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29/06/2010 | FRANCE | N°09LY00994

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 29 juin 2010, 09LY00994


Vu la requête, enregistrée le 7 mai 2009, présentée pour Mme Valérie A, domiciliée ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0703336 du 24 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 janvier 2007, confirmée sur recours gracieux, par laquelle le directeur général de la santé a rejeté sa demande tendant à la réparation des conséquences dommageables de sa vaccination obligatoire contre le virus de l'hépatite B, à ce qu'une mesure d'expertise soit ordonnée aux fins

d'évaluer ses préjudices et à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une indemni...

Vu la requête, enregistrée le 7 mai 2009, présentée pour Mme Valérie A, domiciliée ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0703336 du 24 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 janvier 2007, confirmée sur recours gracieux, par laquelle le directeur général de la santé a rejeté sa demande tendant à la réparation des conséquences dommageables de sa vaccination obligatoire contre le virus de l'hépatite B, à ce qu'une mesure d'expertise soit ordonnée aux fins d'évaluer ses préjudices et à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une indemnité provisionnelle de 60 000 euros ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée du directeur général de la santé, de déclarer l'Etat entièrement responsable des dommages résultant de sa vaccination contre le virus de l'hépatite B, d'ordonner une expertise afin d'évaluer ses préjudices, de condamner l'Etat à lui verser une provision de 60 000 euros, de mettre à la charge de ce dernier une somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les dépens ;

Elle soutient qu'elle est atteinte d'une sclérose en plaques dont la première manifestation est apparue sous la forme d'une névrite optique, en décembre 1994, après la troisième injection du vaccin contre le virus de l'hépatite B, en septembre 1994 ; que la décision du directeur général de la santé rejetant sa demande indemnitaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'elle n'a pas été en mesure de faire valoir ses observations devant la commission d'indemnisation des victimes de vaccinations obligatoires, en méconnaissance du principe du contradictoire et de l'article R. 3111-28 du code de la santé publique, et de solliciter une contre-expertise ; que cette décision se fonde sur l'avis de la commission susmentionnée lequel repose sur une expertise critiquable ; que, en effet, l'expert désigné dans le cadre de la procédure d'indemnisation amiable n'était pas compétent en matière de vaccination ; qu'il a procédé par affirmations péremptoires ; que son rapport comporte une contradiction dès lors qu'il écarte l'existence d'un lien de causalité entre la vaccination et la sclérose en plaques tout en admettant que la vaccination présentait le risque, dont elle n'a pas été informée, de stimuler le développement de la maladie eu égard aux antécédents de névrite optique qu'elle présentait ; que l'expertise qu'elle produit à titre privé exclut l'hypothèse d'une sclérose en plaques qui se serait manifestée antérieurement à la vaccination sous forme d'une névrite optique et conclut à l'imputabilité de la sclérose à la vaccination ; qu'elle n'avait pas conservé de séquelles de la névrite l'ayant affectée en 1992, soit antérieurement aux injections du vaccin en 1994 et 1995 ; qu'elle a présenté en décembre 1994, soit dans les 3 mois suivant les injections pratiquées courant 1994, un nouvel épisode de névrite optique ; qu'en admettant que la névrite de 1992 soit une manifestation de la sclérose en plaques, ce qui est discutable, la vaccination, contre-indiquée eu égard à ses antécédents, doit être regardée comme ayant favorisé le développement de la maladie qui serait vraisemblablement restée latente en l'absence d'injections ; que dans ces conditions le préjudice résultant de l'aggravation de son état doit être réparé ; qu'à tout le moins la perte de chance d'éviter cette aggravation doit être intégralement indemnisée ; que la cour ne dispose pas des éléments lui permettant d'évaluer ses préjudices et doit par conséquent ordonner une expertise à cette fin ; que, compte tenu des dommages résultant de la vaccination dont s'agit, elle est bien fondée à obtenir le paiement de l'indemnité provisionnelle sollicitée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 30 novembre 2009, le mémoire présenté par le ministre de la santé et des sports qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que le lien de causalité entre la vaccination contre le virus de l'hépatite B et la pathologie qui affecte la requérante ne peut être regardé comme établi compte tenu des antécédents de cette dernière ; que Mme A a effectivement présenté, antérieurement aux injections du vaccin, une névrite optique évocatrice d'une affection démyélinisante ; que s'agissant du défaut d'information relatif au risque que comportait la vaccination, compte tenu des antécédents, et notamment de développer une sclérose en plaques, la responsabilité de l'Etat ne saurait se substituer à celle du médecin qui a pratiqué les injections ; que la position de l'expert, qui exclut le lien de causalité entre la vaccination et l'affection de Mme A, est conforme aux données actuelles de la science ; que l'organisation d'une nouvelle expertise ne présente donc pas de caractère utile ; que, subsidiairement, l'indemnité provisionnelle sollicitée est excessive ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

Vu la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience :

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 juin 2010 ;

- le rapport de Mme Serre, présidente ;

- les observations de Me Heurton, avocat de Mme Valérie A ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;

Considérant que Mme A, imputant la sclérose en plaques dont elle est atteinte à la vaccination contre l'hépatite B qu'elle a reçue en tant qu'agent du centre médico-universitaire de Saint-Hilaire du Touvet, a recherché la responsabilité sans faute de l'Etat au titre des dommages causés par les vaccinations obligatoires ; que le ministre chargé de la santé, après avoir recueilli l'avis de la commission d'indemnisation des victimes de vaccinations obligatoires, a refusé, par une décision du 22 janvier 2007 confirmée sur recours gracieux, de lui accorder une indemnité à ce titre ; que Mme A fait appel du jugement du 24 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision susmentionnée, à ce qu'une expertise soit ordonnée et à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une indemnité de 60 000 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du ministre de la santé :

