Vu la requête, enregistrée le 10 avril 2008, présentée pour la société ALLOIN TRANSPORTS dont le siège est situé 201 rue Léon Jouhaux à Villefranche-sur-Saône (69659) ;
La société ALLOIN TRANSPORTS demande à la Cour :
1°) l'annulation du jugement n° 0508607 du 29 janvier 2008 du Tribunal administratif de Lyon qui a annulé la décision en date du 14 juin 2005 de l'inspecteur du travail des transports autorisant le licenciement de M. Eric A ;
2°) de rejeter la demande de M. A devant le Tribunal ;
3°) de mettre à la charge de M. A le paiement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- les membres titulaires du comité d'entreprise étaient au nombre de 9, le nombre de votants devant être également au nombre de 9 ;
- six membres titulaires étaient présents ;
- en l'absence de trois membres titulaires du comité d'entreprise, trois membres suppléants ont siégé ;
- les membres suppléants deviennent titulaires et disposent de toutes les prérogatives attachées à cette qualité pour voter ;
- les faits reprochés à M. A étaient suffisamment graves pour justifier son licenciement ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 27 novembre 2008 accordant l'aide juridictionnelle totale à M. A ;
Vu, enregistré le 11 décembre 2008, le mémoire présenté pour M. Eric A, domicilié ..., qui conclut au rejet de la requête ;
Il expose que :
- les noms des présents sont portés sur le procès verbal de la réunion sans indication de leur qualité même pour les absents ;
- il y a 9 votants alors que 6 membres titulaires sont présents ;
- aucune indication sur le remplacement des membres titulaires absents n'est portée sur le procès verbal ;
- il ne peut y avoir abstention ;
- il apparaît un nombre de 9 votants alors qu'il n'y a que 6 membres du comité titulaires présents et le maximum de votants pour un tel scrutin ne peut dépasser le nombre de titulaires inscrits et convoqués, soit 8 ;
- le procès verbal a été établi et adopté dans des conditions irrégulières ;
- les attestations adverses des membres suppléants ayant remplacé les membres titulaires absents ne sauraient régulariser la procédure ;
- les faits du 3 mars évoqués dans la demande de licenciement, dont il n'a pas été question lors de l'entretien préalable ni lors de la réunion du comité d'entreprise, sont prescrits ;
- les membres présents lors de la réunion du 19 mai n'ont pas tous confirmé leur témoignage ;
- la situation de conflit lors de cette réunion est une situation habituelle et récurrente, M. A ayant par ailleurs été poussé à bout ;
- tous les participants lors de cette réunion n'ont pas quitté la salle ;
- il a déposé plainte pour harcèlement moral à l'encontre de Mme Laffont-Ponson ;
- il était dans le cadre de ses fonctions représentatives ;
- le licenciement est en lien avec ses mandats ;
Vu l'ordonnance en date du 11 mai 2010 par laquelle le président de la 6ème chambre a fixé la date de clôture de l'instruction au 28 mai 2010 ;
Vu, enregistré le 11 mai 2010, le mémoire présenté pour le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, qui conclut à l'annulation du jugement n° 0508607 du 29 janvier 2008 du Tribunal administratif de Lyon qui a annulé la décision en date du 14 juin 2005 de l'inspecteur du travail des transports autorisant le licenciement de M. Eric A ;
Il expose que :
- le procès verbal fait état de 9 votes qui ont été valablement émis par 6 titulaires et 3 suppléants ;
- la circonstance que ce procès verbal ne fait pas apparaître la qualité de titulaire ou suppléant des membres présents n'est pas à elle seule de nature à vicier la procédure ;
- le terme abstention doit être entendu comme vote blanc ;
- en toute hypothèse cette abstention est sans incidence sur le résultat du vote ;
Vu, enregistré le 26 mai 2010, le mémoire complémentaire présenté pour la société ALLOIN TRANSPORTS, qui persiste dans ses précédents moyens et conclusions, soutenant en outre que :
- six membres titulaires et trois membres suppléants ont participé au vote ;
- Mme B qui, en sa qualité de responsable de l'administration du personnel, avait tous pouvoirs pour présider le comité, n'a pas participé à la rédaction du procès verbal, ayant quitté les lieux ;
- c'est le comportement agressif et violent de l'intéressé qui a justifié son licenciement ;
- le licenciement est sans aucun lien avec le mandat ;
Vu le courrier du 10 juin 2010 par lequel la Cour a informé les parties de ce qu'elle était susceptible de soulever d'office le moyen tiré de ce que les conclusions présentées par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer étaient tardives et donc irrecevables ;
