Vu la requête, enregistrée le 21 novembre 2008, présentée pour Mlle Amé Mawussi Sika A B, ressortissante togolaise, domiciliée ... ;
Mlle A B demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0804265 du Tribunal administratif de Lyon en date du 2 octobre 2008 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 6 juin 2008 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée ;
2°) d'annuler cet arrêté;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour en qualité de résident ou un titre de séjour mention vie privée et familiale , sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 600 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil, à charge pour celui-ci de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
Elle soutient que la décision attaquée n'est pas assez motivée ; qu'un visa d'une durée supérieure à trois mois n'était pas exigible en application de l'article L. 314-11-2 du code d'entrée et séjour des étrangers et droit d'asile (CESEDA) ; qu'aux termes de l'article XXXVII de la convention judiciaire entre la France et le Togo les décisions contentieuses et gracieuses en matière civile et commerciale, rendues par les juridictions siégeant en France ou au Togo, ont de plein droit l'autorité de la chose jugée sur le territoire de l'autre Etat ; qu'elle peut se prévaloir du jugement du Tribunal d'instance de Lomé en date du 3 mars 2006, par lequel elle a fait l'objet d'une adoption simple par M. Gabriel A, ressortissant de nationalité française ; que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) a été méconnu, dès lors qu'elle est accueillie par son oncle de nationalité française devenu son père adoptif et qu'elle est parfaitement intégrée ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 19 décembre 2008 accordant à Mlle A B le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu le mémoire, enregistré le 16 février 2009, présenté pour le préfet du Rhône ; il conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que les moyens de légalité externe soulevés en appel sont irrecevables, dès lors qu'elle n'a pas fait valoir en première instance de moyen de légalité externe ; qu'en tout état de cause, ses décisions sont suffisamment motivées ; qu'il a appliqué en ce qui concerne l'exigence de visa la législation en vigueur à la date de la décision attaquée ; que le parquet du Tribunal de grande instance (TGI) de Nantes l'a informé que le jugement d'adoption était irrégulier sur le plan international et inopposable en France ; que l'article 8 de la CEDH n'est pas méconnu, dès lors que ses parents biologiques résident au Togo et qu'elle a vécu au Togo jusqu'à l'âge de 19 ans ;
Vu le mémoire, enregistré le 26 février 2009, présenté pour Mlle A B ; elle conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
Elle soutient en outre qu'il résulte du jugement du TGI de Lyon en date du 5 février 2009 que le jugement d'adoption est régulier ;
Vu le mémoire, enregistré le 26 mars 2009, présenté pour le préfet du Rhône ; il conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ;
Il soutient que la circonstance que l'adoption de Mlle A B ait été reconnue légale par un jugement du tribunal de grande instance est inopérante, car postérieure aux décisions contestées ;
Vu le mémoire, enregistré le 14 avril 2009, présenté pour Mlle A B ; elle conclut aux mêmes fins que la requête et son précédent mémoire par les mêmes moyens ; elle soutient en outre que la filiation adoptive est établie à la date du jugement qui prononce l'adoption ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, relative à l'aide juridique ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 septembre 2009 :
- le rapport de Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller ;
- les observations de Me Matsounga, avocat de Mlle A B ;
- les conclusions de M.Besson, rapporteur public ;
- la parole ayant à nouveau été donnée à la partie présente ;
Considérant que par un jugement en date du 2 octobre 2008 le Tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de Mlle A B tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 6 juin 2008 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui accorder un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloigné ; que Mlle A B relève appel de ce jugement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
En ce qui concerne le refus de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 314-11-2 du code d'entrée et séjour des étrangers et droit d'asile (CESEDA) :
