Vu la requête, enregistrée par télécopie au greffe de la Cour le 24 avril 2008 et régularisée le 28 avril 2008, présentée pour M. Bruno A, domicilié ...;
M. A demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement du Tribunal administratif de Grenoble n° 0501317 du 22 février 2008 en tant qu'il a limité à la somme de 4 716,70 euros, outre intérêts et capitalisation des intérêts, la condamnation du centre hospitalier universitaire de Grenoble destinée à réparer les conséquences dommageables résultant de l'infection nosocomiale qu'il a contractée lors de l'intervention chirurgicale qu'il a subie dans cet établissement le 19 septembre 1999 ;
2°) de porter la condamnation du centre hospitalier universitaire de Grenoble à la somme de 23 300,07 euros, outre intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, et de mettre à la charge de ce dernier une somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que c'est à bon droit que le tribunal administratif a engagé la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Grenoble à raison de l'infection nosocomiale dont il a été victime ; que les premiers juges ont en revanche sous-évalué ses préjudices ; que compte tenu du salaire brut qu'il percevait, qui doit servir de référence, et des indemnités journalières que la caisse primaire d'assurance maladie de Tarbes lui a versées, la perte de revenus née de l'incapacité temporaire totale, qui doit être fixée à 2 mois et demi, et de l'incapacité temporaire partielle, qui doit être fixée à 3 mois, engendrées par l'infection, sera justement réparée par l'allocation d'une somme de 10 029,85 euros ; que l'infection est à l'origine de frais médicaux restés à sa charge pour une somme de 1 310,92 euros ; que l'indemnisation de son préjudice de la douleur doit être fixée à la somme de 6 500 euros ; que les frais de l'expertise ordonnée en référé ont été mis à sa charge ; qu'il est bien fondé à obtenir une somme de 1 000 euros au titre des frais d'assistance et de conseil lors de l'expertise, lesquels ne relèvent pas, contrairement à ce que le Tribunal a estimé, des frais irrépétibles ; que le centre hospitalier doit également être condamné à lui verser une somme de 420,21 euros au titre des frais de déplacement de son médecin conseil ; que ses frais de déplacements et ceux de sa famille, engendrés par l'infection, s'élèvent à la somme de 2 704,80 euros ; que l'indemnisation de ses préjudices doit être assortie des intérêts au taux légal non, comme l'ont retenu les premiers juges, à compter du 10 mars 2005, date d'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif, mais à compter du 18 novembre 2004, date de sa demande préalable au centre hospitalier de Grenoble ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré par télécopie le 4 février 2010 et régularisé le 9 février suivant, le mémoire présenté pour le centre hospitalier universitaire de Grenoble qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la demande de M. A au titre de la perte de revenus n'est pas fondée dès lors que l'incapacité temporaire totale et l'incapacité temporaire partielle, imputables à la seule infection, ont été fixées par l'expert à un mois et demi chacune ; que les pertes de revenus doivent être calculées à partir du salaire net que percevait l'intéressé ; que ce dernier n'est pas fondé à obtenir le remboursement des frais restés à sa charge consécutivement à ses hospitalisations au centre hospitalier universitaire de Grenoble et au centre de rééducation de Bagnères-de-Bigorre dès lors que ces dernières présentent un lien direct avec son accident initial et non pas avec l'infection nosocomiale ; que les premiers juges ont fait une juste évaluation du préjudice de la douleur imputable à l'infection incriminée ; que M. A a été indemnisé de ses frais, qui font partie des frais irrépétibles, pour être assisté à l'expertise par son médecin conseil ; que l'intéressé ne justifie pas des frais de transport dont il demande le remboursement ; qu'au surplus lesdits frais concernent essentiellement les périodes d'hospitalisation au centre hospitalier de Grenoble et au centre de rééducation de Bagnères-de-Bigorres, lesquelles ne sont pas en lien direct avec l'infection incriminée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 octobre 2010 :
- le rapport de Mme Steck-Andrez, président-assesseur ;
- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;
Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a condamné le centre hospitalier universitaire de Grenoble à verser notamment une indemnité de 4 716,70 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 10 mars 2005 et capitalisation des intérêts, à M. A en réparation des conséquences dommageables de l'infection nosocomiale qu'il a contractée dans cet établissement en septembre 1999, ainsi qu'une somme de 1 334,60 euros au titre des frais d'expertise et une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que M. A fait appel de ce jugement et demande la majoration de l'indemnité allouée par les premiers juges ; que le centre hospitalier universitaire de Grenoble, qui ne conteste pas sa responsabilité dans la contamination nosocomiale de la victime, conclut au rejet de la requête ;
Sur l'évaluation du préjudice :
Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2006 portant financement de la sécurité sociale pour 2007 le juge, saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et d'un recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices patrimoniaux et personnels, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime ; qu'il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste du préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ; que le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste du préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale ;
