Vu la requête, enregistrée 30 avril 2008, présentée pour Mme Kheira A, domiciliée ... ;
Mme A demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 0603834 du 22 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a limité la responsabilité de la communauté urbaine de Lyon au tiers des conséquences dommageables résultant de la chute dont elle a été victime, le 26 février 2003 à Villeurbanne, et a limité à la somme de 1 000 euros la condamnation de la communauté urbaine destinée à réparer ses préjudices ;
2°) à titre principal, de déclarer la communauté urbaine de Lyon entièrement responsable de l'accident dont s'agit et de porter le montant de son indemnisation à la somme de 44 355,84 euros ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale et, à titre plus subsidiaire, de condamner la communauté urbaine de Lyon à supporter la moitié des conséquences dommageables du sinistre ;
4°) de mettre à la charge de la communauté urbaine de Lyon une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que l'excavation à l'origine de sa chute constituait un défaut d'entretien normal de la voirie ; que les circonstances de l'accident sont attestées par plusieurs témoignages ; que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'elle avait commis une faute exonérant la communauté urbaine des deux tiers des conséquences dommageables nées de l'accident dont s'agit ; qu'elle a effectivement été surprise par l'excavation, dont elle ignorait la présence, qui n'était pas signalée et pas parfaitement visible ; que si une faute devait lui être imputée, cette dernière ne saurait exonérer la responsabilité de la communauté urbaine de Lyon au-delà de la moitié de conséquences dommageables de l'accident ; que ses préjudices ont été sous-évalués ; que le préjudice lié à l'inoccupation, pendant 27 mois, de son logement situé au 4ème étage est directement imputable aux conséquences de l'accident et doit être évalué à la somme de 8 084,34 euros ; que son préjudice au titre de l'incapacité temporaire totale doit être fixé à la somme de 3 271,50 euros ; que l'incapacité permanente partielle justifie une indemnité de 10 000 euros ; que son préjudice de la douleur, son préjudice esthétique et son préjudice d'agrément seront justement réparés par l'allocation d'une somme de 5 000 euros chacun ; que son préjudice moral doit être évalué à 8 000 euros ; que si la Cour ne s'estime pas suffisamment informée, il lui appartient d'ordonner une expertise aux fins d'évaluer ses préjudices ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré par télécopie le 30 octobre 2008 et régularisé le 31 octobre suivant, le mémoire présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon qui conclut à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a limité à la somme de 2 986,14 euros la condamnation de la communauté urbaine de Lyon au titre des prestations qu'elle a exposées pour le compte de la victime, à ce que cette condamnation soit portée à la somme de 8 958,42 euros, à ce que soit mises à la charge de la communauté urbaine une somme de 941 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que l'excavation en cause constituait un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public ; que toutefois la communauté urbaine doit être déclarée entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident dont s'agit ; que, en effet, Mme A n'a pas commis de faute dès lors qu'elle ignorait l'existence de l'excavation qui n'était pas parfaitement visible ; que la communauté urbaine doit par conséquent être condamnée à lui rembourser l'intégralité de ses débours ;
Vu, enregistré le 30 mars 2009, le mémoire présenté pour la communauté urbaine de Lyon, représentée par son président, qui conclut, à titre principal, au rejet de la requête et des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon, à l'annulation du jugement attaqué, au rejet de la demande de Mme A et des conclusions de la caisse présentées devant le Tribunal administratif de Lyon, à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme A au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, à titre subsidiaire, à la confirmation du jugement attaqué ; elle soutient que le lien de causalité entre l'excavation incriminée et la chute de la requérante n'est pas établi ; que Mme A a attendu plus de 3 ans avant d'adresser une réclamation ; que les témoignages produits par cette dernière sont postérieurs aux faits de 3 à 4 ans et sont stéréotypés ; que l'attestation d'intervention du SDIS ne permet pas de corroborer lesdits témoignages ; que sa responsabilité doit être totalement exonérée dès lors que la victime connaissait les lieux, qu'elle ne pouvait ignorer l'existence de l'importante excavation dont il est fait état, laquelle était parfaitement visible ; qu'à défaut sa part de responsabilité ne saurait excéder un tiers voire un quart des conséquences dommageables de l'accident ; que les prétentions indemnitaires de Mme A sont excessives ; que les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice lié à l'inoccupation du logement et l'incapacité temporaire totale doivent être rejetées ; que l'existence d'une incapacité permanente partielle et d'un préjudice d'agrément n'est pas démontrée ; que le préjudice de la douleur doit être évalué en fonction d'éléments objectifs ; que le préjudice moral doit être indemnisé au titre des troubles dans les conditions d'existence ;
Vu, enregistré le 5 mars 2010, le mémoire déposé pour la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon qui sollicite la capitalisation des intérêts ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mars 2010 :