Considérant qu'en formulant les conclusions sus-analysées, Mme A a donné à l'ensemble de sa demande le caractère d'un recours de plein contentieux ; qu'au regard de l'objet d'une telle demande, qui conduit le juge à se prononcer sur le droit de l'intéressée à percevoir l'indemnité qu'elle réclame, les vices propres dont serait entachée la décision rejetant la réclamation de Mme A, qui a eu pour seul effet de lier le contentieux, sont sans incidence sur la solution du litige ; que, par suite, les moyens dirigés contre cette décision sont inopérants ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 3111-4 du code de la santé publique : Une personne qui, dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention ou de soins, exerce une activité professionnelle l'exposant à des risques de contamination doit être immunisée contre l'hépatite B, la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite. ; qu'aux termes de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au présent litige : Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation d'un dommage imputable directement à une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions mentionnées au présent chapitre est supportée par l'Etat.(...) ;

Considérant que la responsabilité sans faute de l'Etat à raison des dommages causés par une vaccination obligatoire est subordonnée à la condition que soit établi un lien de causalité direct entre cette vaccination et le dommage dont la réparation est demandée ; que, alors même qu'un rapport d'expertise n'établirait pas de lien de causalité, la responsabilité de l'Etat peut être engagée en raison des conséquences dommageables d'injections vaccinales contre l'hépatite B réalisées dans le cadre d'une activité professionnelle eu égard, d'une part, au bref délai ayant séparé l'injection de l'apparition du premier symptôme cliniquement constaté d'une pathologie ultérieurement diagnostiquée et, d'autre part, à la bonne santé de la personne concernée et à l'absence, chez elle, de tous antécédents à cette pathologie antérieurement à sa vaccination ;

Considérant, en premier lieu, que la circonstance que l'expert, nommé dans le cadre de la procédure d'indemnisation amiable avec l'accord de la requérante, soit spécialisé dans les maladies du système nerveux et non dans la pharmacovigilance et la pharmaco-épidémiologie n'est pas en elle-même de nature à le considérer comme ne disposant pas de la compétence nécessaire pour accomplir la mission qui lui a été confiée ; qu'il ne résulte pas du contenu même du rapport, qui contient une discussion argumentée, que l'expert aurait procédé par affirmations péremptoires où que des contradictions auraient entachées la validité de ses conclusions ;

Considérant, en second lieu, que Mme A fait valoir qu'après s'être soumise à une vaccination obligatoire contre le virus de l'hépatite B, consistant en trois injections effectuées les 1er et 29 juin 1994, le 21 septembre 1994 et un rappel réalisé le 20 septembre 1995, elle a été victime d'une névrite optique rétro-bulbaire en janvier 1995 et d'un déficit du membre inférieur gauche à l'été 2001 avant que soit diagnostiquée, en novembre 2002, la sclérose en plaques qui l'affecte ; que, toutefois, il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise que Mme ILHER a été victime en juin 1992, soit avant la première injection du vaccin incriminé, d'une névrite optique rétro-bulbaire qui peut être regardée comme la première manifestation médicalement attestée de la sclérose en plaques ultérieurement diagnostiquée ; que, d'ailleurs, dès le 10 février 1993 le service d'ophtalmologie du CHU de Grenoble a estimé que le tableau de névrite optique rétrobulbaire gauche récidivante présenté par Mme A entrait dans le cadre d'une probable maladie démyélinisante ; que l'expert a nettement indiqué que la vaccination de l'intéressée contre le virus de l'hépatite B ne pouvait être à l'origine de la sclérose en plaques et que l'hypothèse d'une poussée ou d'une aggravation de la maladie consécutive à l'injection du vaccin n'était pas établie dans l'état actuel des données de la science ; que si Mme A produit le rapport d'une expertise, réalisée à sa demande, qui retient, prioritairement, que la vaccination est à l'origine de la sclérose en plaques et que l'épisode de névrite optique de juin 1992 se rattache à une autre pathologie neurologique et, secondairement, qu'en admettant que l'intéressée était déjà affectée par une sclérose en plaques la vaccination a marqué une rupture dans l'évolution de la pathologie dans le sens d'une nette aggravation, cette circonstance ne suffit pas à remettre en cause les conclusions de l'expert nommé dans le cadre de la procédure amiable dès lors notamment que ce dernier n'a pas ignoré les faits mis en avant par l'expert sollicité par Mme A et les a analysés ; que par suite, sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'instruction complémentaire, compte tenu des manifestations pathologiques présentées par Mme A avant toute injection du vaccin contre le virus de l'hépatite B, le lien de causalité direct entre la vaccination litigieuse et l'affection dont s'agit ne peut être regardé comme établi ;

Considérant, enfin, en tout état de cause, qu'en l'absence de lien de causalité démontré entre les vaccinations reçues par Mme A et les préjudices dont elle demande la réparation, la circonstance qu'elle aurait été victime d'un défaut d'information sur les risques de la vaccination demeure sans incidence sur le bien-fondé de sa demande ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que sa requête doit être rejetée ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Valérie A, au ministre de la santé et des sports et à la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble.

Délibéré après l'audience du 18 juin 2010 à laquelle siégeaient :

Mme Serre, présidente de chambre,

Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,

M. Picard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 juin 2010.

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N° 09LY00994


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY00994
Date de la décision : 29/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme SERRE
Rapporteur ?: Mme Claire SERRE
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : SELARL CABINET MOR

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-06-29;09ly00994 ?
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