Considérant qu'en l'absence de dispositions réglementaires définissant les postes de préjudice, il y a lieu, pour mettre en oeuvre la méthode sus-décrite, de distinguer, parmi les préjudices de nature patrimoniale, les dépenses de santé, les frais liés au handicap, les pertes de revenus, l'incidence professionnelle et scolaire et les autres dépenses liées à ce dommage ; que parmi les préjudices personnels, sur lesquels l'organisme de sécurité sociale ne peut exercer son recours que s'il établit avoir effectivement et préalablement versé à la victime une prestation réparant de manière incontestable un tel préjudice, il y a lieu de distinguer, pour la victime directe, les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique et les troubles dans les conditions d'existence, envisagés indépendamment de leurs conséquences pécuniaires ;
Considérant que si M. A fait état de dysfonctionnements dans le suivi post-opératoire dont il a fait l'objet au centre hospitalier universitaire de Grenoble, il ne demande réparation d'aucun préjudice autre que ceux nés de l'infection nosocomiale qu'il a contractée ;
En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :
Quant aux frais d'hospitalisation :
Considérant que, s'agissant des frais d'hospitalisation restés à la charge de M. A, il ne résulte pas de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise ordonnée en première instance, que l'hospitalisation au centre hospitalier universitaire de Grenoble ait été prolongée du fait de l'infection nosocomiale qu'il y a contractée ; qu'il ne résulte également pas de l'instruction, contrairement aux allégations du requérant, que les hospitalisations au centre de rééducation fonctionnelle de Bagnères-de-Bigorre aient été rendues nécessaires par l'infection dès lors qu'elles avaient pour objet la rééducation post-traumatique de la victime ; qu'il n'est par ailleurs pas établi que l'infection nosocomiale ait ralenti la rééducation fonctionnelle de l'intéressé ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir, au titre de ce chef de préjudice, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont limité son indemnité à la somme, non contestée, de 198,64 euros correspondant aux frais d'hospitalisation restés à sa charge à la suite de son séjour à la clinique Larrieu de Pau pour une reprise chirurgicale du site opératoire directement liée à l'infection nosocomiale ;
Quant aux pertes de revenus :
Considérant, en premier lieu, que l'expert a indiqué que l'incapacité temporaire totale consécutive à la fracture vertébrale aurait été de 3 à 6 mois en l'absence de complication infectieuse ; que M. A n'a pas été en mesure d'exercer son activité professionnelle du 19 septembre 1999 au 3 avril 2000, soit pendant 6 mois et demi ; qu'il a repris son activité, à mi-temps thérapeutique, du 3 avril 2000 au 3 juillet 2000, soit pendant 3 mois ; que l'expert a estimé que l'infection nosocomiale était à l'origine d'une incapacité temporaire totale d'un mois et demi et d'une incapacité temporaire partielle de 50 % pendant un mois et demi également ; que M. A demande, eu égard à la durée des empêchements professionnels qu'il a connus, la majoration de ces dernières incapacités pour déterminer ses pertes de revenus ; que, toutefois, il n'établit pas que l'expert n'aurait pas tenu compte, dans son appréciation, de la durée réelle de l'interruption de travail et qu'il se serait mépris sur la durée de l'incapacité temporaire totale imputable à l'infection incriminée ; qu'il n'établit pas davantage que l'expert aurait fait une insuffisante évaluation de l'incapacité temporaire partielle imputable à la seule infection nosocomiale ;
Considérant, en deuxième lieu, que le principe de la réparation intégrale du préjudice doit conduire le juge à déterminer, au vu des éléments de justification soumis à son appréciation, le montant de la perte de revenus dont la victime a été effectivement privés du fait du dommage qu'elle a subi ; que ce montant doit en conséquence s'entendre comme correspondant aux revenus nets perdus par elle ; que M. A n'est par suite pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont retenu, pour déterminer sa perte de revenus, le salaire net qu'il percevait avant l'accident ; que contrairement à ce que soutient le requérant ce salaire net s'élevait, ainsi qu'il ressort de la fiche de paie produite au titre du mois d'octobre 1999, à la somme, retenue par les premiers juges, de 2 156,89 euros ;
Considérant, en dernier lieu, que compte tenu des incapacités susmentionnées imputables à l'infection incriminée et du salaire net de la victime avant son accident, le tribunal administratif a fait une juste évaluation des pertes de revenus subies par cette dernière en les fixant à 3 235,34 euros pendant la période d'incapacité temporaire totale et à 1 617,67 euros pendant la période d'incapacité temporaire partielle, soit 4 853,01 euros au total ; que, eu égard à la somme de 3 334,95 euros que M. A a perçue de la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Pyrénées pendant ces périodes au titre des indemnités journalières, c'est à juste titre que le tribunal administratif a jugé que M. A pouvait prétendre à le somme de 1 518,06 euros ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont limité à cette somme l'indemnité réparant sa perte de revenus née de l'infection nosocomiale dont il a été victime ;
Quant aux autres dépenses liées au dommage corporel :
