Vu la requête, enregistrée le 3 septembre 2007, présentée pour le DEPARTEMENT DE L'YONNE, représenté par le président du conseil général en exercice, domicilié en son siège situé 1 rue de l'Etang-Saint-Vigile à Auxerre (89089 cedex) ;
Le DEPARTEMENT DE L'YONNE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0600374 du 21 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a, à la demande de Mme Catherine A, annulé la décision en date du 5 décembre 2005 par laquelle le président du conseil général l'a licenciée pour faute lourde, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande présentée par Mme A devant le Tribunal administratif de Dijon tendant à l'annulation des décisions susmentionnées ;
3°) de mettre à la charge de Mme A la somme de 2 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les faits reprochés à l'époux de Mme A ne pouvaient fonder la décision prise à l'encontre de cette dernière, alors que le comportement de la famille d'accueil est un élément devant être pris en compte pour apprécier la compétence d'une assistante maternelle ; le comportement de M. A était de nature à faire regarder la famille et les conditions d'accueil comme ne présentant pas les garanties normales exigées pour l'assurer l'accueil d'un enfant ;
- contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, Mme A n'a jamais nié les accusations de comportements racistes et de détournement d'argent de poche, et les faits sont établis par les pièces produites ;
- le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs, en ce qu'il est affirmé que les faits reprochés n'étaient pas imputables à Mme A et que ces faits ne présentaient pas un caractère de gravité suffisant pour justifier son licenciement ;
- les faits reprochés à Mme A étaient de nature à justifier son licenciement pour faute lourde ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 15 novembre 2007, présenté pour Mme A, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge du DEPARTEMENT DE L'YONNE, au titre de l'article L. 761-1du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le signataire de la décision en litige était incompétent, à défaut de justification d'une délégation valable pour signer une lettre de licenciement ;
- les faits reprochés à son époux, concernant une agression d'une éducatrice, qui ne concernent pas l'enfant accueillie, ne sont pas établis dès lors qu'il a été renvoyé des fins de la poursuite par le tribunal correctionnel ; les faits relatifs à des propos racistes et xénophobes qui auraient été tenus en présence de l'enfant ne sont pas établis par un rapport ni daté ni signé ; ces faits ont toujours été niés et l'administration n'a fait état, dans la décision de licenciement, que de présomptions ;
- le jugement attaqué n'est entaché d'aucune contradiction de motifs ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 septembre 2009 :
- le rapport de M. Seillet, premier conseiller,
- les observations de Me Dursent, pour le DEPARTEMENT DE L'YONNE, et de Me Ferreira, pour Mme A,
- les conclusions de Mme Humbert-Bouvier, rapporteur public,
la parole ayant été à nouveau donnée à Me Dursent et à Me Ferreira ;
Considérant que Mme A, qui avait été recrutée en qualité d'assistante maternelle, par un contrat à durée indéterminée conclu avec le DEPARTEMENT DE L'YONNE le 23 mars 2002, pour accueillir des enfants confiés par le service de l'aide sociale à l'enfance, a fait l'objet d'un licenciement pour faute lourde, par une décision du président du conseil général dudit département en date du 5 décembre 2005, aux motifs d'une agression commise par son époux sur une éducatrice de la mission enfance et famille, de graves manquements professionnels dans la prise en charge d'une jeune fille accueillie entre le 20 novembre 2003 et le 24 octobre 2005, en raison d'une pression faite de menaces, de chantage et de réflexions xénophobes, de présomptions de détournement d'argent de poche non remis à la jeune fille accueillie et des primes de vêture reçues de décembre 2003 à juillet 2005, au titre de cette dernière ; que le DEPARTEMENT DE L'YONNE fait appel du jugement du 21 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a, à la demande de Mme A, annulé ladite décision du 5 décembre 2005, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que les premiers juges, après avoir constaté que le seul fait non contesté par Mme A concernait l'altercation physique intervenue à son domicile entre son mari et l'éducatrice venue chercher l'enfant accueillie, ont pu considérer, sans entacher leur jugement d'une contradiction de motif, que, d'une part, il ressortait des pièces du dossier que ces faits n'étaient pas directement et personnellement imputables à Mme A et qu'aucun fait en rapport avec cette agression ne lui était personnellement reproché par le DEPARTEMENT DE L'YONNE et, d'autre part, que ce fait ne présentait pas un caractère de gravité suffisante pour justifier, sans erreur manifeste d'appréciation, le licenciement pour faute lourde de Mme A ;
