Vu la requête, enregistrée le 1er août 2006, présentée pour la SOCIETE PAUL DISCHAMP, dont le siège est rue des Routiers à Sayat (63530), représentée par son président en exercice ;
La société demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 04-1811 du 1er juin 2006 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande tendant à l'annulation des titres de recettes émis à son encontre le 14 et 15 juin 2004 par l'Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers (ONILAIT) sous les références 13 716 à 13 736 et 14 080 ;
2°) d'annuler les titres de recettes litigieux ;
3°) de mettre à la charge de l'ONILAIT le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La société PAUL DISCHAMP soutient qu'elle a bénéficié d'une aide communautaire pour la fabrication de beurre destiné aux produits de pâtisserie ; que l'octroi de l'aide est subordonné à la justification de son utilisation dans le produit final ; que des titres de recettes ont été émis à son encontre en l'absence de preuve de la destination du produit ; que les faits reprochés entrent dans le champ d'application de l'amnistie ; que le délai de mise en oeuvre de la procédure de reversement était prescrit ; que l'article 41 de la charte de droits fondamentaux de l'Union européenne est méconnu ;
Vu le mémoire, enregistré le 12 novembre 2007, présenté par l'office national interprofessionnel de l'élevage et de ses productions (ONIEP) venant aux droits de l'ONILAIT qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société PAUL DISCHAMP d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
L'ONIEP soutient que l'incorporation du beurre dans le produit final doit avoir lieu dans un délai de quatre mois après la présentation de l'offre ; qu'il appartient ensuite à l'entreprise d'apporter la preuve de cette incorporation dans un délai de douze mois ; qu'en l'espèce, soit, les justifications n'ont pas été fournies, soit elles l'ont été hors des délais prescrits ; que les manquements relevés n'entrent pas dans le champ d'application de la loi d'amnistie ; que sa créance n'était pas prescrite ; que le règlement CEE 2220/85 du 22 juillet 1985 n'a pas été méconnu ainsi que la charte des droits fondamentaux de l'union européénne ;
Vu le mémoire, enregistré le 30 septembre 2009 et le 1er octobre 2009 présentés pour l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer-France Agrimer venant aux droits de l'ONIE qui confirme ses précédentes conclusions par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 1er octobre 2009, présenté pour la société Paul DISCHAMP qui confirme ses précédentes conclusions en faisant valoir que la prescription trentenaire prévue par l'article 2262 du code civil n'est pas applicable en présence d'une prescription plus courte prévue par un texte spécifique ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 6 août 2002 portant amnistie ;
Vu le règlement CEE n° 2220/85 du 22 juillet 1985 ;
Vu le règlement CEE n° 2988/95 du 19 décembre 1995 ;
Vu le règlement CEE n° 2571/97 du 15 décembre 1997 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties été régulièrement averti du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 octobre 2009 :
- le rapport de M. Fontbonne, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Besson, rapporteur public ;
Considérant que la SOCIETE PAUL DISCHAMP a participé en 1999 et 2000 à des adjudications organisées par l'Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers (ONILAIT), auquel s'est substitué l'Office national interprofessionnel de l'élevage et de ses productions (ONIE), en vue de l'octroi d'une aide communautaire pour la vente de beurre concentré destiné à la fabrication de produits de pâtisserie de glaces alimentaires et autres produits alimentaires ; qu'ayant été déclarée adjudicataire, la SOCIETE PAUL DISCHAMP a, après avoir constitué une garantie financière, bénéficié du versement de l'aide correspondante ; qu'au nombre de conditions auxquelles était subordonné l'octroi de l'aide figurait l'obligation d'incorporer le beurre fabriqué sous ce régime dans les produits finaux dans un délai déterminé, et d'en justifier par des déclarations souscrites par l'utilisateur final du produit sous un autre délai ; que l'ONILAIT estimant que cette obligation n'avait pas été respectée a demandé à la SOCIETE PAUL DISCHAMP le remboursement de l'aide perçue, assorti de pénalités ; que la SOCIETE PAUL DISCHAMP demande l'annulation des 22 titres exécutoires restants émis à son encontre ;
Sur l'amnistie :
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 6 août 2002 portant amnistie, Sont amnistiés les faits commis avant le 17 mai 2002 en tant qu'ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles ... ;
Considérant qu'aux termes de l'article 4 du règlement CEE n° 2988 du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des communautés européennes : 1. Toute irrégularité entraîne, en règle générale, le retrait de l'avantage indûment obtenu : par l'obligation de verser les montants dus ou de rembourser les montant indûments perçus, par la perte totale ou partielle de la garantie constituée à l'appui de la demande d'un avantage octroyé ou lors de la perception d'une avance. 2. L'application des mesures visées au paragraphe 1 est limitée au retrait de l'avantage obtenu augmenté, si cela est prévu, d'intérêts qui peuvent être déterminés de façon forfaitaire. 3. Les actes pour lesquels il est établi qu'ils ont pour but d'obtenir un avantage contraire aux objectifs du droit communautaire applicable en l'espèce, en créant artificiellement les conditions requises pour l'obtention de cet avantage, ont pour conséquence, selon le cas, soit la non-obtention de l'avantage, soit son retrait. 4. Les mesures prévues par le présent article ne sont pas considérées comme des sanctions. ;
