Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 27 janvier 2009, présentée pour le PREFET DU RHONE ;
Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0900113 en date du 15 janvier 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 12 janvier 2009, par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de Mlle Hajar A, ainsi que ses décisions du même jour fixant le pays de destination et ordonnant le placement en rétention administrative de l'intéressée, lui a enjoint de délivrer, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, une autorisation provisoire de séjour à Mlle Hajar A et a condamné l'Etat à verser à son conseil la somme de 800 €, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mlle A devant le Tribunal administratif de Lyon ;
Il soutient que le juge de première instance, constatant que la décision contestée devant lui a été prise sur le fondement du 4° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et aurait pu être prise sur le fondement du 2° du II du même article, a substitué ce dernier fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, mais sans avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point ; qu'il a donc commis une erreur de droit ; que la décision ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle A n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard de ses motifs dès lors que l'intéressée est célibataire et sans enfant, que toute sa famille se trouve dans son pays d'origine, qu'elle est en situation irrégulière depuis 2004 et qu'elle a eu recours à une fausse carte de séjour à partir de 2006 pour exercer son activité professionnelle d'aide à domicile ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 4 novembre 2009 et régularisé le 6 novembre 2009, présenté pour Mlle A, domicilié ..., qui conclut, à titre principal, au rejet de la requête ; à titre subsidiaire, elle demande à la Cour :
1°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du 12 janvier 2009, par lesquelles le PREFET DU RHONE a ordonné sa reconduite à la frontière, a fixé le pays de renvoi et ordonné son placement en rétention administrative ;
2°) d'enjoindre au PREFET DU RHONE de réexaminer son droit au séjour et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 € par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 €, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Elle soutient que le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit dès lors que le préfet a pu présenter ses observations sur la base légale de l'arrêté de reconduite à la frontière lors de l'audience et qu'elle entrait dans les cas prévus par les dispositions du 2° et du 4° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ; que la décision ordonnant sa reconduite à frontière a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard de ses motifs dès lors qu'elle vit en France depuis le 25 octobre 2000, qu'elle n'a jamais fait l'objet de poursuites pénales, qu'elle a travaillé au service de personnes âgées et dépendantes durant deux années entières en remplissant parfaitement ses obligations contractuelles et qu'elle a un projet de création d'une société de services à domicile pour les personnes âgées ; que, pour les mêmes raisons, la décision ordonnant sa reconduite à frontière est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, eu égard à ses effets sur sa situation personnelle ; que le projet de mariage forcé que sa famille a entrepris pour elle, combiné au fait qu'elle n'est plus vierge, ce qui porte atteinte à l'honneur de sa famille, l'exposeraient à des traitements dégradants en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'ainsi, la décision fixant le Maroc comme pays de renvoi est contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et aux dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision ordonnant son placement en rétention administrative est entachée d'un défaut de base légale et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle a fourni l'ensemble des éléments permettant son identification à la police et qu'elle justifiait de garanties de représentation suffisantes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mars 2010 :
- le rapport de M. du Besset, président ;
- les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : ...II L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 4° Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire et s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois suivant l'expiration de ce titre (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle A est entrée en France le 25 octobre 2000 sous couvert d'un passeport marocain revêtu d'un visa portant la mention étudiant et valable du 18 octobre 2000 au 17 janvier 2001 ; qu'elle a bénéficié, du 16 janvier 2001 au 30 novembre 2004, d'une carte de séjour temporaire en qualité d'étudiante, qui a été renouvelée régulièrement ; que si elle soutient qu'elle n'a pu obtenir le renouvellement de son titre de séjour après le 30 novembre 2004, elle n'établit pas avoir présenté une demande à cette fin ; qu'elle s'est maintenue sur le territoire français au-delà du délai d'un mois suivant l'expiration de ce titre ; qu'ainsi, elle était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 4° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;
