Vu la requête enregistrée le 11 février 2008, présentée pour la SOCIETE BRACE INGENIERIE dont le siège est 39 cours de Bercy, BP 453 à Moulins (03000) ;
La SOCIETE BRACE INGENIERIE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0701124 du 6 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 12 février 2007 par laquelle le directeur régional des services pénitentiaires de Lyon a retiré sa décision du 11 octobre 2006 de signer la transaction conclue avec elle pour le règlement financier du contrat de maîtrise d'oeuvre de l'opération de reconstruction de quatre miradors de la maison centrale de Moulins, ensemble la décision de rejet implicite de son recours gracieux, d'autre part, à l'homologation de ladite transaction, enfin, à la condamnation de l'Etat à lui verser 10 000 euros de dommages-intérêts ;
2°) d'annuler la décision du 12 février 2007 par laquelle le ministre de la justice a retiré sa décision du 11 octobre 2006 de signer la transaction, ensemble la décision de rejet implicite du recours gracieux ;
3°) d'homologuer la transaction du 11 octobre 2006 ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser 10 000 euros de dommages-intérêts ;
5°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La SOCIETE BRACE INGENIERIE soutient que la transaction, présentant une nature contractuelle, ne peut faire l'objet d'un retrait unilatéral ; qu'en vertu de l'article 2052 du code civil, ce contrat a acquis à sa signature la force de chose jugée ; que ne saurait, dès lors, lui être opposée l'autorité de chose jugée par le Tribunal, le 9 novembre 2006 ; qu'à supposer qu'un acte détachable puisse être isolé, le retrait, postérieur de plus de quatre mois à la décision de signer créatrice de droits, est tardif ; que le Tribunal ne pouvait refuser d'homologuer la transaction sans avoir examiné sa validité ; que l'objet de la transaction est conforme à l'article 127 du code des marchés publics et ne méconnaît aucune règle d'ordre public en vigueur à la date de sa signature ; que l'Etat doit réparer les conséquences de son comportement fautif ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire enregistré le 27 novembre 2009 par lequel le ministre de la justice conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que, la décision de signer étant distincte de la transaction, elle pouvait faire l'objet d'une autre décision détachable portant sur son retrait ; qu'elle n'est, en soi, pas contraire à l'article 2052 du code civil ; qu'il résulte du jugement rendu sur le fond du litige qu'aucune somme n'était due au maître d'oeuvre ; que, par suite, l'objet de la transaction était illicite ; que le refus d'homologation entraînant la déclaration de nullité de la transaction, il est sans incidence qu'elle soit revêtue de l'autorité de chose jugée ; que l'administration n'a pas commis de faute en retirant une décision créatrice de droit illégale ;
Vu les lettres du 17 novembre 2009, par lesquelles, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées que la Cour était susceptible de soulever d'office :
1°) l'irrecevabilité du recours pour excès de pouvoir de la SOCIETE BRACE INGENIERIE, partie au contrat, présenté contre les décisions par lesquelles le directeur régional des services pénitentiaires de Lyon, personne responsable du marché de maîtrise d'oeuvre passé avec le groupement dont la société requérante était le mandataire, a successivement retiré sa décision de signer la transaction par laquelle l'Etat s'obligeait à allouer une somme de 15 000 euros en règlement du décompte de résiliation dudit marché, puis rejeté le recours gracieux présenté contre la décision initiale ;
2°) la nullité de la transaction dont l'homologation est demandée, conclue par une autorité qui n'est pas investie du pouvoir de transiger au nom de l'Etat ;
Vu le mémoire, enregistré le 17 décembre 2009, par lequel le ministre de la justice, garde des sceaux, acquiesce au motif d'irrecevabilité susceptible d'être relevé d'office et soutient que l'arrêté préfectoral du 10 février 2004 portant délégation de signature donnait qualité au directeur régional des services pénitentiaires pour engager l'Etat dans la transaction signée avec la société requérante ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 décembre 2009 :
- le rapport de M. Arbarétaz, premier conseiller,
- les observations de Me Karpenschif, avocat de la SOCIETE BRACE INGENIERIE,
- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public,
la parole ayant été de nouveau donnée à Me Karpenschif ;
Vu, enregistrée le 4 janvier 2010, la note en délibéré présentée pour la SOCIETE BRACE INGENIERIE ;
Sur les conclusions dirigées contre les décisions du directeur régional des services pénitentiaires de Lyon :