Considérant qu'aux termes de l'article 6 du règlement susvisé CEE n° 2571/97 du 15 décembre 1997 : 2. Au cas où, notamment en raison d'une répartition non homogène, le dosage pour chacun des produits visés à l'annexe II points I à V, annexe III point I à III et annexe IV point 1 se révèle inférieur de plus de 5 % mais de moins de 30% aux quantités minimales prescrites, la garantie de transformation visée à l'article 18 paragraphe 2 est acquise, ou l'aide est réduite, à concurrence de 1,5 % de son montant par point en dessous des quantités minimales prescrites ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le retrait de l'avantage obtenu par une société titulaire d'une adjudication de fabrication de beurre à prix réduit, ou la mobilisation de la garantie qu'elle avait constitué, qui est d'effet équivalent, intervient en raison de la méconnaissance des conditions auxquelles étaient subordonnée l'attribution de l'aide ; que la demande de reversement peut être limitée à une fraction de l'aide ; qu'elle est seulement susceptible d'être assortie d'intérêts moratoires, à l'exclusion de pénalités conduisant à assujettir la société en cause à un paiement excédant le montant de l'aide attribuée ; que la demande de reversement n'entend pas davantage réprimer un manquement à des règles déterminant les conditions d'exercice de la profession ; qu'elle ne peut, dès lors, compte tenu de sa nature et de son objet être regardée comme constituant une sanction disciplinaire ou professionnelle ; que la SOCIETE PAUL DISCHAMP n'est, par suite, pas fondée à soutenir que les faits qui ont donné lieu à l'émission des titres de recettes litigieux, ont été amnistiés par l'article 11 de la loi du 6 août 2002 ; que l'argumentation qu'elle a développée tendant à ce que la Cour constate que le bénéfice de l'amnistie lui est acquis doit, en conséquence, être écartée ;
Sur le délai de mise en oeuvre de la procédure de reversement :
Considérant qu'aux termes de l'article 29 du règlement CEE 2220/85 du 22 juillet 1985 susvisé : Lorsque l'autorité compétente a connaissance des éléments entraînant l'acquisition de la garantie en totalité ou en partie, elle demande sans tarder à l'intéressé le paiement du montant de la garantie acquise, ce paiement devant être effectué dans un délai maximal de trente jours à compter du jour de l'émission de la demande. Au cas où le paiement n'a pas été effectué dans le délai prescrit, l'autorité compétente :
a) encaisse sans tarder que la caution visée à l'article 8 paragraphe 1 point a) ;
b) exige sans tarder que la caution visée à l'article 8 paragraphe 1 point b) procède au paiement, ce paiement devant être effectué dans un délai maximal de trente jours à compter du jour de l'émission de la demande ;
c) prend sans tarder les mesures nécessaires pour que :
- les garanties visées à l'article 8 paragraphe 2 points a), c), d), et e) soient converties en espèces afin que le montant acquis soit mis à sa disposition ;
- les fonds bloqués en banque soient mis à sa disposition ;
L'autorité compétente peut sans tarder encaisser définitivement la garantie visée à l'article 8 paragraphe 1 point a) sans demander au préalable le paiement à l'intéressé ; (...) ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1 du règlement CEE 2988/95 du 18 décembre 1995 : 2. Est constitutive d'une irrégularité toute violation d'une disposition du droit communautaire résultant d'un acte ou d'une omission d'un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communauté ou à des budgets gérés par celles-ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes provenant des ressources propres perçues directement pour le compte des Communautés, soit par une dépense indue ; qu'aux termes de l'article 3 du même règlement : 1. Le délai de prescription des poursuites est de quatre ans à partir de la réalisation de l'irrégularité visée à l'article 1er paragraphe 1. Toutefois, les réglementations sectorielles peuvent prévoir un délai inférieur qui ne saurait aller en deçà de trois ans ; La prescription des poursuites est interrompue par tout acte, porté à la connaissance de la personne en cause, émanant de l'autorité compétente et visant à l'instruction ou à la poursuite de l'irrégularité. Le délai de prescription court à nouveau à partir de chaque acte interruptif... ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 du règlement CEE 2571/97 du 15 décembre 1997 : Les produits visés à l'article 1er sont utilisés et incorporés dans les produits finaux dans la Communauté, dans un délai de six mois suivant le mois de l'expiration du délai pour la présentation des offres relatives à l'adjudication particulière fixé à l'article 14 paragraphe 2. ; que cette période de six mois avait été précédemment fixée à cinq mois par le règlement CE 1982/98 du 17 septembre 1998 pour les quantités adjugées à partir de la dix septième adjudication de 1999, puis à quatre mois par le règlement 494/1999 du 5 mars 1999, pour les quantités adjugées à partir de la vingt-septième adjudication ; qu'aux termes de l'article 18 du règlement CEE 2571/71 de la Commission du 15 décembre 1997 précité ; (...) 