Considérant, qu'en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 314-11-2° du CESEDA dans sa version issue de la loi du 24 juillet 2006 : Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : A l'enfant étranger d'un ressortissant de nationalité française si cet enfant est âgé de dix-huit à vingt et un ans ou dans les conditions prévues à l'article L. 311-3 ou s'il est à la charge de ses parents ainsi qu'aux ascendants d'un tel ressortissant et de son conjoint qui sont à sa charge, sous réserve qu'ils produisent un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois. ; qu' aux termes de l'article 116 de ladite loi, les dispositions de l'article du code précité en vigueur au moment de la décision : s'appliquent aux demandes de titres de séjour introduites un mois après la publication de la présente loi. ; qu'il est constant que Mlle A B a présenté sa demande de titre de séjour le 21 septembre 2005, que cette demande a été rejetée le 21 février 2006 et qu'elle a formé un recours gracieux, le 17 mars 2006 ; qu'ainsi le préfet du Rhône en estimant que Mlle A B devait être titulaire d'un visa d'une durée supérieure à trois mois pour pouvoir prétendre à une carte de résident, a commis une erreur de droit, comme l'a jugé le Tribunal administratif de Lyon ;
Considérant, qu'en second lieu qu'aux termes de l'article susvisé en son dernier alinéa : L'enfant visé aux 2°, 8° et 9° du présent article s'entend de l'enfant ayant une filiation légalement établie, y compris l'enfant adopté, en vertu d'une décision d'adoption, sous réserve de la vérification par le ministère public de la régularité de cette décision lorsqu'elle a été prononcée à l'étranger.; que le Tribunal de première instance de Lomé a par un jugement en date du 3 mars 2006 prononcé l'adoption de Mlle B, alors âgée de 19 ans, par M. A; que le Tribunal de grande instance de Lyon par un jugement en date du 5 février 2009 a reconnu la régularité du jugement précité du Tribunal de première instance de Lomé et a précisé que cette décision produira en France les effets d'une adoption simple ; que, dès lors, le préfet du Rhône ne pouvait légalement refuser la carte de résident au motif que Mlle A B ne disposait pas d'un visa long séjour et que le jugement d'adoption prononcé dans son pays d'origine était irrégulier sur le plan international et inopposable en France ;
En ce qui concerne le refus de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11-7 du CESEDA :
Considérant, en premier lieu, que Mlle A-B fait valoir qu'elle vit chez son oncle qui l'a adoptée, qu'elle poursuit ses études et qu'elle est bien intégrée ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier que la requérante qui est célibataire et sans charge de famille, n'est entrée en France qu'en 2005 après avoir vécu durant près de 19 ans au TOGO, pays où demeurent, ses parents biologiques ; que, la décision de refus de séjour attaquée n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a ainsi méconnu ni les stipulations de l'article L. 313-11-7, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant toutefois que, si Mlle A B est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande fondée sur l'article L. 314-11-2 du CESEDA, et que le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il a rejeté sa demande de délivrance d'une carte de résident ; et s'il y a lieu également d'annuler l'arrêté attaqué en tant qu'il a opposé une décision de refus de séjour à Mlle A B sur le fondement de l'article L. 314-11-2 précité et par voie de conséquence, en tant qu'il a assorti ce rejet d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de renvoi, la requérante n'est cependant pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal a rejeté sa demande fondée sur une méconnaissance de l'article L. 313-11-7 du CESEDA ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé. ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au préfet du Rhône de délivrer à Mlle A B un titre de séjour en qualité de résident dans le délai de deux mois suivant la notification qui lui sera faite du présent arrêt ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions de Mlle A B tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0804265 du Tribunal administratif de Lyon est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de Mlle A B tendant à l'annulation de la décision 6 juin 2008 lui refusant un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 314-11-2 du CESEDA, lui faisant obligation de quitter le territoire et fixant le pays à destination duquel elle pourra être éloignée.
Article 2 : L'arrêté du préfet du Rhône en date du 6 juin 2008 refusant à Mlle A B un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 314-11-2 du CESEDA, lui faisant obligation de quitter le territoire et fixant le pays à destination duquel elle pourra être éloignée est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à Mlle A B un titre de séjour en qualité de résident dans le délai de deux mois suivant la notification qui lui sera faite du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mlle A B est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Amé Mawussi Sika A B, au préfet du Rhône et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
Délibéré après l'audience du 22 septembre 2009 à laquelle siégeaient :
M. Bézard, président de chambre,
M. Chenevey et Mme Chevalier-Aubert, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 17 novembre 2009.
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N° 08LY02552
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