Considérant que si Mlle A, qui est entrée en France en octobre 2000 pour y être étudiante, a travaillé durant deux ans en tant qu'auxiliaire de vie au service de personnes âgées et dépendantes et a un projet de création d'une société de services à domicile pour les personnes âgées, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'elle ne s'est pas manifestée auprès des services préfectoraux afin de régulariser sa situation administrative après l'expiration, le 30 novembre 2004, de la validité de son titre de séjour temporaire et était en possession d'une fausse carte de séjour lors de son interpellation le 12 janvier 2009 ; qu'elle est célibataire et sans enfant et que toute sa famille vit au Maroc ; que, dans ces conditions, l'arrêté en litige n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler l'arrêté du 12 janvier 2009 et, par voie de conséquence, les décisions du même jour fixant le pays de destination et portant maintien en rétention ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mlle A tant en première instance qu'en appel ;
En ce qui concerne l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant que l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle A énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation doit être écarté ;
Considérant que, pour les mêmes motifs qu ceux énoncés plus haut, la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, eu égard à ses effets sur la situation personnelle de Mlle A ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
Considérant que la décision fixant le pays à destination duquel la mesure d'éloignement doit être exécutée, énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation doit être écarté ;
Considérant que Mlle A n'invoque aucune circonstance familiale qui ferait que la décision fixant le pays de destination méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. et que ce dernier texte énonce que Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ;
Considérant que ces dispositions et stipulations combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu'il s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;
Considérant que Mlle A soutient, à l'encontre de la décision fixant le pays dont elle a la nationalité comme destination de la reconduite, que sa situation personnelle et notamment le projet de mariage conçu par sa famille l'exposeraient à des traitements dégradants en cas de retour dans son pays d'origine ; que toutefois, son récit et la production d'un témoignage de sa belle-soeur faisant état de violences subies par la requérante de la part de sa mère en 2003, ne permettent pas, à eux seuls, de tenir pour établis les faits allégués ni les risques et menaces qui pèseraient sur elle en cas de retour dans le pays dont elle a la nationalité ; que, par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions et stipulations précitées doit être écarté ; que, pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation, doit être écarté ;
En ce qui concerne la décision de placement en rétention administrative :
Considérant que la décision ordonnant le placement en rétention administrative de Mlle A énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation doit être écarté ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : le placement en rétention d'un étranger dans ses locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire peut être ordonné lorsque cet étranger : / (...) 3° Soit faisant l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière pris en application des articles L. 511-1 à L. 511-3 et édicté moins d'un an auparavant, (...) ne peut quitter immédiatement le territoire français (...) ;
Considérant que Mlle A fait valoir, à l'encontre de la décision ordonnant son placement en rétention administrative, qu'elle a fourni l'ensemble des éléments permettant son identification à la police et qu'elle justifiait de garanties de représentation suffisantes ; que toutefois, si Mlle A disposait, à la date de la décision en litige, d'un passeport en cours de validité, comme il a été dit plus haut, elle ne s'est jamais manifestée auprès des services préfectoraux afin de régulariser sa situation administrative depuis l'expiration de son titre de séjour temporaire le 30 novembre 2004 et était en possession d'une fausse carte de séjour lors de son interpellation le 12 janvier 2009 ; qu'ainsi elle ne disposait pas de garanties de représentation suffisantes et le PREFET DU RHONE a pu, dès lors, ordonner son placement en rétention administrative sans méconnaître les dispositions précitées, ni commettre une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions portant reconduite à la frontière de Mlle A, fixant le pays de destination et la plaçant en rétention administrative ; que, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction présentées par Mlle A devant la cour doivent être rejetées ;
Sur les conclusions présentées au titre des frais non compris dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0900113 du Tribunal administratif de Lyon en date du 15 janvier 2009 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mlle A devant le Tribunal administratif de Lyon ainsi que ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction présentées devant la cour sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par Mlle A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DU RHONE, à Mlle A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
Lu en audience publique, le 17 mars 2010.
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N° 09LY00135