Vu la requête au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 7 mai 2009 et présentée pour le PREFET DU RHONE ;
Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0901894 du 9 avril 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 29 mars 2009 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Lyon ;
3°) de mettre à la charge de M. A la somme de 1 000 euros à verser à l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que le jugement attaqué a méconnu la portée et les effets des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le premier juge a commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant à tort l'existence d'une vie familiale entre M. A et son ex-épouse et en retenant la violation de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 par la décision de reconduite à la frontière qui n'a ni pour effet, ni pour objet de séparer l'enfant Fedi de son père, M. A ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire enregistré par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 2 juillet 2009 et régularisé le 7 juillet 2009, présenté pour M. A, domicilié chez Monsieur et Madame B, ..., qui conclut au rejet de la requête du préfet, à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à l'injonction au préfet de lui délivrer d'une carte de séjour mention vie privée et familiale dans le délai de 48 heures à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
Il soutient que c'est à bon droit que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé la reconduite à la frontière sur le fondement de la violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, que cette décision insuffisamment motivée et signée par une autorité incompétente méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation familiale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 2010 :
- le rapport de M. Chanel, président ;
- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;
- la parole ayant été donnée à nouveau à Me Bernardi ;
Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité tunisienne, n'établit pas être entré régulièrement en France dans le courant du mois de décembre 2008, et n'était pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité à la date de la mesure d'éloignement, le 29 mars 2009 ; qu'ainsi, il entrait dans le cas prévu par les dispositions précitées du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation du jugement
Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant susvisée : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
Considérant que pour annuler la décision de reconduite à la frontière en litige, le premier juge a retenu la violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant en retenant en particulier l'importance de la présence de M. A auprès de son fils, Fédi, dont les troubles de comportement se sont nettement atténués depuis qu'il vit auprès de lui ;
Considérant toutefois qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a divorcé de Mme Farida B, compatriote tunisienne, par jugement du tribunal de grande instance de Tunis le 28 janvier 2003, qui a confié la garde des enfants du couple, nés en 1998 et 2000, à celle-ci ; que Mme B, titulaire d'un titre de séjour, s'est alors installée en France où est né leur troisième enfant, Fédi, le 10 mars 2003 ; que Mme B a saisi, le 6 juin 2005, le juge aux affaires familiales au motif que le père des enfants ne lui versait aucune pension ; qu'il est par ailleurs établi que M. A n'a reçu ses enfants en Tunisie qu'à deux reprises, en 2007 et 2008 ; qu'ainsi, à la date de la décision litigieuse, le jeune Fedi n'avait jamais vécu avec son père dès lors que les pièces produites, et notamment des attestations de tiers dénuées de valeur probante, ne permettent pas d'établir une communauté de vie entre M. A et son ex-épouse, ou encore le caractère stable et durable de cette relation ; qu'à supposer même cette circonstance avérée, la communauté de vie entre M. A et Mme B est très récente et ne saurait être supérieure à trois mois ; qu'il n'est dès lors pas établi avec certitude que le début d'amélioration du comportement du petit Fédi, certifié par une attestation d'un psychologue établie postérieurement à la date de la décision contestée, soit directement liée à la présence de son père dès lors que le petit Fédi a bénéficié d'une prise en charge cognitive durant l'année scolaire 2008/2009 du fait de son retard d'apprentissage et de ses difficultés à rester concentré ; que M. A ne peut se prévaloir de la circonstance que l'enfant connaisse des problèmes cardiaques dès lors qu'elle n'est étayée par aucune pièce du dossier faisant état de soins ou de traitements particuliers actuels et rendant indispensable la présence de M. A, absent de son propre fait, depuis 2003 ; que l'intéressé ne peut, par ailleurs, utilement invoquer des circonstances postérieures à la date de la décision attaquée ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et eu égard aux conditions du séjour en France de M. A, la décision du 29 mars 2009 par laquelle le préfet du Rhône a ordonné sa reconduite à la frontière n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur du jeune Fédi et méconnu en ce sens les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; qu'en conséquence, le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté de reconduite à la frontière litigieux en raison de l'atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant Fédi ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. A, tant devant le Tribunal administratif que devant la Cour ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière ;
Considérant, en premier lieu, que l'arrêté de reconduite à la frontière comporte des considérations de droit qui en constituent le fondement et vise notamment les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il est fait application ; qu'il énonce de façon précise les circonstances qui justifient qu'il soit fait application à l'intéressé des dispositions du 1° du II de l'article 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par suite, et alors même qu'il n'est pas fait explicitement mention de certains éléments de fait caractérisant la vie privée et familiale de l'intéressé, l'arrêté contesté répond aux exigences de motivation prévue par la loi du 11 juillet 1979 applicable aux mesures de police ; qu'ainsi, au regard de la motivation en fait et en droit, le PREFET DU RHONE a procédé à un examen de la situation particulière de M. A avant d'édicter la mesure de reconduite à la frontière et la circonstance qu'il ne soit pas fait mention des raisons alléguées par M. A de sa présence en France tenant à l'état de santé de l'un de ses enfants est sans conséquence sur la légalité de la décision contestée ; qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la motivation de la décision serait insuffisante doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, que la mesure de reconduite à la frontière opposée à M. A, le 29 mars 2009, est signée par M. Stéphane C, Secrétaire général adjoint de la préfecture du Rhône, lequel avait régulièrement reçu délégation de signature du PREFET DU RHONE, par arrêté du 9 juin 2008, publié au recueil des actes administratifs du département, l'autorisant à signer notamment les arrêtés de reconduite à la frontière, les décisions fixant le pays de renvoi ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur du refus de délivrance du titre de séjour en litige doit être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;
Considérant que M. A est entré irrégulièrement en France en fin d'année 2008 à l'âge de 43 ans ; que, depuis 2003, il est divorcé de Mme Fatima B qui a obtenu la garde de leurs enfants ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, qu'au cours de cette période M. A se soit particulièrement occupé d'eux, hormis deux séjours effectués par les enfants chez leur père lors des vacances d'été de 2007 et 2008, ou qu'il aurait subvenu à leurs besoins dès lors que son ex-épouse a engagé devant le juge aux affaires familiales une procédure en vue d'obtenir le paiement d'une pension alimentaire en 2005 ; que l'existence même d'une communauté de vie avec son ex-épouse n'est pas établie ; que l'intéressé n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où vivent notamment ses parents et un frère ; que la décision de reconduite à la frontière n'a pas pour effet de séparer durablement la famille de M. A dès lors que rien ne l'empêche de revenir ultérieurement en France sous couvert d'un titre régulier ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions de séjour de M. A en France, du caractère très récent de la communauté de vie avec Mme D et leurs enfants, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'ainsi, le PREFET DU RHONE n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, compte tenu du délai séparant l'entrée en France de M. A de la date de la décision attaquée, n'a pas davantage commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation familiale de M. A ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 29 mars 2009 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A et fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement ; que les conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;
Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A :
Considérant que le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de délivrer à M. A une carte de séjour mention vie privée et familiale doivent être rejetées ;
Sur les conclusions du préfet du Rhône tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au profit de M. A, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant, en second lieu, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A quelque somme que ce soit au profit de l'Etat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0901894 du 9 avril 2009 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : La demande de M. A présentée devant le Tribunal administratif de Lyon est rejetée ainsi que ses conclusions d'appel au titre des articles L. 761-1 et L. 911-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus du recours du PREFET DU RHONE est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Fhéti A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au PREFET DU RHONE.
Lu en audience publique, le 3 février 2010.
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N° 09LY01001
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