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10/06/2010 | FRANCE | N°08LY00662

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 10 juin 2010, 08LY00662


Vu la requête, enregistrée le 25 mars 2008, présentée pour M. et Mme Benoît A, agissant en leur nom personnel et au nom de leur enfant mineur Laurent A, domiciliés ... ;

Ils demandent à la Cour :

1°) l'annulation du jugement n° 0400719 du 25 janvier 2008 du Tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier intercommunal Sud Leman Valserine à la suite de l'accident médical dont leur enfant Laurent a été victime lors de sa naissance le 30 septembre 1998 ;

2°) de faire droit à leur demande et de leur

verser à titre provisionnel, en leur qualité de représentants légaux de leur fils,...

Vu la requête, enregistrée le 25 mars 2008, présentée pour M. et Mme Benoît A, agissant en leur nom personnel et au nom de leur enfant mineur Laurent A, domiciliés ... ;

Ils demandent à la Cour :

1°) l'annulation du jugement n° 0400719 du 25 janvier 2008 du Tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier intercommunal Sud Leman Valserine à la suite de l'accident médical dont leur enfant Laurent a été victime lors de sa naissance le 30 septembre 1998 ;

2°) de faire droit à leur demande et de leur verser à titre provisionnel, en leur qualité de représentants légaux de leur fils, une somme de 60 000 euros à valoir sur son préjudice après consolidation ainsi qu'une provision de 15 000 euros pour leur compte personnel ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier les dépens de l'instance et le paiement d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- le jugement, qui n'est pas suffisamment motivé et qui est entaché d'omission à statuer est irrégulier ;

- l'enfant a été victime d'une souffrance cérébrale d'origine anaxo-ischémique, les lésions neurologiques s'étant constituées dans la demi-heure précédant la naissance ;

- l'expert a contredit son sapiteur, expert en pédiatrie et neurologie, sur des questions pour lesquelles il n'était pas compétent, sur le fondement d'un guide d'analyse dont l'utilisation n'est pas obligatoire ;

- le sapiteur concluait à l'absence de maladie métabolique ;

- plusieurs paramètres étaient présents qui auraient dû justifier une césarienne plus précoce : Mme A souffrait d'hypertension, la poche s'était rompue depuis plus de 12 heures, le travail avait été provoqué, et le rythme cardiaque foetal était inquiétant ;

- plusieurs fautes ont été commises : surveillance insuffisante du rythme cardiaque foetal, absence d'auscultation du coeur du foetus durant la nuit, l'absence de monitorage malgré la rupture de la poche des eaux le 29 septembre, interruption du monitorage trois quarts d'heure avant la naissance ;

- l'existence d'un placenta praevia aurait dû entraîner un renforcement de cette surveillance ;

- l'absence de pose d'un saturomètre, qui a privé l'hôpital d'un élément de surveillance important, est fautive ;

- la perfusion de syntocinon, qui aurait dû être interrompue compte tenu des ralentissements du rythme cardiaque foetal, est fautive ;

- la sage femme aurait dû appeler le médecin obstétricien et prendre toute les précautions nécessaires à la préparation de l'intéressée à la césarienne ;

- près de 45 mn se sont écoulées entre la décision de réaliser une césarienne et cette dernière, cette circonstance révélant une faute ;

- une nouvelle expertise pourrait être ordonnée ;

- l'enfant à une incapacité permanente partielle de 80 %, un pretium doloris et un préjudice esthétique de 6/7, un important préjudice d'agrément et nécessite l'assistance d'une tierce personne 5 heures par jour, et 17 heures de manière passive ;

- le préjudice personnel des parents est important ;

- les coûts d'assistance d'un médecin conseil doivent être pris en compte ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 14 octobre 2008, le mémoire présenté pour le centre hospitalier intercommunal Sud Leman Valserine qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. et Mme A une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il expose que :