- le rapport de Mme Serre, présidente ;
- les observations de Me Messaoud, avocat de la Communauté urbaine de Lyon et de Me Michaud, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon ;
- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;
La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;
Considérant que Mme A, alors qu'elle marchait sur le trottoir au niveau du 8 de la rue Emile Bouvier à Villeurbanne le 26 février 2003 vers 11 h 15, a été victime d'une chute à l'origine d'une fracture de la cheville droite ; qu'imputant cet accident à une excavation située sur le trottoir, elle a recherché la responsabilité de la communauté urbaine de Lyon pour défaut d'aménagement normal de l'ouvrage public ; que Mme A relève appel du jugement en date du 22 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a condamné la communauté urbaine à lui verser une somme qu'elle estime insuffisante, alors que la communauté urbaine de Lyon, par la voie de l'appel incident, conteste l'indemnisation mise à sa charge et que la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon demande le remboursement de la totalité de ses débours ;
Sur la responsabilité :
Considérant que la date et le lieu de l'accident sont établis par un rapport du SDIS qui est intervenu pour secourir et transporter Mme A à l'hôpital ; que les nombreuses attestations produites par la requérante font état de l'existence de l'excavation incriminée à la date des faits litigieux, l'une d'elle étant un témoignage direct de la chute établi par une infirmière qui a porté assistance à l'intéressée en attendant l'arrivée des secours ; que, dans ces conditions, cette dernière, alors même qu'elle aurait tardé à rechercher la responsabilité de la collectivité publique, doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe d'un lien de causalité direct entre sa chute et l'excavation d'environ 80 centimètres de large et de 50 centimètres de profondeur, non signalée qui, par ses dimensions, constitue un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public, ce que d'ailleurs la communauté urbaine ne conteste pas en appel ;
Considérant toutefois que la déformation de la chaussée était nécessairement visible à l'heure de l'accident et que la chute dont a été victime Mme A révèle de sa part une faute d'inattention ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Lyon a limité la part de responsabilité de la communauté urbaine de Lyon ; qu'il a fait une juste appréciation de ladite part en la fixant au tiers des conséquences dommageables du sinistre ;
Sur le préjudice :
Considérant que Mme A demande la réparation des préjudices liés aux conséquences financières de l'accident litigieux ainsi que ceux résultant des souffrances et des divers troubles dans ses conditions d'existence qu'elle a subis ; que la Cour ne trouve pas au dossier des éléments suffisants pour lui permettre de déterminer le montant de ces préjudices; que, par suite, il y a lieu d'ordonner une expertise aux fins mentionnées dans le dispositif du présent arrêt ;
DECIDE :
Article 1er : Les conclusions de la requête de Mme A, de la communauté urbaine de Lyon et celles de la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon sont rejetées en tant qu'elles visent à contester la condamnation de la communauté urbaine de Lyon à réparer le tiers du préjudice subi par Mme A.
Article 2 : II sera procédé à une expertise en vue de déterminer le préjudice subi par Mme A.
Article 3 : L'expert sera désigné par le président de la Cour et aura pour mission :
- d'accéder au dossier médical de Mme A et d'en prendre connaissance ;
- d'examiner Mme A et décrire son état ;
- de décrire les blessures, les lésions, les affections résultant de la chute dont Mme Aa été victime le 26 février 2008 et en indiquer la nature, le siège et l'importance ;
- d'indiquer les soins, traitements et interventions dont Mme A a été l'objet à la suite de cette chute ainsi que les soins, traitements et interventions éventuellement prévisibles ;
- d'apprécier, en tous ses éléments, le préjudice corporel de Mme A, de donner toute précision quant à la durée des éventuelles incapacités temporaires (totale et/ou partielle), de déterminer la date de consolidation de son état, de dire s'il subsiste une invalidité permanente partielle, en fixer le taux et déterminer la répercussion de cette invalidité sur son éventuelle activité professionnelle et sur ses conditions d'existence ;
- d'évaluer l'importance des souffrances subies et éventuellement du préjudice personnel, y compris le préjudice esthétique et d'agrément de la victime ; de donner, plus généralement, toute indication utile à la détermination des différents éléments du préjudice subi par Mme A.
Article 4 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative.
Article 5 : L'expert déposera son rapport au greffe de la Cour en deux exemplaires et en notifiera des copies aux parties dans le délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 6 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.
Article 7 : Tous droits et moyens sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés en fin d'instance.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Kheira A, à la communauté urbaine de Lyon, à la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon.
Délibéré après l'audience du 18 mars 2010 à laquelle siégeaient :
Mme Serre, présidente de chambre,
Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,
M. Picard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 mars 2010.
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N° 08LY01007