Vu la requête, enregistrée le 16 janvier 2006 sous le n° 06LY00107, présentée pour la SOCIETE BIOGEMMA, dont le siège est 1 rue Edouard Colonne à Paris (75001) représentée par son président, pour le GROUPE LIMAGRAIN HOLDING dont le siège est à Chappes (63720), représenté par le président de son conseil d'administration, pour la SOCIETE RAGT GENETIQUE, dont le siège est rue Emile Singla, site de Bourran à Rodez (12000), représentée par le président de son conseil d'administration et directeur général, et la SOCIETE EURALIS SEMENCES dont le siège est avenue Gaston Phoebus à Lescar (64203), représentée par son président ;
Les sociétés requérantes demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0500099, en date du 17 novembre 2005, par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à réparer leur préjudice résultant de la destruction, par des opposants aux cultures d'organismes génétiquement modifiés, d'un champ de maïs transgénique sur le territoire de la commune de Marsat ;
2°) de condamner l'Etat à verser 24 360 000 euros à la SOCIETE BIOGEMMA, 868 000 euros au GROUPE LIMAGRAIN HOLDING, 259 000 euros à la SOCIETE EURALIS SEMENCES et 259 000 euros à la SOCIETE RAGT GENETIQUE, avec les intérêts de droit ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens et une somme de 10 000 euros à verser à chacune d'elles sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) à titre subsidiaire, de nommer un nouvel expert pour évaluer leur préjudice ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mai 2009 :
- le rapport de Mme Gondouin, premier conseiller ;
- les observations de Me Vial avocat des sociétés requérantes ;
- et les conclusions de M. Besle, rapporteur public ;
La parole ayant été de nouveau donnée à Me Vial ;
Considérant que le 14 août 2004, sur le territoire de la commune de Marsat dans le Puy-de-Dôme, deux parcelles de maïs génétiquement modifié ont été saccagées par des opposants à cette expérimentation réunis dans le Collectif des faucheurs volontaires ; que la SOCIETE BIOGEMMA, qui avait mis en place cet essai, le GROUPE LIMAGRAIN HOLDING, la SOCIETE RAGT GENETIQUE et la SOCIETE EURALIS SEMENCES ont saisi le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand qui, par le jugement attaqué, a rejeté leur demande tendant à ce que l'Etat indemnise leur préjudice ;
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
En ce qui concerne le moyen tiré de la responsabilité de l'Etat du fait des attroupements et des rassemblements :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales : L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'opération du 14 août 2004 menée par 300 à 500 personnes réunies dans le Collectif des faucheurs volontaires s'inscrit dans le cadre d'une action programmée et concertée de destruction des parcelles où sont menés des essais de cultures transgéniques ; que le saccage des parcelles de Marsat le 14 août 2004, alors même que les modalités concrètes et le lieu précis de l'arrachage n'avaient pas été diffusés pour des raisons tactiques, ne peut être ainsi regardé comme résultant d'un attroupement ou d'un rassemblement au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales ; que les sociétés requérantes ne sont, dès lors, pas fondées à soutenir que les premiers juges ont, à tort, rejeté leur demande présentée sur le fondement de cet article ;
En ce qui concerne la responsabilité pour faute :
Considérant que l'obligation qui incombe au préfet d'assurer le maintien de l'ordre public trouve ses limites dans les nécessités de l'ordre public ; qu'il résulte de l'instruction que, lors d'une réunion le 11 août 2004, le préfet du Puy-de-Dôme et les représentants des sociétés concernées ont étudié les risques de destruction des parcelles de culture transgénique sises sur les communes de Cendre et Marsat du fait de la venue du Collectif des faucheurs volontaires à Cournon d'Auvergne le 14 août 2004 ; qu'un ordre de réquisition a été adressé le 13 août 2004 au commandant de la circonscription de la gendarmerie de Lyon, au directeur départemental de la sécurité publique et au commandant de l'escadron de gendarmerie afin qu'ils prêtent le concours des forces nécessaires au maintien de l'ordre public ; que, confronté à la destruction potentielle de deux sites distants d'une trentaine de kilomètres, à la mobilité soudaine des manifestants, le préfet n'a pu disposer, ce jour-là, que d'une centaine de gendarmes pour assurer le maintien de l'ordre public ; que, compte tenu des informations et des moyens dont il disposait et de l'obligation qui lui incombait de prendre des mesures proportionnées au risque de trouble à l'ordre public, face à des manifestants non armés et dont l'objectif était la seule destruction de biens matériels, le préfet du Puy-de-Dôme, en s'abstenant d'ordonner aux effectifs de gendarmerie présents sur le terrain d'utiliser leurs armes, ou d'adopter une stratégie d'action différente, n'a pas commis de faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que, par ailleurs et contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes, le préfet n'a pas plus commis de faute en n'interdisant pas ces agissements qui sont par eux-mêmes constitutifs de délits ;
En ce qui concerne la responsabilité pour rupture de l'égalité devant les charges publiques :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la cause directe des dommages subis par les sociétés requérantes est l'action violente menée par le Collectif des faucheurs volontaires le 14 août 2004 à Marsat ; que les autorités investies du pouvoir de police, qui ne se sont pas abstenues d'agir, contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes, se sont trouvées, compte tenu des risques encourus tant par les opposants aux cultures OGM que par les chercheurs et agriculteurs favorables aux expérimentations menées sur la parcelle saccagée, dans l'impossibilité de s'opposer efficacement aux agissements délictueux dont s'agit ; qu'ainsi, en l'absence d'un lien de causalité direct entre le fait de l'administration et les dommages subis par les sociétés requérantes, ces dernières ne sont pas fondées à soutenir que la responsabilité de l'Etat devait être engagée envers elles pour rupture de l'égalité devant les charges publiques ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser aux sociétés requérantes les sommes qu'elles demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées par elles à ce titre ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIETE BIOGEMMA du GROUPE LIMAGRAIN HOLDING, de la SOCIETE RAGT GENETIQUE et de la SOCIETE EURALIS SEMENCES est rejetée.
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N° 06LY00107