Vu la requête initialement enregistrée sous le n° 03LY00232 le 11 février 2003, présentée pour la SOCIETE DES PETROLES SHELL, dont le siège social est 307 rue d'Estienne d'Orves à Colombes (92000) ;
La SOCIETE DES PETROLES SHELL demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0100680 du Tribunal administratif de Lyon en date du 3 décembre 2002 par lequel il n'a été fait que partiellement droit à sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 décembre 2000 par lequel le préfet de l'Ain a fixé les prescriptions spéciales applicables à la station service qu'elle exploite route nationale 508 à Bellegarde-sur-Valserine ;
2°) d'annuler ledit arrêté ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le préfet n'est pas compétent pour mettre à sa charge des prescriptions spéciales afin de pallier l'insuffisante maîtrise de l'urbanisation des terrains situés autour des installations classées ;
- le préfet ne peut légalement, sur le fondement des dispositions des articles L. 511-1, L. 511-7 et L. 511-12 du code de l'environnement, lui imposer des prescriptions spéciales en raison des dangers encourus alors qu'il n'y a eu aucun incident ni accident et qu'elle s'est toujours conformée à l'ensemble des prescriptions qui lui ont été notifiées ;
- les prescriptions spéciales prises en raison des dangers encourus par la maison voisine sont injustifiées et disproportionnées dès lors que l'installation est strictement conforme à la réglementation applicable résultant des prescriptions réglementaires de l'article 261 bis dans sa rédaction antérieure à 1985, que le risque d'explosion est nul et les risques de départ incendie et de pollution voisin de zéro comme pour l'ensemble des stations-service, que la réglementation générale suffit en l'espèce, que ces prescriptions constituent une rupture d'égalité devant les charges publiques en raison du défaut de maîtrise par l'administration elle-même de l'urbanisation en accordant un permis de construire en 1993 ;
- la prescription fixant la valeur maximale du flux thermique admissible sur la terrasse de l'habitation voisine à 3 KW/m² est inapplicable comme était inapplicable celle fixant à 10 mbar la valeur minimale de la surpression maximale admissible au droit de l'immeuble riverain ;
- les prescriptions n'étaient pas utiles dès lors qu'elle avait procédé à la mise en place d'un certain nombre de mesures et dispositifs venant en complément de ceux résultant des usages et prescriptions générales concernant le danger théorique évoqué par le préfet ;
- la décision est entachée d'un détournement de procédure dès lors qu'elle n'a été prise que dans un seul souci d'opportunité afin de remédier au contentieux de Mme A ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu enregistré le 12 janvier 2005, le mémoire en défense présenté par le ministre de l'écologie et du développement durable, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- le préfet était compétent, en vertu de l'article L. 512-12 du code de l'environnement, pour imposer à l'exploitant des prescriptions spéciales afin de garantir la sécurité de la propriété voisine compte tenu de la configuration du site de l'installation ;
- l'arrêté litigieux n'est pas de nature à permettre l'extension de l'urbanisation autour de l'installation et l'autorisation de construire accordée à Mme A est sans incidence sur sa légalité ;
- la décision n'est pas dépourvue de base légale dès lors que les pouvoirs dont dispose le préfet au titre du 1er alinéa de l'article L. 512-12 du code de l'environnement trouvent à s'appliquer en dehors des cas d'accident ou d'incident ;
- les mesures sont proportionnées aux dangers encourus compte tenu des conditions particulières d'implantation ;
- la valeur maximale de flux thermique est justifiée et la société n'apporte aucun élément de preuve de nature à démontrer le coût excessif de cette mesure ;
- certaines des prescriptions fixées par le Tribunal ont été mises en oeuvre par la société au cours du dernier trimestre 2001 ;
- le détournement de pouvoir n'est pas établi dès lors que les prescriptions sont justifiées ;
Vu le mémoire complémentaire enregistré le 19 avril 2005, présenté pour la SOCIETE DES PETROLES SHELL qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Vu la décision en date du 23 avril 2009 ainsi que les documents visés par celle-ci, enregistrés au greffe de la Cour le 4 mai 2009 sous le n° 09LY00959, par laquelle le Conseil d'Etat, à la requête du ministre de l'écologie et du développement durable a, d'une part, annulé l'arrêt n° 03LY00232 du 18 janvier 2007 de la Cour administrative d'appel de Lyon et, d'autre part, renvoyé devant la Cour de céans le jugement de cette affaire ;
