Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 18 janvier 2008, présenté par le PREFET DE L'ISERE ;
Le PREFET DE L'ISERE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0705072, en date du 21 décembre 2007, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 21 septembre 2007 par lesquelles il a refusé à M. Salim A la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Grenoble ;
Il soutient que, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal administratif, ses décisions ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistrés le 25 avril 2008 et le 22 juillet 2009, les mémoires présentés pour M. Salim A, domicilié ..., qui conclut au rejet du recours et demande à la Cour d'enjoindre au PREFET DE L'ISERE de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale , dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation administrative, dans le délai de trente jours, sous la même astreinte ;
Il soutient que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée ; qu'elle est entachée d'une erreur de droit, d'une erreur de fait et d'un détournement de procédure ou de pouvoir ; qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation, est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour sur laquelle elle se fonde, méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ainsi que celles du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 7 octobre 2009 :
- le rapport de M. Le Gars, président,
- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;
Considérant que M. A, ressortissant algérien né le 9 avril 1973, est entré régulièrement en France, pour la dernière fois, le 29 mars 2007, sous couvert d'un visa de court séjour ; qu'il a épousé, le 5 avril 2007, une compatriote titulaire d'un certificat de résidence algérien de dix ans, disposant d'un logement et d'un emploi et enceinte de cinq mois à la date de la décision attaquée ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que l'épouse de M. A n'est arrivée en France que le 31 août 2002, à l'âge de vingt-quatre ans, et que les attaches familiales de ce dernier se situent en Algérie, où vivent également les membres de la famille du requérant, hormis l'un de ses frères, qui réside en France ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée de séjour du requérant en France ainsi que du caractère très récent de son mariage et de la possibilité pour son épouse de solliciter le bénéfice du regroupement familial à son profit, la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour en litige n'a pas porté au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus ; que, par suite, le PREFET DE L'ISERE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé sa décision du 21 septembre 2007 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, pour violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que, par voie de conséquence, ses décisions du même jour faisant obligation à l'intéressé de quitter le territoire français et désignant le pays de renvoi ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. A, tant devant le Tribunal administratif de Grenoble que devant la Cour ;
Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :
Considérant, en premier lieu, que M. Gilles Barsacq, Secrétaire général de la préfecture de l'Isère, signataire de l'arrêté du 21 septembre 2007 en litige, bénéficiait, par arrêté du 15 décembre 2006, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Isère, d'une délégation de signature du préfet de l'Isère l'autorisant à signer tous arrêtés et décisions, à l'exception de certains actes parmi lesquels ne figurent pas les décisions portant refus de délivrance de titre de séjour assorties d'une obligation de quitter le territoire français et d'une décision désignant le pays de destination de la mesure d'éloignement ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée a été signée par une autorité incompétente ;
Considérant, en deuxième lieu, que la décision attaquée énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; qu'elle est, ainsi, suffisamment motivée ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) et qu'aux termes de l'article 4 de ce même accord : (...) Peut être exclu de regroupement familial : / (...) 2 - un membre de la famille séjournant à un autre titre ou irrégulièrement sur le territoire français. (...) ;
Considérant que M. A est marié à une compatriote en situation régulière sur le territoire français et entre, de ce fait, dans une des catégories d'étrangers qui peuvent prétendre au regroupement familial, nonobstant la circonstance qu'il séjourne irrégulièrement en France et qu'il peut, de ce fait, être exclu du regroupement familial, dès lors que cette exclusion constitue une possibilité pour le préfet et non une obligation ; que, par suite, le PREFET DE L'ISERE, qui n'avait pas à se prononcer sur le droit effectif de l'intéressé au regroupement familial, dès lors qu'il n'avait pas été saisi d'une demande à cet effet, a pu, sans commettre d'erreur de droit ou de fait ni de détournement de pouvoir ou de procédure, rejeter la demande de délivrance de titre de séjour que M. A avait présentée sur le fondement du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, au motif que l'intéressé entrait dans une catégorie d'étrangers ouvrant droit au regroupement familial ;
Considérant, en quatrième lieu, que, pour les motifs susénoncés dans le cadre de l'examen du motif d'annulation retenu par les premiers juges, la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de M. A ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : I. L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. / (...) L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai d'un mois à compter de sa notification. Passé ce délai, cette obligation peut être exécutée d'office par l'administration (...) ;
Considérant que l'obligation de quitter le territoire français est une mesure de police qui devait, comme telle, être motivée en application des règles de forme édictées par l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 ; que, toutefois, la motivation de cette mesure se confondait avec celle du refus ou du retrait de titre de séjour dont elle découlait nécessairement et n'impliquait pas, par conséquent, dès lors que ce refus ou ce retrait était lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français avaient été rappelées, de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ;
Considérant que l'arrêté du PREFET DE L'ISERE faisant notamment obligation à M. A de quitter le territoire français, qui comporte une décision motivée de rejet de sa demande de titre de séjour, comporte aussi le visa des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui fondent cette obligation ; que cet arrêté doit, par suite, être regardé comme suffisamment motivé au regard des exigences de l'article 1er de la loi susmentionnée ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il convient d'écarter, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été retenus dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour, les moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'obligation de quitter le territoire français, de la méconnaissance, par cette mesure d'éloignement, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'erreur manifeste d'appréciation dont elle serait entachée ;
Considérant, en troisième lieu, que, compte tenu de ce qui vient d'être dit dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour, M. A n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale ;
Considérant que si M. A soutient que la décision du 21 décembre 2007 privera l'enfant à naître de la présence de son père ou de sa mère, en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention précitée, il ressort toutefois des pièces du dossier que l'enfant dont il s'agit n'était pas encore né lorsque la décision critiquée a été prise ; que, par suite, le requérant ne peut pas utilement se prévaloir de ces stipulations ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE L'ISERE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 21 septembre 2007 portant refus de délivrance d'un titre de séjour à M. A, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays vers lequel il serait reconduit ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. A :
Considérant que le présent arrêt, qui rejette la demande de M. A, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au PREFET DE L'ISERE de délivrer à M. A un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation administrative dans le délai de trente jours, sous les mêmes conditions d'astreinte, doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 21 décembre 2007 du Tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Grenoble ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DE L'ISERE, à M. Salim A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
Délibéré après l'audience du 7 octobre 2009 à laquelle siégeaient :
M. Le Gars, président de la Cour,
M. Monnier, premier conseiller,
M. Segado, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 octobre 2009.
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N° 08LY00129