Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 juin et 17 août 2006, présentés pour les sociétés BELLERIVEDIS et ARHUMA, dont les sièges sont situés au Champ de Navarre, avenue du Général de Gaulle à Bellerive-sur-Allier (03700) ;
Les sociétés BELLERIVEDIS et ARHUMA demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0400447 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 11 avril 2006 qui a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 3 décembre 2003 par laquelle la commission départementale d'équipement commercial de l'Allier a autorisé la société Jefralu à créer un magasin d'une surface de vente de 4 500 m² à l'enseigne « Bricomarché » sur le territoire de la commune de Cusset ;
2°) d'annuler cette autorisation ;
3°) de condamner l'Etat à leur verser à chacune une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 octobre 2008 :
- le rapport de M. Chenevey, premier conseiller ;
- les observations de Me Fresneau, avocat des sociétés BELLERIVEDIS et ARHUMA ;
- et les conclusions de M. Besson, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la société BELLERIVEDIS exploite un hypermarché à l'enseigne « Leclerc » dans la commune de Bellerive-sur-Allier, à un peu plus de 10 minutes du projet, dans la zone de chalandise primaire de ce dernier ; qu'une partie de l'activité de cet hypermarché, dans les domaines du bricolage, du jardinage et de la décoration intérieure, sera concurrencée par le projet litigieux d'ouvrir un magasin à l'enseigne « Bricomarché » ; que, par suite, même si, ainsi que le fait valoir la société Jefralu en défense, les marchés des deux enseignes ne sont pas identiques et, qu'en outre, les modes de vente ne seraient pas comparables, la société BELLERIVEDIS justifie, sans qu'il soit dès lors besoin d'examiner l'autre intérêt à agir dont elle se prévaut également, d'un intérêt lui donnant qualité pour contester l'autorisation litigieuse ;
Considérant, en second lieu, que la société Jefralu, bénéficiaire de l'autorisation attaquée, exploite déjà un magasin à l'enseigne « Bricomarché » sur le territoire de la commune de Cusset, dans des locaux qu'elle loue à la société ARHUMA en vertu d'un bail courant jusqu'en 2012 ; que, pour justifier de son intérêt à agir, la société ARHUMA fait valoir que la décision attaquée est susceptible d'affecter la poursuite de l'exécution de ce bail, comme le montre l'engagement du président directeur général de la société Jefralu devant la commission départementale d'équipement commercial de fermer l'actuel magasin « Bricomarché » avant d'ouvrir le nouveau magasin autorisé par cette décision, et de rendre plus difficile une nouvelle location de ses locaux à un concurrent de la société Jefralu, le projet n'étant situé qu'à quelques centaines de mètres de ces derniers ; que, même si la réalisation d'une rocade, qui a justifié l'inscription d'un emplacement réservé au plan d'occupation des sols de la commune de Cusset, devrait en principe, à terme, entraîner une expropriation desdits locaux, les éléments ainsi invoqués sont suffisants pour conférer à la société ARHUMA un intérêt à agir à l'encontre de cette autorisation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a jugé que la demande des sociétés BELLERIVEDIS et ARHUMA n'était pas recevable à défaut de tout intérêt à agir de ces dernières ; que ce jugement doit, par suite, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par les sociétés BELLERIVEDIS et ARHUMA devant le Tribunal administratif ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande :
Considérant que, pour l'application des dispositions combinées de l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 et des articles L. 720-1 à L. 720-3 du code de commerce, dans leur rédaction issue de la loi du 13 décembre 2000, il appartient aux commissions d'équipement commercial, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'apprécier si un projet soumis à autorisation est de nature à compromettre, dans la zone de chalandise intéressée, l'équilibre recherché par le législateur entre les diverses formes de commerce et, dans l'affirmative, de rechercher si cet inconvénient est compensé par les effets positifs du projet appréciés en tenant compte, d'une part, de sa contribution à l'emploi, à l'aménagement du territoire, à la concurrence, à la modernisation des équipements commerciaux et, plus généralement, à la satisfaction des besoins des consommateurs et, d'autre part, en évaluant son impact sur les conditions de circulation et de stationnement aux abords du site envisagé ;
Considérant que, pour accorder l'autorisation contestée, la commission départementale d'équipement commercial de l'Allier s'est fondée sur le fait que le projet de la société Jefralu répond à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, qu'il est mieux adapté à la capacité du marché local et de l'offre existante sur l'agglomération de Vichy qu'un précédent projet ayant fait l'objet d'un refus d'autorisation, qu'il entraînera la création de sept emplois et, enfin, que sa réalisation permettra d'améliorer les conditions de travail des salariés et le confort d'achat des consommateurs ; que, cependant, aucun élément ne peut permettre d'établir que la commission a préalablement recherché si le projet soumis à autorisation était de nature à compromettre, dans la zone d'influence, l'équilibre entre les différentes formes d'équipements commerciaux ; que, dès lors, la commission départementale d'équipement commercial a fait une inexacte application des dispositions ci-dessus analysées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les sociétés BELLERIVEDIS et ARHUMA sont fondés à soutenir que l'autorisation attaquée est entaché d'illégalité et doit, en conséquence, être annulée ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 600 euros au bénéfice de chacune des deux sociétés requérantes sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce que ces sociétés, qui ne sont pas, dans la présente instance, parties perdantes, soient condamnées à payer à la société Jefralu la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 11 avril 2006 est annulé.
Article 2 : La décision du 3 décembre 2003 par laquelle la commission départementale d'équipement commercial de l'Allier a autorisé la société Jefralu à créer un magasin à l'enseigne « Bricomarché » sur le territoire de la commune de Cusset est annulée.
Article 3 : L'Etat versera à chacune des deux sociétés requérantes une somme de 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la société Jefralu tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 06LY01356