Vu la requête, enregistrée le 25 février 2009, présentée pour la SOCIETE DU GRAND CASINO D'ANNEMASSE, dont le siège est 2 avenue de l'Europe à Annemasse (74100), représentée par son directeur général ;
La SOCIETE DU GRAND CASINO D'ANNEMASSE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0605068 du 30 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 29 août 2006, par laquelle le préfet de la Haute-Savoie a prononcé, pour une durée de deux mois, la fermeture administrative de l'établissement qu'elle exploite sous l'enseigne Le D'Joker ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient :
- que le sous-préfet n'avait pas compétence pour signer l'avertissement préalable obligatoire et que le secrétaire général de la sous-préfecture n'avait pas compétence pour entendre les observations orales présentées au cours de la procédure contradictoire ;
- qu'elle n'a pu utilement présenter ses observations orales, faute d'avoir eu connaissance des éléments pertinents et notamment de l'article applicable du code de la santé publique ; qu'elle n'a pas été informée de ce que son gérant pouvait se faire assister d'un avocat ; que les termes des différents rapports de police qui lui étaient opposés ne lui ont jamais été communiqués ;
- qu'il n'est pas établi que les incidents qui lui sont reprochés soient en relation directe avec l'établissement Le D'Joker ; que certains sont en relation avec le Casino ; que l'évènement du 17 juin 2006 ne constitue pas un trouble à l'ordre public ; que l'arrêté litigieux est entaché d'erreur matérielle ;
- que l'administration ne pouvait répondre à sa demande de renouvellement d'autorisation de fermeture tardive par une sanction ;
- que la décision litigieuse est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 octobre 2009, présenté par le préfet de la Haute-Savoie qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient :
- que le sous-préfet était compétent pour signer l'avertissement préalable et que le secrétaire général était compétent pour recevoir le directeur de l'établissement en cause et entendre ses observations orales ;
- que la requérante a pu utilement présenter ses observations orales, l'administration n'étant pas tenue de lui communiquer toutes les pièces de son dossier et l'erreur de frappe dans la mention de l'article applicable ayant été sans incidence sur la bonne information de la requérante ;
- que la mesure litigieuse n'est entachée ni d'erreur matérielle, ni d'erreur manifeste d'appréciation ;
- que la décision litigieuse ne constitue pas une réponse à la demande de renouvellement d'autorisation d'ouverture tardive ;
Vu le mémoire, enregistré le 14 janvier 2010, présenté pour la SOCIETE DU GRAND CASINO D'ANNEMASSE qui conclut aux mêmes fins que dans la requête susvisée par les mêmes moyens et précise qu'elle entend se désister du moyen tiré de ce que le sous-préfet n'avait pas compétence pour signer l'avertissement préalable ;
Elle soutient en outre que ses observations orales n'ont pas été portées à la connaissance de l'autorité administrative compétente pour prendre la décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 février 1979 ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 mai 2010 :
- le rapport de Mme Vinet, conseiller,
- et les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;
Considérant que la SOCIETE DU GRAND CASINO D'ANNEMASSE exploite à Annemasse une discothèque, à l'enseigne Le D'Joker , ainsi qu'un casino ; que le 21 mars 2006, un avertissement en date du 16 mars lui a été adressé, en raison de troubles à l'ordre public liés à l'activité de la discothèque, puis, le 25 juillet 2006, elle a été avertie de ce qu'en raison de nouveaux troubles à l'ordre public, une sanction pourrait être prise à son encontre, et a été invitée à présenter ses observations, ce qu'elle a fait les 3 et 8 août 2006 par écrit, et le 25 août 2006 oralement ; que, le 29 août 2006, le préfet a pris un arrêté ordonnant la fermeture administrative de la discothèque Le D'Joker pour deux mois ; que la SOCIETE DU GRAND CASINO D'ANNEMASSE relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 août 2006 ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 3332-15 code de la santé publique : 1. La fermeture des débits de boissons et des restaurants peut être ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département pour une durée n'excédant pas six mois, à la suite d'infractions aux lois et règlements relatifs à ces établissements. / Cette fermeture doit être précédée d'un avertissement qui peut, le cas échéant, s'y substituer, lorsque les faits susceptibles de justifier cette fermeture résultent d'une défaillance exceptionnelle de l'exploitant ou à laquelle il lui est aisé de remédier. 2. En cas d'atteinte à l'ordre public, à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publiques, la fermeture peut être ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département pour une durée n'excédant pas deux mois. Le représentant de l'Etat dans le département peut réduire la durée de cette fermeture lorsque l'exploitant s'engage à suivre la formation donnant lieu à la délivrance d'un permis d'exploitation visé à l'article L. 3332-1-1. (...) 4. Les crimes et délits ou les atteintes à l'ordre public pouvant justifier les fermetures prévues au 2 et au 3 doivent être en relation avec la fréquentation de l'établissement ou ses conditions d'exploitation. / 5. Les mesures prises en application du présent article sont soumises aux dispositions de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ainsi qu'aux dispositions de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (...) ;
