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10/11/2009 | FRANCE | N°07LY00841

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 5, 10 novembre 2009, 07LY00841


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 18 avril 2007, présentée pour Mlle Isabelle A demeurant ... ;

Mlle A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501873 du 25 janvier 2007 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2002 correspondant aux revenus de capitaux mobiliers qu'elle a déclarés à tort ;

2°) de prononcer la décharge des-dites cotisations et contributions à conc

urrence respectivement de 21 805 euros et 6 403 euros en principal ;

3°) de condamne...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 18 avril 2007, présentée pour Mlle Isabelle A demeurant ... ;

Mlle A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501873 du 25 janvier 2007 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2002 correspondant aux revenus de capitaux mobiliers qu'elle a déclarés à tort ;

2°) de prononcer la décharge des-dites cotisations et contributions à concurrence respectivement de 21 805 euros et 6 403 euros en principal ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Mlle A soutient que :

- le directeur des services fiscaux a rejeté de manière précipitée sa réclamation sans attendre le jugement du Tribunal correctionnel concernant sa plainte pour escroquerie et alors qu'il n'était pas tenu de statuer dans le délai de six mois ;

- le jugement du Tribunal est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne fait pas état de ses arguments relatifs à son dépôt de plainte, à l'instruction de celle-ci et aux actes de procédure en découlant ;

- le Tribunal n'a pas motivé son refus de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la juridiction pénale ;

- du fait de l'escroquerie subie, la somme de 64 031 euros ne correspond pas au versement d'intérêts de prêts mais à des remboursements en capital ne revêtant pas un caractère imposable ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2007, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- le directeur des services fiscaux n'a pu commettre d'irrégularité en statuant sur la réclamation de Mlle A dans les délais impartis par l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales ;

- la circonstance que la décision rejetant la réclamation serait entachée d'irrégularité est sans incidence sur la régularité et le bien-fondé des impositions ;

- le Tribunal, qui n'est pas tenu de répondre à tous les arguments, a suffisamment motivé son jugement en répondant aux moyens exposés par la requérante ;

la requérante, qui a la charge de la preuve, n'établit pas que la somme de 64 301 euros qu'elle a déclarée dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers comme correspondant à des intérêts mis à sa disposition et effectivement versés, doit être requalifiée comme étant un remboursement de capital non imposable en raison d'une escroquerie dont elle a fait l'objet ;

- l'Etat n'étant pas la partie perdante, la demande de la requérante présentée sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doit être rejetée ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 21 août 2009, présenté pour Mlle A qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Elle soutient en outre que le défaut de motivation du jugement du Tribunal l'a privée d'un procès équitable tel que prévu par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que l'imposition d'une somme correspondant à la restitution d'un capital serait inconciliable avec l'article 1 du protocole n° 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et s'apparenterait à une confiscation infondée ;

Vu le mémoire enregistré le 8 septembre 2009, présenté pour le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire reçu par télécopie le 17 septembre 2009 et régularisé, présenté pour Mlle B qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire reçu par télécopie le 28 septembre 2009, présenté pour le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 octobre 2009 :

- le rapport de Segado, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Gimenez, rapporteur public ;

Considérant que Mlle A relève appel du jugement du 25 janvier 2007 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2002, à concurrence respectivement de 21 805 euros et 6 403 euros en principal, correspondant à une somme de 64 031 euros qu'elle aurait déclarée à tort comme étant des intérêts imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;

Sur les conclusions aux fins de décharge :

Considérant qu'aux termes de l'article R.* 194-1 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable: Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition en démontrant son caractère exagéré. / Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable ou d'après le contenu d'un acte présenté par lui à la formalité de l'enregistrement ; qu'il est constant que l'imposition litigieuse a été établie sur le fondement des bases indiquées par Mlle A dans sa déclaration de revenus pour l'année 2002 ; qu'en application des dispositions précitées, il appartient dès lors à cette dernière d'apporter la preuve de l'inexactitude de cette déclaration et d'établir la nature réelle de la somme en litige ;

Considérant que Mlle A soutient qu'elle a été victime d'une escroquerie, que des fonds lui appartenant, pour lesquels elle avait conclu des contrats et dont elle devait percevoir des intérêts, ont été en réalité détournés par les bénéficiaires de ces sommes, MM. Yves C et Gérard C, lesquels ont abusé de son état de faiblesse ; que compte tenu de cette escroquerie, les sommes qui lui ont été versées en 2002, qu'elle a déclarées à tort comme étant des intérêts imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers relevant des prévisions des articles 124 et 125 du code général des impôts, doivent être requalifiées comme étant un remboursement en capital;

