Vu la requête, enregistrée le 6 juin 2008, présentée pour M. Jean-Pierre A, Mme Michèle B, Mme Anne-Marie C, Mme Chantal D, Mme Josiane E, M. Jean-Jacques F, M. Serge G, M. Marcelin H et M. Michel I, domiciliés au siège du Conseil de prud'hommes de Thonon-les-Bains, 10 rue de l'Hôtel-Dieu à Thonon-les-Bains (74200) ;
Les requérants demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0404270 du 11 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation, d'une part, des décisions en date des 13, 16 et 17 février 2004, par lesquelles le premier président de la Cour d'appel de Chambéry et le procureur général près ladite Cour ont refusé de mettre en paiement une partie des vacations et remboursements de salaires pour l'exercice de leurs fonctions prud'homales du mois de janvier 2004 et, d'autre part, les décisions implicites de rejet de leurs demandes de paiement d'heures de présence adressées aux mêmes autorités et reçues le 5 avril 2004 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent :
- que les décisions en date des 13, 16 et 17 février 2004 leur font grief et sont donc susceptibles de recours pour excès de pouvoir ;
- que les auteurs de ces décisions étaient incompétents pour les prendre ; que lesdites décisions sont insuffisamment motivées ; que les chefs de cour n'ont adressé aucune directive au président du conseil de prud'hommes ; que seul ce dernier est compétent pour dresser la liste des heures effectuées par les conseillers prudhomaux et contrôler l'exactitude de celle-ci, en vertu du principe constitutionnel d'indépendance des fonctions juridictionnelles ; que les chefs de cour ne pouvaient fixer des crédits d'heures théoriques normalisés en fonction de chaque tâche juridictionnelle ; que les conseillers du collège salarié sont discriminés par rapport à ceux du collège employeur ; que la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 n'est pas applicable aux conseillers prud'hommes ;
- qu'il ressort des pièces produites que les décisions litigieuses sont fondées sur les états horaires transmis par le greffier et non visés par le président du conseil de prud'hommes et sur les modifications effectuées par le greffier ; que les décisions en cause constituent des sanctions ;
- que le temps de trajet doit être indemnisé en vertu des dispositions du code du travail ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2009, présenté par le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient :
- que les courriers des 13, 16 et 17 février 2004 ne constituent pas des décisions faisant grief mais de simples demandes de précisions ;
- qu'en vertu de l'article R. 512-13 du code du travail, le premier président de la cour d'appel et le procureur général sont compétents pour s'assurer de la bonne administration des services judiciaires et de l'expédition normale des affaires ; qu'ainsi, ils étaient compétents pour contrôler le montant excessif des vacations et remboursements de salaires pour l'exercice des fonctions prudhomales ;
- que les décisions implicites de rejet ont bien été prises par le préfet, autorité compétente pour ce faire ; que la loi du 12 avril 2000 est applicable aux conseillers prudhomaux ; que les décisions litigieuses ne constituent pas des sanctions ;
- que la demande des requérants ne portant que sur le paiement des heures de présence, le moyen tiré de ce que le temps de trajet devrait également être indemnisé est inopérant ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
Vu le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements ;
Vu le décret n° 2004-435 du 24 mai 2004, relatif aux compétences en qualité d'ordonnateurs secondaires des premiers présidents et procureurs généraux de cour d'appel ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juin 2010 :
- le rapport de Mme Vinet, conseiller,
- et les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la demande présentée devant le tribunal administratif :
Considérant que M. A, Mme B, Mme C, Mme D, Mme E, M. F, M. G, M. H et M. I exerçaient les fonctions de président et conseillers du collège salarié au sein du Conseil de prud'hommes de Thonon-les-Bains ; que, par un courrier en date du 17 février 2004, le premier président de la Cour d'appel de Chambéry et le procureur général près ladite Cour ont transmis à M. A des lettres des 13 et 16 février 2004, adressées à chacun des conseillers précités ainsi qu'à M. A lui-même, leur faisant savoir qu'une partie seulement des vacations et des remboursements faisant l'objet des relevés d'heures de présence établis au titre du mois de janvier 2004, pouvaient être mis en paiement, le surplus nécessitant des informations et explications complémentaires ; que, par lettres du 2 avril 2004, reçues le 5 avril 2004, chacun des requérants a demandé au premier président de la Cour d'appel de Chambéry et au procureur général près ladite Cour de mettre en paiement le surplus des heures de présence ayant fait l'objet des demandes d'informations et d'explications complémentaires ; qu'en l'absence de réponse, des décisions implicites de rejet de ces demandes sont nées le 5 juin 2004 ; que les requérants relèvent appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation des courriers des 13, 16 et 17 février 2004, ainsi que des décisions implicites de rejet nées le 5 juin 2004 ;
Sur les conclusions relatives aux courriers en date des 13, 16 et 17 février 2004 :