Vu le mémoire enregistré par télécopie le 7 juillet 2009 et régularisé le 9 juillet 2009, présenté pour la SOCIETE DES PETROLES SHELL qui conclut aux mêmes fins que sa requête initiale, par les mêmes moyens ;
Elle soutient que si, compte tenu de la décision du Conseil d'Etat d'avril 2009, l'édiction de prescriptions spéciales en vue de la prévention d'un danger mettant en cause l'un des intérêts visés à l'article L. 511-1 en l'absence d'indice est en principe légal, l'arrêté n'en reste pas moins entaché d'illégalité ;
Vu l'ordonnance prise sur le fondement de l'article R. 613-1 du code de justice administrative fixant la clôture de l'instruction au 18 septembre 2009 à 16 h 30 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 novembre 2009 :
- le rapport de M. Segado, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Gimenez, rapporteur public ;
Considérant que la SOCIETE DES PETROLES SHELL relève appel du jugement n° 0100680 du Tribunal administratif de Lyon en date du 3 décembre 2002, en ce qu'il n'a été fait que partiellement droit à sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 décembre 2000 par lequel le Préfet de l'Ain a fixé les prescriptions spéciales, motivées par les dangers que la station fait courir à son voisinage immédiat, applicables à la station-service qu'elle exploite route nationale 508 à Bellegarde-sur-Valserine ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature et de l'environnement, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 512-12 de ce code : Si les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 ne sont pas garantis par l'exécution des prescriptions générales contre les inconvénients inhérents à l'exploitation d'une installation soumise à déclaration, le préfet, éventuellement à la demande des tiers intéressés et après avis de la commission départementale consultative compétente, peut imposer par arrêté toutes prescriptions spéciales nécessaires. ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le préfet a la faculté d'édicter des prescriptions particulières applicables à une installation classée relevant d'un régime de déclaration, en application du premier alinéa de l'article L. 512-12, lorsque ces mesures visent à remédier à tout inconvénient touchant un intérêt visé à l'article L. 511-1, ce qui inclut nécessairement la prévention des dangers mettant en cause un tel intérêt ;
Considérant, en premier lieu, que les prescriptions spéciales de l'arrêté du préfet de l'Ain litigieux réformé par le Tribunal sont motivées par les dangers d'explosion et d'incendie que la station-service fait courir à son voisinage immédiat, lesquels constituent un danger mettant en cause un intérêt défini à l'article L. 511-1 du code de l'environnement précité ; qu'un tel motif peut légalement, sur le fondement des dispositions précitées, justifier l'édiction de prescriptions spéciales, alors même que les conditions requises par le second alinéa de l'article L. 512-12 relatives à la survenance d'un accident ou d'un incident n'étaient pas remplies ; qu'ainsi, et contrairement à ce que soutient la société requérante, le préfet avait le pouvoir de prescrire de telles mesures, quand bien même la situation résulterait d'un défaut de maîtrise de l'urbanisation ;
Considérant, en deuxième lieu, que si la société requérante fait valoir que le risque d'explosion est nul et celui d'incendie très faible, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport du bureau Véritas du mois de mai 2001 relatif à la prise en compte du risque de feu et d'explosion de la station-service en cause ainsi que de son étude de danger révisée en février 2000, que la paroi du distributeur multi-produits de la station est située à 5 mètres de la maison d'habitation de Mme A et que les zones d'accumulation des liquides inflammables en cas de fuite de carburant se trouvent à proximité de cette maison qui est munie de nombreuses ouvertures ; que, compte tenu de la configuration très particulière des lieux, les dangers d'explosion et d'incendie pour les habitants de cette maison, qui pourraient résulter de la fuite de carburant soit en raison de la rupture du flexible utilisé lors des opérations de dépotage d'un camion citerne soit au niveau du flexible de distribution lors de la distribution de carburant d'un véhicule, dont la survenance ne peut être exclue, et qui provoqueraient, soit des brûlures mortelles sur une distance de 7 à 25 mètres sur une durée d'exposition d'une minute, soit la destruction des ouvrages de maçonnerie sur une distance de 19 à 30 mètres, constituent, pour le voisinage immédiat, des dangers spécifiques afférents à l'exploitation de cet établissement auxquels il doit être remédié par des prescriptions spéciales appropriées, les prescriptions générales d'exploitation applicables ne suffisant pas à garantir la sécurité des riverains de la station-service ;