Considérant que si, en application des dispositions de l'article 125 du code général des impôts, le fait générateur de l'imposition des intérêts qui rémunèrent le dépôt de ces sommes d'argent est le seul fait soit du paiement de ces intérêts de quelque manière qu'il soit effectué, soit de leur inscription au débit ou au crédit d'un compte, cette règle doit être écartée s'il est établi que l'écriture au moment où elle a été passée, avait un caractère fictif en raison des intentions comme des actes de son auteur ;

Considérant qu'il résulte des éléments produits en particulier en appel par Mlle A dont un jugement du Tribunal correctionnel d'Auxerre du 22 mai 2008, que, sur les conseils de M. Yves C auquel elle avait donné une procuration générale pour gérer son patrimoine devant notaire après la levée de sa curatelle, la requérante a notamment, au cours des mois d'avril et mai 2001, émis, pour un montant total de 9 350 000 francs, quatre chèques au profit du cabinet Gérard C Conseil qui avait notamment pour objet la gestion de patrimoine de particuliers ; qu'une convention de placement financier sur huit ans au taux moyen de 6% fut signée avec ce cabinet le 5 mai 2001 pour une somme de 8 050 000 francs avec versement mensuel des intérêts à hauteur de 30 000 francs, le solde devant être capitalisé ; que M. Yves C obtenait en outre de Mlle A la remise d'un autre chèque daté du 23 mai 2001 d'un montant de 1 600 000 francs ; que, concernant ces sommes et à la demande de M. Yves C, Mlle A a signé les 1er septembre, octobre et novembre 2001 trois contrats de prêts avec lui au taux de 6% pour un montant total de 6 900 000 francs sans que les termes de la convention du 5 mai 2001 aient été modifiés ; qu'enfin, au début de l'année 2002, une convention de prêt était passée le 15 janvier 2002 à hauteur de 64 028,31 euros avec une société dont M. Yves C était le gérant sans que ce dernier justifiât la destination de ces fonds qui provenaient du plan d'épargne logement de la requérante ; que Mlle B a reçu, au cours de l'année 2002, des sommes pour un montant de 64 031 euros correspondant aux intérêts dus ainsi qu'une déclaration récapitulative des opérations de valeurs mobilières et revenus de capitaux mobiliers qui aurait été établie par le cabinet Gérard C Conseil mentionnant ces intérêts ainsi que M. Yves C comme en étant le payeur ;

Considérant qu'il est établi que MM. Yves et Gerard C ont profité de l'état de faiblesse de la requérante et que M. Yves C a été destinataire des sommes déposées au sein du cabinet Gérard C Conseil avec lequel il était en relation d'affaires et qui lui ont permis notamment d'acquérir divers biens immobiliers à son profit dont l'achat de sa résidence, que les versements correspondant aux intérêts dus avaient été effectués à fin d'entretenir la confiance de Mlle A et que cette dernière n'a pu recouvrer lesdits capitaux malgré ses demandes effectuées auprès de M. Gérard C, dont le cabinet a cessé toute activité le 31 décembre 2002, et de M. Yves C, auquel elle avait retiré la procuration générale ;

Considérant qu'il résulte des faits sus relatés que les opérations prétendument effectuées pour le compte de Mlle A avaient un caractère purement fictif ; que les sommes perçues en 2002 qui sont, pour l'année considérée, inférieures au dépôt maintenu ou effectué par l'intéressée au cours de la même année, ne peuvent dans les circonstances de l'espèce être regardées que comme un recouvrement partiel des capitaux versés ; que, par suite, Mlle A établit que la somme litigieuse ne pouvait être regardée, ni en partie ni en totalité, comme étant des revenus de capitaux mobiliers et que c'est à tort que l'administration l'a ainsi imposée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mlle A est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2002 et à demander la décharge desdites cotisations et contributions à concurrence respectivement des sommes de 21 805 euros et 6 403 euros en principal demandées en appel ;

Sur les conclusions présentées au titre des frais non compris dans les dépens :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mlle A et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0501873 en date du 25 janvier 2007 du Tribunal administratif de Dijon est annulé.

Article 2 : Mlle A est déchargée des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2002 à concurrence respectivement de 21 805 euros et 6 403 euros en principal.

Article 3 : L'Etat versera à Mlle A une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Isabelle A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2009, à laquelle siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

Mme Chalhoub, présidente,

MM. Monnier, Pourny, Segado, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 10 novembre 2009.

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N° 07LY00841


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 07LY00841
Date de la décision : 10/11/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. Juan SEGADO
Rapporteur public ?: M. GIMENEZ
Avocat(s) : GLORIEUX-KERGALL

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2009-11-10;07ly00841 ?
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