Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 décembre 2006 et 12 mars 2007, présentés pour M. et Mme Jean-Louis A, domiciliés ... ;
M. et Mme A demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0505523 du 10 octobre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à ce que les Hospices civils de Lyon soient condamnés à leur verser la somme de 60 000 euros en réparation des conséquences dommageables du décès de Mlle Charlotte B, leur petite fille, survenu le 21 février 2002 à l'hôpital Lyon Sud et du prélèvement d'organe pratiqué le même jour à l'hôpital Edouard Herriot ;
2°) de condamner les Hospices civils de Lyon à leur verser la somme de 90 000 euros ;
3°) de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que les premiers juges n'ont pas pris en compte les constatations médicales alors qu'il ressortait du rapport d'expertise que le risque suicidaire était élevé et que par suite, les soins n'ont pas été appropriés à la situation clinique ; que la gravité de l'état a été sous-estimé tandis que le Tribunal a retenu les seuls éléments rassurants ; qu'elle n'a pas fait l'objet d'une prise en charge adaptée à son état ; que le prélèvement d'organe n'est pas intervenu dans des conditions légales, le consentement formel des parents n'étaient pas suffisant compte tenu de la nécessité d'une protection objective du corps et alors que Charlotte, qui manifestait de nombreux signes de mal-être par rapport à son corps, ne pouvait être regardée comme y ayant consenti ; qu'eux-mêmes avaient manifesté leur opposition qui aurait dû être prise en compte ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2009, présenté pour les Hospices civils de Lyon qui concluent au rejet de la requête par les motifs que la requête apparait hors délai ; que les requérants ne sont pas recevables à agir en qualité d'ayants droits de leur petite-fille ; qu'il n'y avait aucun motif sérieux de déduire des précédentes tentatives que Charlotte était déterminée à mettre fin à ses jours ; que tous les éléments décrits dans le rapport d'expertise établissent le caractère suffisant de la prise en charge et de la surveillance ; que son état ne révélait aucune urgence à la transférer dans un autre service ; que les prélèvements d'organe ont été réalisés conformément aux dispositions des articles L. 1232-1 et L. 1232-2 du code de la santé publique ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er octobre 2009 :
- le rapport de Mme Verley-Cheynel, président-assesseur ;
- les observations de Me Matari, avocat de M. et Mme Jean-Louis A et de Me Demailly, avocat des Hospices civils de Lyon ;
- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;
La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;
Après avoir pris connaissance de la note en délibéré, déposée le 1er octobre 2009, pour M. et Mme A ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions de la requête et de la demande :
Considérant que la jeune Charlotte B, âgée de 16 ans, est décédée le 21 février 2002, trois jours après s'être précipitée dans le vide d'un toit de l'hôpital Debrousse où elle était hospitalisée ; que M. et Mme A, ses grands-parents maternels, ont recherché la responsabilité des Hospices civils de Lyon auxquels ils imputent tant la prise en charge inadaptée de la malade avant le geste fatal, que les prélèvements d'organes effectués sur sa dépouille après son décès ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la jeune Charlotte, qui souffrait depuis plus de deux ans de troubles dépressifs et avait déjà été hospitalisée à plusieurs reprises, notamment en service pédiatrique à l'hôpital Debrousse, à la suite de tentatives de suicide par phlébotomie ou par voie médicamenteuse, avait été à nouveau hospitalisée à compter du 14 décembre 2001, pour anorexie et fatigue intense ; que lors de cette hospitalisation, au cours de laquelle elle a pu bénéficier de plusieurs autorisations de sortie, elle avait réalisé le 1er février une nouvelle tentative de suicide par ingestion médicamenteuse ; que compte tenu de son état fluctuant, il avait déjà été décidé de l'orienter vers un service de pédopsychiatrie spécialisé pour les adolescents d'un autre établissement, au sein duquel elle avait été reçue pour plusieurs consultations dans le cadre du protocole d'admission en vigueur, et où elle aurait