Vu la requête, enregistrée le 29 septembre 2006, présentée pour M. Jean-Claude X et Mme Chantal Y domiciliés ... ;
Les requérants demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0100927 du 13 juillet 2006 du Tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté leur demande tendant à la condamnation solidaire de l'Etat et de la commune de Chamonix Mont-Blanc, à leur verser une somme globale de 106 626,20 euros en réparation des préjudices qu'ils ont subi du fait de l'avalanche survenue au lieu-dit Les Poses le 9 février 1999 ;
2°) de condamner solidairement l'Etat et la commune de Chamonix Mont-Blanc à leur verser :
- une somme de 91 381,30 euros au titre de leur préjudice financier et une somme de 15 244,90 euros au titre de leur préjudice moral outre intérêts à compter de leur réclamation préalable ;
- une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et ses usagers ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 novembre 2008 :
- le rapport de Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller ;
- les observations de Me Albisson, avocat des requérants et de Me Salon, avocat de la commune de Chamonix ;
- et les conclusions de M. Besson, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par un jugement en date du 13 juillet 2006 le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande indemnitaire de Mme Y et de M. X en réparation des préjudices qu'ils ont subi du fait de l'avalanche survenue au lieu-dit Les Poses le 9 février 1999, sans se prononcer sur les diverses responsabilités, estimant qu'ils ne justifiaient pas d'un préjudice indemnisable ; que Mme Y et M. X relèvent appel du jugement ;
Sur la recevabilité de la demande en tant qu'elle est dirigée contre l'Etat :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : « Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. » ; qu'aux termes de l'article R. 421-5 du même code : « Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnées, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision », qu'enfin l'article R. 421-3 du code de justice administrative dispose : « Toutefois, l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet : 1° en matière de plein contentieux (...) » ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que le courrier du préfet de la Haute-Savoie en date du 16 novembre 2000, rejetant le recours indemnitaire des demandeurs a été reçu le 20 novembre 2000 et qu'il comportait les voies et délais de recours conformément aux dispositions des articles R. 421-1 et R. 421-5 du code de justice administrative ; que les dispositions de l'article 5 du décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 relatives au délai de recours contentieux contre une décision implicite de rejet en matière de plein contentieux sont inopérantes en ce qui concerne les décisions expresses de rejet, comme en l'espèce ; que la demande enregistrée devant le Tribunal administratif de Grenoble le 9 mars 2001 ne peut être regardée comme une régularisation de leur demande, introduite le 20 décembre 2000, dont ils se sont désistés en janvier 2001 ; que s'ils soutiennent que leur nouvelle demande indemnitaire formée en cours d'instance le 27 janvier 2004 avant la clôture de l'instruction aurait lié le contentieux, cette circonstance est sans incidence sur la tardiveté de leurs conclusions dirigées contre l'Etat ; que, dès lors, leur demande en tant qu'elle avait pour objet de rechercher la responsabilité de l'Etat, enregistrée le 9 mars 2000 au greffe du Tribunal administratif de Grenoble était tardive ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué statuant sur les conclusions dirigées contre la commune de Chamonix :
En ce qui concerne le préjudice immobilier :
Considérant que M. X et Mme Y invoquent des préjudices résultant de la perte de valeur vénale de leur propriété et de la perte de chance d'obtenir une plus-value à sa revente suite au classement du terrain sur lequel était construit leur chalet en zone inconstructible ; que ce classement en zone inconstructible a été décidé, suite à l'avalanche du 9 février 1999, par une délibération du 5 mars 1999 du conseil municipal de Chamonix, révisant le plan d'occupation de sols de la commune ; que, dès lors, les fautes alléguées tirées de l'illégalité du permis de construire délivré le 23 août 1993 et du plan d'occupation des sols révisé le 29 mars 1991 et des fautes du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police avant et lors de l'avalanche du 9 février 1999 sont dépourvues de lien de causalité avec les préjudices invoqués ;
En ce qui concerne le préjudice mobilier :
Considérant que M. X et Mme Y n'établissent pas plus en appel qu'en première instance que la garantie de leur contrat d'assurance sur la base duquel ils ont été indemnisés pour leur mobilier détruit lors de l'avalanche ne couvrait pas la valeur du mobilier de ce chalet au jour de l'avalanche ; que, dès lors, ce chef de préjudice ne pouvait être retenu en tout état de cause ;
En ce qui concerne le préjudice moral :
Considérant qu'aucune fin de non-recevoir tirée du défaut de décision préalable ne peut être opposée à un requérant ayant introduit devant le juge administratif un contentieux indemnitaire à une date où il n'avait présenté aucune demande en ce sens devant l'administration, lorsqu'il a formé, postérieurement à l'introduction de son recours juridictionnel, une demande auprès de l'administration sur laquelle le silence gardé par celle-ci a fait naître une décision implicite de rejet avant que le juge de première instance ne statue, et ce quelles que soient les conclusions formulées dans le mémoire en défense de l'administration ; que lorsque ce mémoire en défense conclut, à titre principal, à l'irrecevabilité de la demande faute de décision préalable et, à titre subsidiaire seulement, au rejet au fond de celle-ci, ces conclusions font seulement obstacle à ce que le contentieux soit lié par ce mémoire lui-même ;
Considérant que M. X et Mme Y ont formé une nouvelle demande indemnitaire faisant état d'un préjudice moral en cours d'instance, par une lettre adressée le 27 janvier 2004 au maire de la commune de Chamonix ; que, dès lors, aucune irrecevabilité ne pouvait leur être opposée sur ce chef de préjudice, nonobstant la circonstance que la commune avait opposé l'absence de décision préalable afférente à ce chef de préjudice qui se rattache au même fait générateur ; qu'il s'ensuit que le jugement doit être annulé en tant qu'il a retenu la fin de non recevoir opposée par la commune, tirée d'une absence de liaison du contentieux en ce qui concerne le préjudice moral invoqué ;
Considérant qu'il y a lieu de se prononcer immédiatement par voie d'évocation sur le chef de la demande de M. X et Mme Y relative à leur préjudice moral ;
Considérant que les requérants se bornent à indiquer que leur résidence secondaire acquise le 20 juin 1998 et détruite moins de huit mois plus tard par l'avalanche du 9 février 1999 était leur « résidence de coeur » ; que, dès lors, cette simple allégation ne peut être regardée, dans les circonstances de l'espèce, eu égard au caractère récent de l'acquisition et au mode d'occupation des lieux, comme suffisante pour leur ouvrir droit à réparation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, qu'en l'absence de justification d'un préjudice moral indemnisable, ce qui autorise la Cour à se dispenser d'examiner les responsabilités encourues, la demande de M. X et Mme Y afférente à ce chef de préjudice doit être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0100927 du Tribunal administratif de Grenoble est annulé en tant qu'il a retenu la fin de non recevoir opposée par la commune tirée d'une absence de liaison du contentieux en ce qui concerne le préjudice moral allégué.
Article 2 : La demande de M. X et de Mme Y concernant la réparation de leur préjudice moral est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n° 06LY02038 de M. X et de Mme Y est rejeté.
Article 4 : Les conclusions des parties tendant à l'application des dispositions de l'article L .761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 06LY02038