Considérant, en troisième lieu, qu'en vue de sauvegarder la vie des personnes sur une période d'exposition à l'incendie de deux minutes et d'épargner le gros oeuvre de la construction jouxtant la station-service, les mesures spéciales prescrites par l'arrêté litigieux imposent à la SOCIETE DES PETROLES SHELL de mettre en oeuvre des dispositions techniques afin de limiter les effets de l'exposition des voisins et de l'immeuble d'habitation riverain de la station service à des flux thermiques ne dépassant pas 3 Kw/m² ; qu'il résulte notamment du rapport de février 2001 du bureau Véritas que cette exigence est de nature à assurer la sécurité des tiers riverains eu égard aux délais d'intervention des moyens de secours et aux différentes solutions techniques susceptibles de garantir cette protection thermique décrites dans le rapport, et dont il n'est pas établi qu'elles seraient inapplicables ou que leur coût financier serait disproportionné comme le prétend la société ; que le Tribunal a prescrit, par ailleurs, des mesures spéciales complémentaires imposant à la SOCIETE DES PETROLES SHELL d'apposer deux panneaux de limitation de vitesse à 10 km/h sur les faces extérieures des piliers de l'auvent, d'interdire l'accès de la piste de distribution de carburants aux tiers durant les opérations de dépotage, de mettre à la disposition du public deux extincteurs à poudre de 9 kilos et une couverture anti-feu pendant les heures d'ouverture de la station, d'installer un dispositif de calage des roues destiné aux camions de livraison de carburant, un dispositif de limitation de débit de carburant par temporisation de trois minutes, un clapet d'interruption de distribution en cas d'arrachement du flexible, et un générateur de mousse asservi à un détecteur d'élévation de température ; que ces mesures complémentaires, proposées d'ailleurs par la SOCIETE DES PETROLES SHELL au préfet dans ses courriers du 20 septembre 2000 et 26 octobre 2001, contribuent à réduire les risques d'incendie et d'explosion lors des opérations de dépotage de camion citerne ou lors de la distribution de carburant d'un véhicule ainsi qu'à atténuer leurs conséquences s'ils venaient à se réaliser ; que l'ensemble des mesures spéciales ainsi prescrites par l'arrêté litigieux réformé par le Tribunal ne revêtent nullement un caractère excessif par rapport aux dangers constatés et à la nécessité d'assurer la protection des tiers riverains, nonobstant la circonstance que la société s'était engagée à mettre en oeuvre des mesures particulières de protection ;
Considérant, en dernier lieu, que la SOCIETE DES PETROLES SHELL ne démontre ni que l'édiction de prescriptions spéciales aurait eu pour objet de remédier à un défaut de maîtrise de l'urbanisation du site imputable à l'administration à la suite d'un permis de construire délivré à Mme A en 1993 l'autorisant à réaliser, sur sa propriété, un garage muni de fenêtres et supportant une terrasse aménagée, ni que cet arrêté n'aurait été pris qu'afin de trouver une issue au différend opposant l'exploitant à la propriétaire du fonds riverain à la station-service ; que le détournement de pouvoir ou de procédure ainsi que la rupture d'égalité devant les charges publiques allégués par la société requérante ne sont pas établis ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE DES PETROLES SHELL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Lyon n'a fait droit que partiellement à sa demande d'annulation ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIETE DES PETROLES SHELL est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE DES PETROLES SHELL et au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, chargé des technologies vertes et des négociations sur le climat.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2009, où siégeaient :
M. Chanel, président de chambre,
MM.Pourny et Segado, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 8 décembre 2009.
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N° 09LY00959