Vu la requête, enregistrée le 21 juillet 2008, présentée pour la société BEILLARD TUBES CARTON, dont le siège est Zone industrielle La Chazotte, BP 317 à La Talaudière Cedex (42353) ;
Elle demande à la Cour :
1°) l'annulation du jugement n° 0602078 du 29 avril 2008 du Tribunal administratif de Lyon qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 21 septembre 2005 par laquelle l'inspecteur du travail de la Loire a refusé d'autoriser le licenciement de M. Jean-François A, ainsi que la décision confirmative en date du 30 janvier 2006 du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement ;
2°) de faire droit à sa demande en annulant les décisions en litige ;
Elle soutient que :
- la faute reprochée à M. A, qui était en situation d'imprégnation alcoolique sur son lieu de travail, était suffisamment grave pour justifier son licenciement ;
- la consommation d'alcool était interdite ;
- le fait que M. A a été affecté au poste occupé ne saurait exonérer ce dernier de sa responsabilité ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 20 octobre 2009 accordant l'aide juridictionnelle totale à M. A ;
Vu, enregistré le 3 décembre 2009, le mémoire présenté pour M. A, domicilié ..., qui conclut au rejet de la requête et à ce que le remboursement de l'aide juridictionnelle à l'Etat soit mis à la charge de la société BEILLARD TUBES CARTON sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il expose que :
- la requête, qui n'est pas suffisamment motivée, est irrecevable ;
- son état avait pour origine son traitement antidépresseur et les erreurs d'inventaire ou de déchargement sont sans lien avec les faits incriminés ;
- il n'a aucun antécédent fautif ;
- il n'était pas en état d'ébriété, la consommation de trois verres d'alcool étant sans effet sur son état ;
- l'accident dans lequel il s'est trouvé impliqué n'était pas de son fait ;
- la société voulait se débarrasser de lui ;
Vu, enregistré le 8 février 2010, le mémoire complémentaire présenté pour la société BEILLARD TUBES CARTON, qui persiste dans ses précédents moyens et conclusions, soutenant en outre que :
- sa requête est suffisamment motivée et donc recevable ;
- l'intéressé est employé comme cariste depuis 1996 ;
- il avait déjà été averti en 1992 et la consommation d'alcool est interdite dans l'entreprise depuis 2003 ;
- il a eu un comportement violent lors de l'incident ;
- il lui appartenait de tenir compte de son traitement antidépresseur ;
- la société est particulièrement vigilante pour les problèmes d'alcool ;
- le comportement de l'intéressé discrédite son action au sein du comité d'hygiène et de sécurité ;
Vu l'ordonnance en date du 6 mai 2010 fixant au 21 mai 2010 la date de clôture de l'instruction ;
Vu, enregistré le 18 mai 2010, le mémoire complémentaire présenté pour M. A, qui persiste dans ses précédents moyens et conclusions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 juin 2010 :
- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;
- les observations de Me Neyret, avocat de la société BEILLARD TUBES CARTON ;
- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;
La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;
Considérant que la société BEILLARD TUBES CARTON a, par un courrier du 9 septembre 2005, demandé à l'inspecteur du travail de Saint-Etienne l'autorisation de licencier M. A, recruté en 1989 et membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; que cette demande était justifiée par le motif qu'il avait été surpris le 1er septembre 2005 en état d'ébriété sur son lieu de travail ; que jugeant la faute commise par M. A insuffisamment grave, l'administration a, par une décision du 21 septembre 2005, refusé d'autoriser le licenciement ; que saisi par la société d'un recours hiérarchique, le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale a, par une décision du 30 janvier 2006, confirmé cette décision ; que la société BEILLARD TUBES CARTON a contesté ces décisions devant le Tribunal administratif de Lyon qui, par un jugement du 29 avril 2008, a rejeté sa demande ;
Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'il ressort des pièces du dossier que le 1er septembre 2005 pendant sa pause déjeuner M. A, qui était sous traitement anxiolytique, avait absorbé trois verres d'alcool avant de reprendre son service comme cariste ; que si les faits reprochés à M. A sont constitutifs d'une faute, d'autant qu'il ne pouvait pas ignorer les effets aggravants liés à la prise d'antidépresseurs, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, dont le comportement violent n'est pas démontré, était employé depuis plus de quinze années dans l'entreprise et qu'il n'avait pas d'antécédents d'ébriété avérés, ayant seulement été rappelé à l'ordre en 1990 et 1992 pour des faits de nature différente, alors que, si la société requérante avait déjà procédé au licenciement d'autres salariés pour des faits d'alcoolémie, elle ne s'y était résolue qu'au terme d'un processus comportant avertissements et tentatives de désintoxication faisant suite à de nombreux retards ou absences non justifiés au travail ; que, dès lors, si la société BEILLARD TUBES CARTON a engagé des efforts dans la lutte contre l'alcool et soutient que les faits retenus à l'encontre de M. A auraient jeté le discrédit sur l'entreprise et son comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils auraient constitué une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non recevoir opposée par M. A, la société BEILLARD TUBES CARTON n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal a rejeté sa demande ;
Considérant que les conclusions présentées par M. A sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, qui tendent seulement au remboursement à l'Etat par la société BEILLARD TUBES CARTON de l'aide juridictionnelle, ne peuvent qu'être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société BEILLARD TUBES CARTON est rejetée.
Article 2 : Le surplus des conclusions présentées par M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société BEILLARD TUBES CARTON et à M. Jean-François A et au ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
Délibéré après l'audience du 18 juin 2010 à laquelle siégeaient :
Mme Serre, présidente de chambre,
Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,
M. Picard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 juin 2010.
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N° 08LY01681