Sur la légalité externe :
Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000 : Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) ;
Considérant que, d'une part, le fait que le représentant de la SOCIETE DU GRAND CASINO D'ANNEMASSE a été entendu par le secrétaire général de la préfecture et l'agent en charge de la gestion des débits de boissons, et non par le préfet lui-même, est, en soi, sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, dès lors que ses observations écrites et orales ont été portées à la connaissance du préfet ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas allégué que, lors de l'entretien oral en cause, la requérante aurait fait valoir des éléments nouveaux par rapport à ceux exposés dans ses observations écrites adressées au préfet ; que, par suite, la circonstance que le préfet n'a été informé que de ce que les observations orales présentées par la requérante n'apportaient rien de nouveau au dossier n'est pas de nature à vicier la procédure contradictoire ; que, d'autre part, les dispositions précitées n'imposaient pas à l'administration d'informer la requérante de ce qu'elle pouvait se faire assister d'un avocat ; qu'enfin, la circonstance que la lettre du 20 juillet 2006 informant la SOCIETE DU GRAND CASINO D'ANNEMASSE qu'une mesure de fermeture administrative de son établissement était envisagée, comporte une mention erronée de l'article du code de la santé publique applicable n'a pas fait obstacle à ce que cette dernière présente utilement ses observations compte tenu de l'absence d'ambiguïté sur les faits qui lui étaient reprochés, ainsi que les termes de ses observations écrites consécutives en témoignent ; que, par ailleurs, l'administration n'ayant pas à communiquer spontanément à la société requérante les procès-verbaux et rapports de police mentionnés dans la lettre du 20 juillet 2006, la circonstance, que postérieurement à la décision litigieuse, la requérante en aurait demandé la communication en vain, est sans influence sur la légalité de la décision en litige ; que, par suite, la SOCIETE DU GRAND CASINO D'ANNEMASSE n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas été mise à même de présenter utilement ses observations orales et que, par suite, le principe du contradictoire aurait été méconnu ;
Sur la légalité interne :
Considérant que l'arrêté litigieux est fondé sur les faits ayant donné lieu à l'avertissement du 16 mars 2006 ainsi que sur le rapport général de police du 21 juin 2006, signalant les incidents réguliers et mettant en cause la compétence du service de sécurité de l'établissement, et sur l'avis des services de police du 7 juillet 2006, sollicité au sujet du renouvellement de l'autorisation d'ouverture tardive de la discothèque ; que, selon l'arrêté litigieux, ces évènements consécutifs de l'activité de cet établissement, constituent, par leur répétition, un trouble à l'ordre public et justifient de ce fait l'application de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si certains incidents recensés par les divers rapports de police ne sont pas liés à l'exploitation de la discothèque mais à celle du casino, également géré par la requérante, la plupart des nombreux incidents relevés avant comme après l'avertissement du 16 mars 2006 sont liés à l'exploitation de la discothèque et aux difficultés rencontrées par le service de sécurité de cette dernière pour y faire respecter l'ordre ; que ces incidents ont créé des troubles à l'ordre public, justifiant de nombreuses interventions, d'importance variable, des forces de l'ordre ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, l'arrêté litigieux n'est pas fondé sur des motifs matériellement inexacts ; que compte tenu de la fréquence à laquelle ces incidents sont intervenus, la durée de deux mois à laquelle le préfet de la Haute-Savoie a fixé la mesure de fermeture litigieuse n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant que la circonstance que la requérante avait demandé le renouvellement de l'ouverture tardive de son établissement et qu'à l'occasion de l'examen de cette demande, le préfet a pris la mesure litigieuse, n'est pas de nature à entacher celle-ci d'erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE DU GRAND CASINO D'ANNEMASSE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIETE DU GRAND CASINO D'ANNEMASSE est rejetée.
Article 2: Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE DU GRAND CASINO D'ANNEMASSE, au préfet de la Haute-Savoie et au ministre de la santé et des sports.
Délibéré après l'audience du 6 mai 2010 à laquelle siégeaient :
M. du Besset, président de chambre,
M. Arbarétaz, premier conseiller,
Mme Vinet, conseiller.
Lu en audience publique, le 27 mai 2010.
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N° 09LY00403
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