Vu, enregistré le 18 juin 2010, le mémoire présenté par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer qui soutient intervenir à l'appui des conclusions présentées par la société ALLOIN TRANSPORTS ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 septembre 2010 :
- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;
- les observations de Me Mirailles, avocat de la société ALLOIN TRANSPORTS et de Me de Joussineau, avocat de M. A ;
- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;
La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;
Considérant que par une décision du 14 juin 2005, l'inspecteur du travail des transports de la subdivision de Lyon II a autorisé le licenciement pour faute grave de M. A, recruté en 1998 par l'agence de Beaune de la société ALLOIN TRANSPORTS, et délégué syndical ainsi que membre du comité d'entreprise ; que cette décision était fondée sur le motif que M. A avait montré un comportement agressif et violent lors d'une réunion du comité d'entreprise du 19 mai 2005 ; que M. A a contesté cette décision devant le Tribunal administratif de Lyon qui, par un jugement du 29 janvier 2008, a procédé à son annulation ; que le Tribunal a retenu que la décision en litige avait été prise au terme d'une procédure irrégulière ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le comité d'entreprise de la société requérante, constitué de neuf membres, était appelé à se prononcer sur le projet de licenciement de M. A lors d'une réunion extraordinaire prévue le 31 mai 2005 ; que des dix sept membres titulaires et suppléants de ce comité convoqués le 24 mai 2005, onze ont répondu présents, dont six membres titulaires et cinq membres suppléants ; qu'au cours de sa séance du 31 mai 2005, le comité a émis, sur le projet de licencier M. A, un avis favorable adopté à deux voix de majorité et une abstention ; que si le procès-verbal du comité ne comportait ni le nom, ni la qualité des personnes ayant délibéré, il ressort des pièces du dossier et il n'est pas sérieusement contesté que six membres titulaires du comité, dont M. A, et trois membres suppléants, en remplacement des élus titulaires absents le jour de cette réunion, ont pris part au scrutin; que d'ailleurs aucune objection aux conditions dans lesquelles le vote s'est déroulé n'a été consignée dans le procès verbal de la réunion; que c'est dès lors à tort que, pour annuler la décision en litige du 14 juin 2005, les premiers juges ont retenu que, faute pour ce procès verbal de mentionner les noms des titulaires et suppléants ayant participé au vote, la procédure de licenciement serait viciée ;
Considérant qu'il appartient, toutefois, à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. A tant devant le Tribunal administratif de Lyon que devant la Cour ;
Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; que si, à l'issue d'une réunion du comite d'entreprise du 19 mai 2005, M. A, s'est emporté verbalement contre ses collègues en jetant violemment ses dossiers par terre et en tapant du poing sur la table, sans que soient toutefois établies les menaces qu'il aurait proférées à l'encontre de la secrétaire du comité, il ressort des pièces du dossier qu'il travaillait depuis plusieurs années pour la société ALLOIN TRANSPORTS, sans avoir fait l'objet, jusque là, d'une procédure disciplinaire et que les faits qui lui sont reprochés sont survenus en dehors de l'exécution de son contrat de travail, rien au dossier ne permettant d'affirmer que son comportement aurait rendu impossible son maintien au sein de l'entreprise ou se serait répercuté sur son fonctionnement ; que dans ces circonstances, et eu égard aux relations conflictuelles de M. A avec son employeur, tenant en particulier aux difficultés éprouvées pour assurer ses fonctions représentatives, les faits rappelés ci-dessus, pour regrettables qu'ils soient, n'étaient pas suffisamment graves pour justifier son licenciement ; qu'il s'en suit que la société ALLOIN TRANSPORTS et le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal a annulé la décision du 14 juin 2005 par laquelle l'inspecteur du travail des transports de la subdivision de Lyon II a autorisé le licenciement pour faute grave de M. A ;
Considérant que, compte tenu de ce qui précède, les conclusions présentées par la société ALLOIN TRANSPORTS sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société ALLOIN TRANSPORTS et les conclusions du ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société ALLOIN TRANSPORTS, à M. Eric A et au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer.
Délibéré après l'audience du 30 septembre 2010 à laquelle siégeaient :
Mme Steck-Andrez, président,
MM. Picard et Stillmunkes, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 26 octobre 2010.
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N° 08LY00823 5