dû être accueillie à compter du 20 février 2002 ; que si l'expert commis par le juge des référés du tribunal administratif a retenu que le service dans lequel la jeune fille était alors prise en charge n'était pas adapté à sa situation clinique et que la non-possibilité de l'hospitaliser dans ce service spécialisé a constitué une perte de chance de survie, il ne ressort toutefois de l'instruction ni que le comportement antérieur de la malade ait pu laisser suspecter le risque qu'elle se précipite dans le vide, ni que la prise en charge médicale et la surveillance dont elle faisait l'objet le jour de l'accident auraient été inadaptées à son état, alors que ce dernier s'était amélioré dans les jours qui précédaient, ce qui lui avait d'ailleurs valu de bénéficier le jour même d'une permission de sortie avec sa mère ; que dans ces conditions, aucune faute médicale ou d'organisation du service ne peut être imputée à l'établissement hospitalier ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 1232-1 du code de la santé publique dans sa rédaction alors en vigueur : Le prélèvement d'organes sur une personne décédée ne peut être effectué qu'à des fins thérapeutiques ou scientifiques et après que le constat de la mort a été établi. / Ce prélèvement peut être effectué dès lors que la personne concernée n'a pas fait connaître de son vivant, son refus d'un tel prélèvement. /Ce refus peut être exprimé par l'indication de sa volonté sur un registre national automatisé prévu à cet effet. Il est révocable à tout moment. / Si le médecin n'a pas directement connaissance de la volonté du défunt, il doit s'efforcer de recueillir le témoignage de sa famille. ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 1232-2 du même code : Si la personne décédée était un mineur ou un majeur faisant l'objet d'une mesure de protection légale, le prélèvement en vue d'un don ne peut avoir lieu qu'à la condition que chacun des titulaires de l'autorité parentale ou le représentant légal y consente expressément par écrit. et que l'article R. 671-7-6, alors applicable, dudit code, repris à l'article R. 1232-6 dispose : Toute personne majeure ou mineure âgée de treize ans au moins peut s'inscrire sur le registre afin de faire connaître qu'elle refuse qu'un prélèvement d'organes soit opéré sur son corps après son décès soit à des fins thérapeutiques, soit pour rechercher les causes du décès, soit à d'autres fins scientifiques, soit dans plusieurs de ces trois cas. (...) ;
Considérant que si les dispositions précitées subordonnent le prélèvement d'organe sur une personne mineure au consentement exprès des titulaires de l'autorité parentale, elles ne dispensent pas pour autant les praticiens de s'assurer, en outre, que la personne concernée, même mineure, n'a pas fait connaître, de son vivant, son refus d'un tel prélèvement, notamment en vérifiant qu'elle ne s'est pas inscrite sur le registre national automatisé si elle est âgée de treize ans au moins, ou en recueillant le témoignage de sa famille ;
Considérant qu'il est constant que les parents de la jeune Charlotte, dûment consultés par l'établissement hospitalier, ont préalablement donné leur consentement au prélèvement d'organes sur la dépouille de leur fille et n'avaient pas connaissance d'une opposition exprimée antérieurement par celle-ci ; que si M. et Mme A soutiennent que le mal-être de leur petite-fille, notamment par rapport à son corps, aurait du être interprété comme une expression de refus, il ne ressort pas de l'instruction que l'intéressée ait pu être regardée en l'espèce comme ayant manifesté sa volonté de s'opposer à un tel prélèvement ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les prélèvements auraient été réalisés dans des conditions juridiquement irrégulières ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes indemnitaires ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Jean-Louis A, aux Hospices civils de Lyon et au ministre de la santé et des sports. Copie en sera adressée à M. C (expert).
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2009 à laquelle siégeaient :
Mme Serre, présidente de chambre,
Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,
M. Picard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 novembre 2009.
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N° 06LY02462