Considérant que M. A demande le paiement des frais de conseil et d'assistance, lors de l'expertise, par un praticien spécialisé ; qu'il justifie, par un reçu de ce dernier, avoir exposé de tels frais à hauteur de 1 000 euros ; que si, comme le requérant le soutient, ces dépenses ne relèvent effectivement pas des frais irrépétibles, il résulte toutefois du jugement entrepris que cette dernière somme lui a bien été allouée par le tribunal administratif au titre de ce chef de préjudice ; que, par ailleurs, M. A ne saurait prétendre à la somme de 420,21 euros qu'il demande au titre des frais de déplacement exposés par ce praticien pour se rendre à la réunion d'expertise, organisée à Toulouse, dès lors que ces frais sont déjà compris dans le reçu susmentionné ;
Considérant que M. A n'est pas fondé à obtenir le remboursement des frais de transports, au demeurant non justifiés, exposés par son épouse et ses parents pour lui rendre visite lors de ses hospitalisations au centre hospitalier universitaire de Grenoble et au centre de rééducation fonctionnelle de Bagnères-de-Bigorre dès lors que ces hospitalisations ne sont pas imputables à l'infection nosocomiale ; qu'il n'est également pas fondé à obtenir le remboursement des frais des déplacements qu'il a effectués pour poursuivre sa rééducation au centre de rééducation fonctionnelle de Bagnères-de-Bigorres, laquelle est sans lien avec la faute du centre hospitalier universitaire de Grenoble ; que le requérant n'établit pas plus en appel qu'en première instance la réalité des frais de déplacements allégués qu'aurait effectués son épouse pour lui rendre visite à la clinique Larrieu de Pau ; qu'en revanche, contrairement à ce que le tribunal administratif a estimé, les frais de transport exposés par M. A pour se rendre à la réunion d'expertise tenue à Toulouse doivent être regardés comme établis et seront justement évalués à la somme, non contestée, de 130,82 euros demandée par l'intéressé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est seulement fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif ne lui a pas alloué une somme de 130,82 euros au titre des frais qu'il a exposés pour assister à la réunion d'expertise ;
En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que les complications infectieuses dont M. A a été victime ont été à l'origine, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, d'une incapacité temporaire totale d'un mois et demi et d'une incapacité temporaire partielle de 50 % pendant un mois et demi également ; que l'infection a engendré des troubles de toute nature dans les conditions d'existence de M. A qui seront justement réparés en lui allouant une somme de 1 000 euros ; que l'expert, qui a fixé au 1er juillet 2000 la date de consolidation de l'état de santé de l'intéressé, a évalué à 3 sur une échelle de 7 les souffrances endurées ; que les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce dernier chef de préjudice en allouant à M. A une somme de 3 000 euros ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la somme de 4 716,70 euros que le centre hospitalier universitaire de Grenoble a été condamné à verser à M. A, au titre des préjudices nés de l'infection nosocomiale qu'il a contractée, doit être portée à la somme de 5 847,52 euros ;
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
Considérant, d'une part, que lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil courent à compter de la réception par la partie débitrice de la réclamation de la somme principale ; que M. A a droit, comme il le demande, aux intérêts légaux afférents aux intérêts échus à compter de la réception de sa demande par le centre hospitalier universitaire de Grenoble, soit le 22 novembre 2004 ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que pour l'application de ces dispositions, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année ; que cette demande ne peut toutefois prendre effet que lorsque les intérêts sont dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que M. A a demandé la capitalisation des intérêts dans sa demande enregistrée devant le Tribunal administratif de Grenoble le 10 mars 2005 ; que cette demande prend effet à compter du 22 novembre 2005, date à laquelle les intérêts étaient dus pour une année entière ;
Sur les dépens :
Considérant que M. A n'est pas fondé à demander, une nouvelle fois, la condamnation du centre hospitalier universitaire de Grenoble à lui rembourser les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 1 334,60 euros, dès lors que cette condamnation a déjà été prononcée par le jugement attaqué ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Grenoble, sur le fondement de ces dispositions, le versement à M. A d'une somme au titre des frais exposés par ce dernier et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La somme de 4 716,70 euros que le centre hospitalier universitaire de Grenoble a été condamné à payer à M. A par le jugement susvisé n° 0501317 du Tribunal administratif de Grenoble du 22 février 2008 est portée à 5 847,52 euros. Le centre hospitalier universitaire de Grenoble est condamné à verser à M. A les intérêts légaux sur cette dernière somme à compter du 22 novembre 2004. Les intérêts échus le 22 novembre 2005 seront capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts à compter de cette date, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 2 : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Grenoble du 22 février 2008 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A et les conclusions du centre hospitalier universitaire de Grenoble sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Bruno A, au centre hospitalier universitaire de Grenoble et à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Pyrénées. Copie en sera adressée au docteur Gérard Chabanon (expert).
Délibéré après l'audience du 14 octobre 2010 à laquelle siégeaient :
Mme Steck-Andrez, président de la formation de jugement,
MM. Picard et Stillmunkes, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 9 novembre 2010.
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N° 08LY00961
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