Considérant qu'en sa qualité de partie au contrat de transaction, la SOCIETE BRACE INGENIERIE n'est pas recevable à déférer par la voie du recours pour excès de pouvoir les décisions par lesquelles le directeur régional des services pénitentiaires de Lyon, personne responsable du marché de maîtrise d'oeuvre passé avec le groupement dont la société requérante était le mandataire, a successivement retiré sa décision de signer la transaction par laquelle l'Etat s'obligeait à allouer une somme de 15 000 euros en règlement du décompte de résiliation dudit marché, puis rejeté le recours gracieux présenté contre la décision initiale ; que la requérante n'est, dès lors, pas fondée à se plaindre de ce que le Tribunal a rejeté sa demande d'annulation ;
Sur les conclusions tendant à l'homologation de la transaction conclue le 11 octobre 2006 :
Considérant qu'aux termes de l'article 2044 du code civil : La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. / Ce contrat doit être rédigé par écrit ; qu'aux termes de l'article 2045 du même code : Pour transiger, il faut avoir la capacité de disposer des objets compris dans la transaction (...) ; qu'aux termes de l'article 2052 du code : Les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en premier et dernier ressort (...) ;
Considérant qu'en vertu de l'article 2052 précité du code civil, le contrat de transaction ayant entre ses parties l'autorité de la chose jugée en dernier ressort, est exécutoire de plein droit ; que, par suite, et en dehors des cas où la contestation à laquelle il est mis fin a été précédemment portée devant le juge administratif, des conclusions tendant à ce que celui-ci homologue une transaction sont en principe dépourvues d'objet et sont par suite irrecevables ; que la recevabilité d'une telle demande d'homologation doit toutefois être admise, dans l'intérêt général, lorsque son exécution se heurte à des difficultés particulières ; que lorsque cette condition est remplie - et sous réserve que la transaction ait pour objet le règlement ou la prévention de litiges pour le jugement desquels la juridiction administrative serait compétente - il appartient au juge de vérifier que les parties consentent effectivement à la transaction, que l'objet de cette transaction est licite, qu'elle ne constitue pas de la part de la collectivité publique intéressée une libéralité et qu'elle ne méconnaît pas d'autres règles d'ordre public ; que si l'une de ces conditions n'est pas remplie, la non-homologation entraîne la nullité de la transaction ;
Considérant, en premier lieu, qu'à la date de signature de la convention, un litige portant sur le montant du solde du décompte de résiliation opposait l'Etat (représenté par le ministre de la justice) à la SOCIETE BRACE INGENIERIE et était pendant devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand ; que la transaction ayant eu pour objet de mettre fin à cette contestation précédemment portée devant le juge administratif, les conclusions tendant à son homologation sont recevables sans qu'il soit nécessaire d'examiner les difficultés auxquelles se heurte son exécution, révélées par le refus du directeur régional des services pénitentiaires de verser l'indemnité de 15 000 euros TTC ;
Considérant, en second lieu, que sauf disposition particulière, il n'appartient qu'au ministre intéressé de transiger au nom de l'Etat ; qu'aucun texte n'attribue aux directeurs régionaux des services pénitentiaires délégués dans les fonctions de personne responsable d'un marché, la compétence de transiger dans les litiges engageant la responsabilité de l'Etat en ses qualités de partie contractante ou de maître d'ouvrage ; qu'ainsi la transaction du 11 octobre 2006 a été passée par la SOCIETE BRACE INGENIERIE avec une autorité administrative dépourvue de qualité pour représenter l'Etat qui, de ce fait, n'y a pas consenti ; qu'elle ne peut, dés lors, recevoir d'homologation, et se trouve nulle et de nul effet ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE BRACE INGENIERIE n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat au versement d'une indemnité de 10 000 euros :
Considérant que les conclusions susvisées sont dépourvues de fondement juridique et ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions de la SOCIETE BRACE INGENIERIE doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIETE BRACE INGENIERIE est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE BRACE INGENIERIE et au ministre de la justice et des libertés.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2009 à laquelle siégeaient :
M. du Besset, président de chambre,
Mme Chalhoub, président-assesseur,
M. Arbarétaz, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 janvier 2010.
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N° 08LY00326
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