3) Les preuves nécessaires pour obtenir la libération des garanties de transformation visées au paragraphe 2 doivent être présentées à l'autorité compétente désignée par l'Etat membre où la garantie est constituée, dans un délai de douze mois à partir de l'expiration du délai prévu à l'article 11. En cas de dépassement du délai, fixé à l'article 11, de moins de soixante jours au total, la garantie de transformation reste acquise à concurrence de quatre écus par tonne et par jour. A l'issue de cette période, les dispositions de l'article 23 du règlement (CEE) n° 2220/85 de la Commission (10) s'appliquent au montant restant (...) ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ces dispositions que l'adjudicataire d'un lot de beurre bénéficiaire d'un financement communautaire dispose pour procéder ou faire procéder à l'incorporation du beurre dans le produit final d'un délai variant de quatre à six mois suivant la date de l'adjudication ; qu'il dispose ensuite à partir de l'expiration dudit délai de quatre à six mois, d'un délai de douze mois pour en apporter la preuve ; qu'ensuite court le délai de prescription de quatre ans fixé par l'article 3 du règlement précité CEE 2988/95 du 18 décembre 1995 ;
Considérant qu'il est fait grief à la SOCIETE PAUL DISCHAMP, soit de n'avoir pas souscrit les déclarations de nature à justifier la destination des marchandises, soit d'avoir souscrit ces déclarations hors délais ; que la SOCIETE PAUL DISCHAMP n'établit, ni même n'allègue qu'une absence d'incorporation du beurre dans le produit final aurait été constatée avant l'expiration du délai de présentation des preuves de douze mois, constituant ainsi, au sens du règlement CEE 2998/95 la réalisation d'une irrégularité faisant courir immédiatement le délai de prescription de quatre ans ; que par suite ce délai n'a pu commencer à courir qu'à compter de l'expiration du délai limite de présentation des preuves ; que la SOCIETE PAUL DISCHAMP a ainsi, à compter de la date d'adjudication, disposé, selon le cas d'un délai cumulé de 16,17 ou 18 mois avant que ne soit constatée la réalisation d'une irrégularité faisant courir le délai de prescription de quatre ans ; que la plus ancienne adjudication remontant au 9 février 1999 la prescription n'était pas acquise lors de l'émission des titres de perception litigieux les 14 et 15 juin 2004 ; que le moyen doit être écarté ;
Considérant, en second lieu, que les dispositions précitées de l'article 29 du règlement du 22 juillet 1985 édictées en vue de la protection des intérêts financiers de l'union, s'adressent aux autorités compétentes des états-membres en leur prescrivant de faire toutes diligences pour la conduite des procédures de reversement d'aides indûment perçues, sans d'ailleurs fixer de délais impératifs ; qu'elles ne peuvent être invoquées par les bénéficiaires d'aides ; que, si tant le principe du respect d'un délai raisonnable, que celui de sécurité juridique, trouvent à s'appliquer à toute procédure administrative communautaire, la SOCIETE PAUL DISCHAMP ne peut utilement s'en prévaloir, dès lors qu'elle ne conteste pas que l'aide en cause entre dans le champ d'application du délai général de prescription de quatre ans fixé par l'article 3 précité du règlement CEE du 18 décembre 1995, et que comme il a été dit ci-dessus la procédure de remboursement conduite à son encontre s'inscrit dans ce délai ; que la société ne peut davantage se prévaloir de la méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qui est dépourvue, en l'état actuel du droit, de la force juridique qui s'attache à un traité lorsque celui-ci a été introduit dans l'ordre juridique communautaire, et ne figure pas au nombre des actes du droit communautaire dérivé susceptibles d'être invoqués devant les juridictions nationales ; que par suite, le moyen tiré de la mise en oeuvre de la procédure de reversement dans un délai non raisonnable doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SOCIETE PAUL DISCHAMP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté le surplus de sa demande ;
Sur les frais irrépétibles :
Considérant que les conclusions de la SOCIETE PAUL DISCHAMP tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées dès lors qu'elle est partie perdante ; que sur le fondement de ces mêmes dispositions il y a lieu de mettre à sa charge le versement à l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer-France Agrimer d'une somme de 1 200 euros ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIETE PAUL DISCHAMP est rejetée.
Article 2 : Sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la SOCIETE PAUL DISCHAMP versera à France Agrimer une somme de 1 200 euros.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE PAUL DISCHAMP, à France Agrimer et au ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
Délibéré après l'audience du 6 octobre 2009 à laquelle siégeaient :
M. Bézard, président,
M. Fontbonne, président-assesseur,
M. Chenevey et Mme Chevalier-Aubert, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 26 novembre 2009.
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N° 06LY01665
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