- deux des quatre critères de l'asphyxie foetale font défaut, l'infirmité motrice d'origine cérébrale (IMOC) dont souffre l'enfant étant purement dyskinétique ou ataxique, associée à des difficultés d'apprentissage, plus vraisemblablement d'origine génétique ;

- l'ischémie cérébrale post-asphyxique n'est pas documentée par l'imagerie cérébrale qui fait évoquer un déficit en pyruvate déshydrogénase et donc une affection génétique plus ancienne touchant sélectivement les pallidum ;

- l'enfant a une morphologie faciale proche du syndrome d'alcoolisme foetal ;

- le Tribunal a indiqué en quoi il retenait le rapport d'expertise et l'absence de faute de l'hôpital ne nécessitait pas de plus amples explications dès lors que le dommage dont souffrait l'enfant n'était pas consécutif aux conditions de l'accouchement ;

- c'est après avoir consulté un spécialiste radio pédiatre et la littérature la plus récente que l'expert a tiré des conclusions différentes du sapiteur de l'interprétation de l'imagerie IRM ;

- la grille d'analyse retenue par l'expert participe des règles de bonnes pratiques et des données acquises de la science ;

- même mis en place plus tôt, un enregistrement du rythme cardiaque n'aurait pas changé la conduite à tenir ;

- ce rythme n'étant pas anormal, la césarienne n'était pas impérative ;

- la pose de saturomètre n'est pas d'une efficacité démontrée et s'est révélée difficile en l'espèce ;

- en l'absence de souffrance foetale aigüe avérée, l'injection de syntocinon n'était pas contre indiquée ;

- il n'y a eu aucun retard dans la décision de pratiquer une césarienne ni de la réaliser, cet acte n'étant alors pas urgent ;

Vu, enregistré le 18 février 2009, le mémoire en réplique présenté pour M. et Mme A, qui persistent dans leurs précédents moyens et conclusions, soutenant en outre que :

- la position du sapiteur, qui est expert en pédiatrie et neurologie, est déterminante ;

- le monitorage a montré des tracés anormaux ;

- la pose d'un saturomètre présentait un intérêt ;

- la perfusion de syntocinon a aggravé les anomalies du rythme ;

Vu, enregistré le 10 mai 2010, le mémoire complémentaire présenté pour le centre hospitalier intercommunal Sud Leman Valserine qui, par les mêmes moyens, conclut aux mêmes fins que précédemment, faisant en outre valoir que :

- le premier collège d'experts, qui n'avait pas d'images IRM à sa disposition, a conclu à l'absence de faute comme le second expert ;

- la démarche scientifique préconisée par le second expert, le professeur Racinet, est aujourd'hui corroborée par le Collège national des gynécologues et obstétriciens français ;

- les explications du sapiteur sont insuffisantes ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mai 2010 :

- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;

- les observations de Me Boizard, avocat de l'Hôpital intercommunal Sud Leman Valserine ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;

Considérant, qu'admise le 29 septembre 1998 au centre hospitalier de Saint-Julien en Genevois pour accoucher, Mme A, alors âgée de 40 ans, a donné naissance le lendemain, par voie de césarienne, à son septième enfant, un garçon dénommé Laurent qui a présenté une détresse néonatale avec acidose lactique, suivie d'une encéphalopathie néonatale modérée ; que dans les suites de sa naissance s'est révélée une infirmité motrice d'origine cérébrale (IMOC) avec absence de langage cohérent et d'autonomie et difficultés à s'alimenter ; que M. et Mme A ont recherché la responsabilité de l'Hôpital intercommunal Sud Leman Valserine dont relève le centre hospitalier de Saint-Julien en Genevois, devant le Tribunal administratif de Grenoble ; qu'à la suite d'un premier rapport d'expertise en référé déposé au Tribunal le 23 octobre 2003, une nouvelle mission d'expertise a été confiée, par jugement avant dire droit, au Dr Racinet assisté du Dr Mselati comme sapiteur, dont le rapport a été déposé le 29 mai 2007 ; que, par un jugement du 25 janvier 2008, le Tribunal a rejeté la demande de M. et Mme A ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, d'une part, que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le jugement attaqué, qui repose notamment sur les conclusions du second rapport d'expertise, jugé scientifiquement étayé par le Tribunal, est suffisamment motivé ;

