Vu I°) le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 8 septembre 2008 sous le n° 08LY02090, présenté par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ;
Le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0803949 en date du 22 août 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a annulé, d'une part, l'arrêté de reconduite à la frontière du 19 août 2008 et, d'autre part, la décision du même jour fixant la Turquie comme pays de destination ;
2°) de rejeter les demandes de M. X devant le premier juge ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 novembre 2008 :
- le rapport de M. Fontanelle, président ;
- et les conclusions de M. Reynoird, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les recours n° 08LY02090 et 08LY02091 du PREFET DELA HAUTE-SAVOIE sont relatifs au même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : « II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants :(...)1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité turque, déclare être entré irrégulièrement sur le territoire français en septembre 2004 ; qu'il n'est pas en possession d'un titre de séjour régulièrement délivré ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 19 août 2008, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 1° de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant que M. X a été interpellé le 19 août 2008, alors qu'il s'était rendu à une convocation des services de police, dans le cadre d'une enquête ouverte, sur le fondement de l'article 175-2 du code civil, à la demande du procureur de la République, à la suite du dépôt, en mairie de Seyssel, de son dossier de mariage avec une ressortissante française ; que, placé en garde-à-vue, il s'est vu notifier, le même jour, un arrêté de reconduite à la frontière pris par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ; qu'il ressort des pièces du dossier que la célébration du mariage, initialement fixée au 2 août 2008, avait fait l'objet d'une décision de sursis de la part du procureur de la République et qu'aucune nouvelle date n'avait été fixée ; que c'est à l'occasion de son audition par les services de police que l'irrégularité du séjour en France de l'intéressé a été constatée et portée à la connaissance du PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE, lequel n'avait donc pas connaissance, avant cette date, du caractère irrégulier de son séjour en France ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, l'arrêté attaqué ne peut être regardé comme ayant revêtu un caractère précipité et eu pour motif déterminant de faire obstacle au mariage de M. X ; que, par suite, le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté de reconduite à la frontière du 19 août 2008 au motif qu'il aurait commis, en le prenant, un détournement de pouvoir ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. X ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière
Considérant, en premier lieu, que M. Jean-François RAFFY, qui a signé l'arrêté décidant la reconduite à la frontière de M. X, bénéficiait d'une délégation de signature du PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE en date du 28 mars 2008, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Haute-Savoie, lui permettant de signer l'arrêté dont il s'agit ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit, par suite, être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté de reconduite à la frontière comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles il se fonde ; que, dès lors, M. X n'est pas fondé à soutenir qu'il est insuffisamment motivé ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7°A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) » et qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;
Considérant que si M. X fait valoir qu'il vit en concubinage avec une ressortissante française avec laquelle il projette de se marier et qu'il dispose d'une promesse d'embauche, il ressort toutefois des pièces du dossier que le concubinage qu'il invoque est, pour le moins, récent, qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents, ses six frères et soeurs ainsi que ses deux enfants mineurs ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions d'entrée et de séjour du requérant en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a ainsi méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de renvoi
Considérant, en premier lieu, que M. Jean-François RAFFY, qui a signé la décision distincte fixant le pays de renvoi, bénéficiait d'une délégation de signature du PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE en date du 28 mars 2008, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Haute-Savoie, lui permettant de signer la décision dont il s'agit ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit, par suite, être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, que la décision distincte fixant le pays de renvoi comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée ;
Considérant, en dernier lieu, que le moyen tiré de ce que la décision distincte fixant le pays de renvoi serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation n'est pas assorti des précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier le bien-fondé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 19 août 2008 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X ainsi que la décision distincte du même jour fixant le pays dont l'intéressé a la nationalité comme destination de la reconduite ;
Sur le recours du PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE tendant au sursis à exécution du jugement en date du 22 août 2008 ;
Considérant que la Cour statuant au fond par le présent arrêt sur le recours n° 08LY02090, les conclusions du recours enregistré sous le n° 08LY02091 à fin de sursis à exécution du jugement deviennent sans objet ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble en date du 22 août 2008 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par M. X devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 082091.
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