation de ce chef de préjudice en condamnant les HOSPICES CIVILS DE LYON à verser à ce titre à Mme X une rente trimestrielle de 6 387 euros ; qu'il y a lieu , en revanche de fixer le point de départ de cette rente, qui sera indexée dans les conditions prévues par l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, à compter du 20 novembre 2000 ;
Considérant, en troisième lieu, que Mme X ne justifiant pas d'une activité professionnelle, elle n'est pas fondée à demander à être indemnisée au titre de l'incidence professionnelle du dommage corporel ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'en ce qui concerne le préjudice personnel de Mme X, il résulte de l'instruction que l'intéressée reste atteinte d'une paraplégie pour laquelle l'expert a retenu un taux d'invalidité permanente partielle de 75 % ; que compte tenu des conséquences de cette infection sur sa situation et ses capacités, il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence en lui accordant à ce titre 200 000 euros, somme à laquelle il convient pour l'appréciation de son préjudice personnel d'ajouter les sommes non contestées de 30 000 euros pour les souffrances endurées et de 16 000 euros pour le préjudice esthétique, soit un montant total de 246 000 euros ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de fixer d'une part à 246 000 euros l'indemnité due par les HOSPICES CIVILS DE LYON à Mme X, outre une rente de 6 387 euros par trimestre à compter du 20 novembre 2000 et à 399 691,72 euros les débours à verser à la Caisse primaire d'assurance maladie de Vienne ;
Sur les conclusions de la Caisse primaire d'assurance maladie de Vienne fondées sur les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale :
Considérant que la somme de 760 euros dont le versement est demandé à nouveau par la Caisse primaire d'assurance maladie de Vienne en appel a déjà été accordée par le tribunal administratif en première instance, il n'y a plus lieu de statuer sur ces conclusions ;
Sur les conclusions fondées sur les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de condamner les HOSPICES CIVILS DE LYON à verser une somme de 1 000 euros à Mme X ; que dans les circonstances de l'espèce il n'y a pas lieu d'accorder une somme à la Caisse primaire d'assurance maladie de Vienne au titre de ces mêmes frais ;
DECIDE :
Article 1er : Le montant de la condamnation à la charge des HOSPICES CIVILS DE LYON fixé par l'article 1er du jugement est, s'agissant de l'indemnité en capital, ramenée de 282 250 euros à la somme de 246 000 euros et s'agissant, de la rente trimestrielle de 6 387 euros, à laquelle seront appliqués les coefficients de revalorisation prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, due à compter du 20 novembre 2000.
Article 2 : Le montant de la condamnation due par les HOSPICES CIVILS DE LYON à la Caisse primaire d'assurance maladie de Vienne fixée à l'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Lyon est réduit à 399 691,72 euros.
Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Les HOSPICES CIVILS DE LYON sont condamnés à verser la somme de 1 000 euros à Mme X au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
1
4
N° 06LY00472