Sur la légalité des décisions en litige :
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier qu'une altercation physique s'est produite, le 24 octobre 2005, entre M. A et l'éducatrice de la mission enfance et famille, référente, depuis un mois à cette date, de la jeune fille accueillie au foyer de Mme A, lorsque ladite éducatrice s'est rendue au domicile de cette dernière afin de conduire cette personne dans une autre famille ; qu'il n'en ressort pas, toutefois, en l'absence notamment de témoignages, que M. A, qui a été au demeurant relaxé, par un jugement du tribunal correctionnel de Sens, en date du 16 février 2006, des faits de la poursuite, au motif que la matérialité des faits de violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure à huit jours, qui lui étaient reprochés, n'était pas suffisamment établie, eu égard à l'inadéquation entre les déclarations de la plaignante et les constatations médicales, se serait livré à une agression physique envers l'éducatrice référente, nonobstant le rapport rédigé sur ce point par cette dernière, en complément du rapport également rédigé sur les manquements professionnels reprochés à Mme A, non daté, mais rédigé, selon une attestation postérieure de l'éducatrice, à la date du 25 octobre 2005, alors même que ledit rapport évoque au passé des faits s'étant produits à cette dernière date, sans d'ailleurs faire état de l'altercation avec M. A ; que, par suite, le président du conseil général de l'Yonne ne pouvait, sans entacher sa décision d'erreur de fait, prononcer, pour ce motif tiré d'une agression sur la personne d'une éducatrice du service, le licenciement pour faute lourde de Mme A, nonobstant la nécessité pour le département d'apprécier si l'ensemble de la famille d'accueil des enfants confiés à une assistante maternelle offre les garanties auxquelles cet accueil est subordonné ;
Considérant, en deuxième lieu, que le DEPARTEMENT DE L'YONNE, à défaut de produire toute pièce de nature à établir la réalité des faits de détournements de sommes d'argent remises à Mme A au titre de l'argent de poche de la jeune fille accueillie ou de ses frais d'habillement, qualifiés au demeurant de présomptions dans la décision en litige, et alors que Mme A a produit en appel des pièces justificatives de l'emploi de la prime de vêture dont l'exactitude n'a pas été contestée par le département requérant, n'établit pas la matérialité de ces faits, contestée par Mme A ;
Considérant, en dernier lieu, que si les rapports établis, d'une part, par une psychologue, et, d'autre part, par l'éducatrice référente de la jeune fille accueillie, majeure depuis le mois d'avril 2005, font état de difficultés relationnelles entre cette dernière et le foyer de Mme A, en raison d'un climat répressif et insécurisant, résultant de l'attitude intrusive de l'assistante maternelle et d'un quotidien émaillé de conflits, ainsi que de propos par lesquels Mme A et son époux auraient rappelé à l'intéressée, ressortissante de la République démocratique du Congo ayant sollicité le bénéfice du statut de réfugié, sa situation irrégulière en France, la matérialité des faits qualifiés de maltraitance psychologique faite de brimades et de reproches au quotidien n'est pas établie par le seul rapport rédigé par l'éducatrice, désignée en qualité de référente de la jeune fille depuis un mois seulement à la date alléguée dudit rapport, alors que l'intéressée avait été confiée à Mme A depuis près de deux ans à cette même période ; qu'il en est de même des faits de menaces de chantage et de réflexions xénophobes qui ont motivé la décision en litige ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le DEPARTEMENT DE L'YONNE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a, à la demande de Mme A, annulé la décision du 5 décembre 2005, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ; que doivent être également rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de sa requête tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Sur les conclusions de Mme A tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du DEPARTEMENT DE L'YONNE la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés à l'occasion de la présente instance par Mme A et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête du DEPARTEMENT DE L'YONNE est rejetée.
Article 2 : Le DEPARTEMENT DE L'YONNE versera la somme de 1 500 euros à Mme A au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au DEPARTEMENT DE L'YONNE et à Mme Catherine A.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2009 à laquelle siégeaient :
M. Fontanelle, président de chambre,
MM. Reynoird et Seillet, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 8 octobre 2009.
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N° 07LY02001