Considérant que les lettres, en date des 13 et 16 février 2004, adressées le 17 février 2004 aux requérants, se bornent à leur indiquer qu'un certain nombre d'heures de vacations et de remboursements ne pourraient être mis en paiement avant qu'ils apportent des précisions supplémentaires ; que ces lettres constituent ainsi une simple demande de renseignements ; qu'il suit de là que ni les lettres adressées à chacun des conseillers et au président du conseil de prud'hommes, ni le courrier de notification de ces lettres, ne constituent des décisions faisant grief ; que, dès lors, comme l'ont relevé les premiers juges, les conclusions tendant à l'annulation de ces lettres sont irrecevables ;
Sur les conclusions relatives aux décisions implicites de rejets nées le 5 juin 2004 :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article D. 51-10-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : Il est alloué aux conseillers prud'hommes salariés qui exercent les fonctions énumérées à l'article L. 514-1 en dehors des heures de travail ou qui ont cessé leur activité professionnelle ou qui sont involontairement privés d'emploi des vacations dont le taux horaire est fixé à 6,05 euros (...) ; qu'aux termes de l'article D. 51-10-3 du même code, dans sa rédaction alors applicable : Les indemnités prévues aux articles D. 51-10-1 et D. 51-10-2 sont versées mensuellement après établissement par le greffier en chef d'un état horaire visé par le président du conseil de prud'hommes ou, à défaut, par le vice-président (...) ; qu'aux termes de l'article D. 51-10-4, dans sa rédaction alors applicable : Les employeurs sont tenus de maintenir aux conseillers prud'hommes salariés qui s'absentent de l'entreprise pour l'exercice de leurs fonctions prud'homales pendant les heures de travail l'intégralité de leur rémunération et des avantages y afférents. Les employeurs sont remboursés mensuellement par l'Etat des salaires maintenus ainsi que de l'ensemble des avantages et des charges sociales leur incombant y afférents. (...) Ce remboursement est effectué au vu d'une copie du bulletin de salaire et d'un état établi par l'employeur, contresigné par le salarié et mentionnant l'ensemble des absences de l'entreprise ayant donné lieu à maintien de la rémunération ainsi que des autres éléments nécessaires au calcul du montant des remboursements. Cet état, accompagné de la copie du bulletin de salaire, est adressé au greffier en chef de la juridiction concernée et visé par le président du conseil de prud'hommes (...) ; qu'aux termes de l'article R. 512-3, dans sa rédaction alors applicable : Le premier président de la cour d'appel et le procureur général procèdent à l'inspection des conseils de prud'hommes de leur ressort./ Ils s'assurent, chacun en ce qui le concerne, de la bonne administration des services judiciaires et de l'expédition normale des affaires ; ils peuvent respectivement déléguer ces pouvoirs pour des actes déterminés à des magistrats du siège ou du parquet placés sous leur autorité./ Ils rendent compte chaque année au garde des sceaux, ministre de la justice, des constatations qu'ils ont faites ;
Considérant que si, en vertu de ces dispositions, il appartient au président du conseil de prud'hommes de viser l'état horaire, établi par le greffier en chef, retraçant les heures de présence des conseillers prud'hommes, l'administration, contrairement à ce que soutiennent les requérants, est en droit de vérifier, au moment de la mise en paiement de ces heures, la réalité du service fait ; qu'aucun principe, notamment pas celui de l'indépendance de l'exercice des fonctions juridictionnelles, ne s'oppose à une telle vérification ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le premier président de la Cour d'appel de Chambéry et le procureur général près cette Cour, auxquels les dispositions précitées du code du travail confèrent des pouvoirs d'inspection, ne pouvaient leur demander des précisions afin de vérifier la réalité du service fait, doit être écarté ;
Considérant, en second lieu, qu'à l'appui de leurs conclusions, les requérants soulèvent les mêmes moyens que ceux présentés devant le tribunal administratif et tiré de l'insuffisance de motivation des décisions litigieuses, du non respect de la procédure disciplinaire, de l'incompétence du greffier pour annoter les relevés de présence des conseillers prud'hommes et de leur droit à être indemnisés au titre du temps de trajet ; qu'il ressort des pièces du dossier que ces moyens doivent être écartés par les mêmes motifs que ceux retenus par le tribunal administratif et qu'il y a lieu pour la Cour d'adopter ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions susanalysées ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A, de Mme B, de Mme C, de Mme D, de Mme E, de M. F, de M. G, de M. H et de M. I est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Pierre A, à Mme Michèle B, à Mme Anne-Marie C, à Mme Chantal D, à Mme Josiane E, à M. Jean-Jacques F, à M. Serge G, à M. Marcelin H, à M. Michel I et au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Délibéré après l'audience du 3 juin 2010 à laquelle siégeaient :
M. du Besset, président de chambre,
M. Arbarétaz, premier conseiller,
Mme Vinet, conseiller.
Lu en audience publique, le 24 juin 2010.
''
''
''
''
1
2
N° 08LY01307