Considérant, d'autre part, qu'en retenant que l'état de l'enfant ne justifiait pas une césarienne plus rapide, le Tribunal a nécessairement entendu répondre au moyen tiré du délai trop important entre la décision de procéder à la césarienne et l'acte lui-même ; qu'ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le Tribunal aurait omis de statuer sur ce moyen ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du second rapport d'expertise que l'IMOC dont souffre le jeune Laurent a pour origine des troubles d'ordre métabolique tenant à un déficit en pyruvate déshydrogénase dont l'impact a débuté précocement durant la grossesse ; que tant le tableau clinique présenté par l'enfant, qui associe un retard de croissance anténatal, une hypotonie, des convulsions, une ataxie chronique et une dysmorphie faciale que l'imagerie cérébrale livrée par un examen IRM pratiqué le 14 décembre 2006 ou les signes biologiques mis en évidence, notamment une hyperlactatémie dans le sang et dans le liquide céphalo-rachidien, caractérisent une telle affection; que les conclusions du sapiteur, sur lesquelles se fondent les requérants pour soutenir que le handicap de leur fils a pour cause une asphyxie foetale provoquée par la privation d'oxygène à la suite d'un ralentissement circulatoire extrême survenu en per natal dans la demi-heure précédant la naissance, ne permettent pas de remettre en cause les conclusions de l'expert ; qu'en particulier, ce dernier, qui demeurait libre des conclusions qu'il entendait tirer des analyses auxquelles lui et son sapiteur avaient pu se livrer, a explicité précisément la méthodologie suivie et la documentation sur laquelle il a fondé son analyse et objecté de manière argumentée et circonstanciée aux conclusions du sapiteur ; qu'il résulte en particulier de l'instruction que l'utilisation par l'expert d'une grille de critères internationaux destinée à établir, dans la genèse d'une IMOC, la responsabilité d'une asphyxie foetale pendant l'accouchement correspond aux bonnes pratiques médicales et aux données les plus récentes de la science et qu'aucun des arguments avancés par les requérants, qui se bornent à invoquer l'absence de caractère obligatoire de cette grille et les qualifications du sapiteur, spécialisé à la fois en pédiatrie et en neurologie, ne suffisent à en invalider l'utilisation ; que si les requérants se plaignent, en outre, d'une surveillance insuffisante du rythme cardiaque foetal, de l'absence de pose d'un saturomètre, de la perfusion de syntocinon dont Mme A a fait l'objet, de la décision tardive de réaliser une césarienne et du retard à la réaliser, de telles circonstances sont sans lien direct avéré avec l'IMOC dont le jeune Laurent est atteint ; que la responsabilité de l'Hôpital intercommunal Sud Leman Valserine n'est, dès lors, pas engagée à leur égard ; qu'il s'en suit, et sans qu'il soit nécessaire de procéder à une nouvelle expertise, que M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal a rejeté leurs conclusions ; que les conclusions qu'ils ont présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent donc qu'être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu de faire droit dans les circonstances de l'espèce aux conclusions présentées sur ce même fondement par l'Hôpital intercommunal Sud Leman Valserine ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'Hôpital intercommunal Sud Leman Valserine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A, à l'Hôpital intercommunal Sud Leman Valserine, à la caisse primaire d'assurance de sécurité sociale de la MGPTT. Copie en sera adressée aux experts.

Délibéré après l'audience du 20 mai 2010 à laquelle siégeaient :

Mme Verley-Cheynel, président de la formation de jugement,

MM. Picard et Stillmunkes, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 10 juin 2010.

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N° 08LY00662


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY00662
Date de la décision : 10/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : SCP CALLON et BRIAND

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-06-10;08ly00662 ?
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