Vu le recours, enregistré le 25 octobre 2007 au greffe de Cour, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ;
Le ministre demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 0505135 - 0505136, en date du 12 juin 2007, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a déchargé la société anonyme sportive professionnelle (SASP) ASSE LOIRE des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et pénalités y afférentes mis à sa charge pour la période du 1er juillet 1999 au 31 décembre 2003, correspondant à des commissions qu'elle a versées à la société Sport Innovation, pour le transfert du joueur A, à M. B, pour le transfert des joueurs C et D, à la société Promotion Sport Consulting, pour le transfert du joueur E, à la société Interconsultants et Associates, pour le joueur F, à Konstantin International Football Management, pour les joueurs G et H, à M. I, pour le transfert du joueur J, et à M. K, pour le joueur L, ainsi que, par voie de conséquence, de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1788 septies du code général des impôts en raison de ces rappels de taxe ;
2°) de remettre à la charge de la SASP ASSE LOIRE les rappels de taxe sur la valeur ajoutée susmentionnés ;
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'une omission à statuer dans la mesure où le Tribunal administratif ne s'est prononcé que sur les 4° et 8° de l'article 259 B du code général des impôts, alors que l'administration évoquait aussi le 1° de cet article ;
- le jugement est également entaché d'une erreur de droit, les prestations en litige ayant un caractère complexe et non celui de simples opérations d'entremise ; ces prestations consistaient à détecter des joueurs, les proposer aux clubs, démarcher ces joueurs, intervenir dans la négociation des contrats, en défendant l'intérêt des joueurs, intervenir dans les opérations de rachat ou d'échange de joueurs entre les clubs, en défendant l'intérêt des clubs ; ces prestations s'apparentent ainsi à des prestations de conseil en recrutement et relèvent dans ce cas du 4° de l'article 259 B du code général des impôts ; il peut s'agir aussi de contrats assimilables à des actifs incorporels, qui relèvent des 8° et 1° de ce même article, ce qui est notamment le cas des sommes versées à la société JCM Consulting Network Ltd pour son intervention dans l'acquisition de droits à l'image du joueur transféré, qui doivent être considérées comme versées en contrepartie de l'exploitation de droits similaires à des droits d'auteur, ainsi que des sommes versées à la SA Promotion Sport Consulting ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 mai 2008, présenté pour la SASP ASSE LOIRE, tendant au rejet du recours du ministre et à ce que le remboursement de ses frais soit mis à la charge de l'Etat, suivant facture jointe ; elle soutient que sa requête a bien été examinée par le Tribunal administratif au regard du 1° de l'article 259 B du code général des impôts ; qu'elle n'est pas assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée pour les opérations en litige, le texte dérogatoire en cause devant être interprété strictement ; que le 4° de l'article 259 B du code général des impôts n'est pas applicable en l'espèce, les intermédiaires concernés n'étant pas assimilables à des conseillers mais ayant fourni une simple prestation d'intermédiation ; que les 1° et 8° de ce même article ne sont pas non plus applicables en l'espèce, dans la mesure où les opérations en cause n'ont pas la nature d'opérations d'acquisition de droits incorporels ; qu'elle est fondée à invoquer à cet égard, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, l'instruction administrative 3 B 1112, du 4 juillet 2006, qui précise que les indemnités reçues par les clubs constituent des dommages et intérêts non soumis à la taxe sur la valeur ajoutée pour la période antérieure au 4 juillet 2006 ;
Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 17 octobre 2008, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, tendant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire en défense complémentaire, enregistré le 25 septembre 2009, présenté pour la SASP ASSE Loire, tendant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 15 octobre 2009, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DE LA FONCTION PUBLIQUE, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, tendant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire en défense complémentaire, enregistré le 3 novembre 2009, présenté pour la SASP ASSE Loire, tendant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 novembre 2009 ;
- le rapport de M. Montsec, président-assesseur ;
- les observations de Me Mercier avocat de la SASP ASSE LOIRE ;
- et les conclusions de M. Raisson, rapporteur public ;
- la parole ayant été donnée à nouveau aux parties présentes ;
Considérant que, suite à la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, portant sur la période du 1er juillet 1999 au 30 juin 2003, la Société Anonyme Sportive Professionnelle (SASP) Association Sportive de Saint-Etienne (ASSE) Loire, qui exerce une activité dans le domaine du football professionnel, a été déclarée redevable de droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette période, correspondant à des commissions qu'elle a versées à des intermédiaires étrangers dans le cadre de transferts de plusieurs joueurs ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE fait appel du jugement en date du 12 juin 2007 en tant qu'il a, en son article 1er, déchargé cette société des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été ainsi réclamés, ainsi que de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1788 septies du code général des impôts en raison de ces rappels de taxe ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'aux termes de l'article 259 B du code général des impôts : Par dérogation aux dispositions de l'article 259, le lieu des prestations suivantes est réputé se situer en France lorsqu'elles sont effectuées par un prestataire établi hors de France et lorsque le preneur est un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée qui a en France le siège de son activité ou un établissement stable pour lequel le service est rendu ou, à défaut, qui y a son domicile ou sa résidence habituelle : / 1° Cessions et concessions de droits d'auteurs, de brevets, de droits de licence, de marques de fabrique et de commerce et d'autres droits similaires ; / (...) 