Vu le recours, enregistré le 28 janvier 2010 au greffe de la Cour, présenté par le PREFET DE L'ISERE ;
Le PREFET de l'ISERE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0905043 du 22 janvier 2010 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a, d'une part, annulé son arrêté du 6 octobre 2009 refusant à Mme Mounira A la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination, et, d'autre part, enjoint de délivrer à l'intéressée une carte de séjour temporaire dans le délai d'un mois ;
2°) de rejeter la demande présentée par MmeA devant le Tribunal administratif de Grenoble ;
Il soutient que son arrêté n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard notamment à la durée du séjour irrégulier de l'intéressée, et au fait qu'elle serait susceptible de solliciter le regroupement familial, qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Tunisie, et que le soutien qu'elle dit apporter à sa fille, notamment pour la garde de ses enfants, n'est pas démontré, dès lors notamment qu'elle envisage une activité salariée ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2010, présenté pour Mme Mounira A ;
Elle demande à la Cour :
1°) de rejeter le recours du PREFET DE L'ISERE ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que la décision de refus de séjour du 6 octobre 2009 est entachée d'incompétence, d'erreur de fait, d'erreur de droit, et a méconnu les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ; que la décision fixant le pays de renvoi est également entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Vu l'ordonnance en date du 20 juillet 2010 fixant la clôture d'instruction au 20 août 2010, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 17 mai 2010, accordant l'aide juridictionnelle partielle à Mme A ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié, relatif au séjour et au travail ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 octobre 2010 :
- le rapport de M. Lévy Ben Cheton, premier conseiller ;
- les observations de Me Hassid, substituant Me Vernay, avocat de Mme Mounira A ;
- et les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;
- la parole ayant à nouveau été donnée à Me Hassid, substituant Me Vernay, avocat de Mme Mounira A ;
Considérant que Mme A, de nationalité tunisienne, est entrée en France en 2005 sous couvert d'un visa de court séjour ; que sa demande de titre de séjour a été rejetée par décision du préfet de l'Isère en date du 6 octobre 2009, assortie d'une obligation de quitter le territoire français et d'une décision fixant le pays à destination ; que le PREFET DE L'ISERE relève appel du jugement du 22 janvier 2010 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé ces trois décisions, et lui a enjoint de délivrer à l'intéressée une carte de séjour temporaire dans le délai d'un mois ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;
Considérant que Mme A, née en 1955, n'est entrée en France qu'en 2005, où elle a séjourné irrégulièrement jusqu'en 2009, date de son remariage avec un compatriote en situation régulière ; que si sa fille aînée réside en France, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de celle-ci, qui souffre d'une sciatique, serait tel que la présence de sa mère à ses côtés lui soit indispensable pour les gestes de la vie courante, et notamment pour la garde de ses enfants ; qu'en outre deux autres de ses enfants vivent en Tunisie, dont l'un auprès des parents de Mme A ; que si elle soutient qu'un retour en Tunisie l'exposerait à des violences de la part de son ex-époux, la réalité de ce risque n'est pas établi ; que, compte tenu de ces éléments, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET de l'ISERE est fondé à soutenir que c'est à tort que pour annuler l'arrêté litigieux du 6 octobre 2009, les premiers juges se sont fondés sur le motif tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel de Lyon, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme BelgasmiBelgasmi tant en première instance qu'en appel ;
Sur la compétence de l'auteur des trois décisions attaquées :
Considérant que M. Lobit, secrétaire général de la préfecture a reçu délégation du préfet de l'Isère par arrêté du 17 juillet 2009 publié au recueil des actes administratifs du mois de juillet 2009 pour signer tous actes, arrêtés, décisions, documents et correspondances administratives diverses ... ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire doit être écarté ;
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
Considérant, en premier lieu, qu'à supposer même exact, en dépit du premier refus de titre en date du 16 juin 2009 et de la nouvelle demande présentée par l'intéressée le 8 juin 2009, qu'une décision implicite de rejet soit née du silence de quatre mois gardé par l'administration sur sa demande introduite par lettre recommandée le 29 mai 2009, cette décision implicite ne saurait s'analyser comme constituant le fondement de l'arrêté du 6 octobre 2009, seul acte dont il est demandé l'annulation ; que dès lors, Mme A ne saurait utilement exciper, à l'appui des présentes conclusions, de l'illégalité d'une telle décision ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet n'a pas entendu opposer l'absence de visa de long séjour à la demande de titre de séjour en application des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit, mais s'est borné à examiner si, après le refus de délivrance d'un titre en application de ces dispositions, Mme A Belgasmiétait susceptible de se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement d'autres dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, et en supposant même que Mme A Belgasmi n'ait sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire qu'en application du 7° de l'article L. 313-11, la circonstance que le préfet lui ait opposé l'absence de visa de long séjour pour lui refuser la délivrance d'une carte de séjour temporaire n'est constitutive, en l'espèce, d'aucune erreur de droit ;
Considérant, en troisième lieu, qu'en faisant mention, dans l'arrêté attaqué, de la durée du séjour irrégulier de l'intéressée en France, soit trois ans et sept mois, le préfet, qui était fondé à prendre en compte cet élément afin d'apprécier si la vie privée et familiale de l'intéressée était, en l'espèce, de nature à justifier la délivrance du titre sollicité, n'a pas entaché cette décision d'erreur de droit ;
Considérant, en quatrième lieu, que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce sus-décrites, le refus de titre opposé à Mme A n'a pas porté, eu égard aux buts que cette décision poursuit, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que, par suite, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont pas été, en tout état de cause, méconnues ; que ladite décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire :
Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort pas des mentions de l'arrêté contesté que le préfet se soit estimé en situation de compétence liée pour prendre une obligation de quitter le territoire français à l'encontre de Mme A ; que, par suite, il n'a pas commis d'erreur de droit sur ce point ;
Considérant, en second lieu, que, compte tenu des éléments susanalysés, relatifs à sa situation personnelle et familiale, ladite décision n'a pas porté, eu égard aux buts qu'elle poursuit, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de leur vie privée et familiale ; que ladite décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d' un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. et que ce dernier texte énonce que Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ; que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;
Considérant que, par la seule production de témoignages de proches, attestant de ce qu'elle serait menacée par son précédent époux, Mme A n'établit pas de façon suffisamment probante encourir des risques actuels et personnels en cas de retour en Tunisie ; que, par suite, en désignant ce pays comme destination des mesures d'éloignement prises à son encontre, le PREFET DE l'ISERE n'a méconnu, ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE l'ISERE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 6 octobre 2009 ; qu'enfin, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une quelconque somme au titre des frais exposés par Mme A et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 22 janvier 2010 sont annulés.
Article 2 : La demande de Mme A présentée devant le Tribunal administratif de Grenoble ainsi que ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DE L'ISERE, à Mme Mounira BELGASMI, et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
Délibéré après l'audience du 19 octobre 2010 à laquelle siégeaient :
M. Chanel, président de chambre,
M. Segado et M. Lévy Ben Cheton, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 9 novembre 2010.
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N° 10LY00156