4° Prestations des conseillers, ingénieurs, bureaux d'études dans tous les domaines y compris ceux de l'organisation, de la recherche et du développement ; prestations des experts-comptables ; / (...) 8° Prestations des intermédiaires qui interviennent au nom et pour le compte d'autrui dans la fourniture des prestations de services désignées au présent article ; / (...) ; que, si les premiers juges, après avoir cité les trois alinéas 1°, 4° et 8° de cet article 259 B, se bornent ensuite à considérer que les intermédiaires concernés ne sont ni des conseillers au sens du 4° alinéa, ni intervenus pour le compte d'autrui au sens du 8° , il doivent être regardés comme ayant également écarté, implicitement mais nécessairement, l'application de l'alinéa 1° en précisant que ces commissions versées à ces intermédiaires situés hors de France correspondent donc à la rémunération de prestations d'entremise ou d'intermédiation ayant pour but de faciliter le recrutement et le transfert de joueurs ; qu'ainsi, le ministre n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait irrégulier pour avoir omis de statuer sur son moyen en défense fondé sur l'application en l'espèce des dispositions de l'alinéa 1° de l'article 259 B du code général des impôts ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant que les dispositions précitées des alinéas 1°, 4° et 8° de l'article 259 B, qui constituent une dérogation aux dispositions de l'article 259 prévoyant que le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité où un établissement stable à partir duquel le service est rendu , doivent être interprétées strictement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SASP ASSE Loire a versé, pendant la période en litige, des commissions, à la société luxembourgeoise Sport Innovation, pour le transfert du joueur A, de Liverpool à Saint-Etienne, d'un montant de 27 440,82 euros, selon facture du 4 avril 2000, à M. B, au Sénégal, pour le transfert des joueurs C et D, d'un montant de 11 205 euros, selon facture du 3 juillet 2000, à la société suisse Promotion Sport Consulting, pour le transfert du joueur E, de Bordeaux à Saint-Etienne, d'un montant de 15 244,90 euros, selon facture du 14 août 2000, à la société britannique Interconsultants et Associates, pour le transfert du joueur F, du Red Star 93 à Saint-Etienne, d'un montant de 91 469,41 euros, selon facture du 4 juillet 2000, à la société Konstantin International Football Management, en Russie, pour le transfert des joueurs G, du club russe Chernomorets Novorossiik à celui de Saint-Etienne, et H, du club russe Zenith de Saint-Petersbourg à celui de Saint-Etienne, pour des montants de, respectivement, 83 010,47 euros et 152 449,02 euros, selon deux factures du 12 juillet 2000, à M. I, en Italie, pour le transfert à Saint-Etienne du joueur J, selon deux factures des 12 et 24 septembre 2001, pour des montants de chaque fois 30 489,80 euros, et enfin à M. K, avocat brésilien, pour le transfert du joueur L du club brésilien de Santos FC à celui de Saint-Etienne, d'un montant de 163 149,88 euros, selon facture du 10 septembre 2001 ;
Considérant que toutes ces commissions rémunèrent des prestations complexes, consistant essentiellement à rechercher des joueurs à l'étranger, à les démarcher, à proposer leur transfert aux clubs concernés et à intervenir dans la négociation des contrats ; que ces prestations n'ont pas ainsi le caractère de prestations de conseillers, ingénieurs, bureau d'études , au sens du 4° de l'article 259 B ; qu'elles n'ont pas davantage le caractère de prestations d'intermédiaires intervenant dans le cadre de cessions ou concessions de droits d'auteurs ... et d'autres droits similaires , au sens des dispositions combinées des 1° et 8° de l'article 259 B, alors que les éventuelles opérations de cession de droit à l'image, pour ce qui concerne les joueurs J et E, ont fait l'objet de factures séparées dont le paiement n'est pas inclus dans les rémunérations en litige ;
Considérant qu'en conséquence, les prestations en cause, ayant été fournies et établies par des prestataires hors de France et ne relevant d'aucun des cas prévus à l'article 259 B du code général des impôts qu'invoque l'administration, ne pouvaient être imposées en France, sur le fondement de l'article 259 du même code, entre les mains de la SASP ASSE Loire ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a, pour ce motif, en son article 1er, déchargé la SASP ASSE Loire des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour les commissions susmentionnées, ainsi que de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1788 septies du code général des impôts en raison de ces rappels de taxe ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la SASP ASSE Loire au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à la SASP ASSE Loire sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT et à la SASP ASSE Loire.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2009, à laquelle siégeaient :
M. Bernault, président de chambre,
M. Montsec, président-assesseur,
Mme Jourdan, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 décembre 2009.
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N° 07LY02386