Vu la requête, enregistrée le 23 novembre 2009, présentée pour M. Jean-Pierre A, domicilié chemin de la Font de Canonge à Uzès (30700) ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0801038 du 22 septembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à ce que le département de l'Allier soit condamné à lui verser une indemnité d'un montant total de 73 779,16 euros, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi en conséquence de la rupture illégale du contrat le liant audit département ;
2°) de condamner le département de l'Allier à lui verser les indemnités suivantes :
- 11 751,36 euros à titre d'indemnité de licenciement ;
- 6 221,28 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
- 622,12 euros à titre de congés payés afférents au préavis ;
- 5 184,40 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ;
- 50 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
3°) de mettre à la charge du département de l'Allier la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la convention le liant au département de l'Allier s'apparentait à une convention de prestations de service et ne constituait pas un contrat de recrutement d'un agent public, alors que ce contrat a été renouvelé de façon continue durant 25 années, de 1980 à 2007, et qu'en vertu des dispositions de la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005, applicable dès lors que la rupture est intervenue après son entrée en vigueur, ce contrat s'était automatiquement transformé en contrat à durée indéterminée ; le département de l'Allier ne pouvait alors rompre ledit contrat qu'en lui notifiant un licenciement par lettre comportant le motif du licenciement et sa date d'effet compte tenu de la période du préavis et des droits au congé annuel restant à courir ; dès lors que ces prescriptions n'ont pas été respectées, la rupture du contrat est dépourvue de cause réelle et sérieuse ;
- il devait être regardé comme un agent du département de l'Allier, dès lors qu'il a été recruté sur un emploi permanent, qu'il n'avait aucune autonomie dans l'exécution de son travail, que l'Urssaf a retenu la qualification de contrat de travail pour la convention en cause ; il incombe au département de l'Allier de produire la décision rendue par la commission de recours amiable de l'Urssaf ;
- il doit bénéficier d'une indemnité de licenciement, ainsi que d'une indemnité compensatrice de préavis, d'une indemnité compensatrice de congés payés et des dommages et intérêts ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 4 mars 2010, présenté pour le département de l'Allier, représenté par le président du conseil général, habilité à cet effet, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- la convention conclue avec M. A le 23 octobre 1983 ne peut être qualifiée de contrat de recrutement d'un agent public, dès lors qu'il ressort tant des dispositions contenues dans la convention que de son mode d'exécution que l'intéressé agissait en tant que prestataire de services, choisi parmi d'autres candidats, rémunéré en fonction du temps effectif d'accomplissement des prestations, à l'exclusion de tout engagement fixe ou forfaitaire de la part de la collectivité, à réception d'une note d'honoraires, la rémunération étant imputée sur le budget en tant que marché externe, et M. A pouvant être remplacé durant ses absences ; il n'avait pas vocation à servir la collectivité au-delà des travaux pour l'accomplissement desquels il avait été sollicité et n'exerçait que des tâches ponctuelles et déterminées, rémunérées au vu de factures émises après remise des documents à la collectivité ;
- la qualification que pourrait retenir l'organisme de recouvrement URSSAF est sans incidence sur la situation de M. A dans ses relations avec le département, alors que de simples prestataires sélectionnés suivant appel d'offres peuvent être assimilés à des salariés au sens du droit de la sécurité sociale, sans pour autant se voir reconnaître le statut d'agent public, en application du principe d'indépendance des législations ;
- M. A ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 15 de la loi du 26 juillet 2005, dès lors qu'à la date de la convention conclue le 23 octobre 1983, la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 n'était pas encore entrée en vigueur, alors que les dispositions de l'article 15 visent les agents recrutés en application des quatrième à sixième alinéas de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 ; les dispositions de l'article 15 ne s'appliquent qu'aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale, ce qui n'est pas le cas du requérant ;
- contrairement à ce que soutient le requérant, le département de l'Allier ne peut être regardé comme ayant procédé à son licenciement en rompant le contrat à durée indéterminée dont il s'estime bénéficiaire, mais il a décidé de mettre fin à la convention, selon les modalités de dénonciation qu'elle prévoyait, sans commettre ainsi d'irrégularité susceptible d'engager sa responsabilité ; M. A ne peut utilement se prévaloir, en l'absence d'un contrat de travail, des règles tirées du code du travail relatives aux indemnités et à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ; aucune faute ne peut être reprochée au département ;
Vu le mémoire, enregistré le 28 avril 2010, présenté pour M. A, qui maintient ses conclusions par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 25 novembre 2010, présenté pour le département de l'Allier, qui maintient ses conclusions pour les mêmes motifs ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
Vu la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 novembre 2010 :
- le rapport de M. Seillet, premier conseiller ;
- les observations de Me Gay, pour le département de l'Allier ;
- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Gay ;
Considérant que M. A a conclu, avec le département de l'Allier, le 28 octobre 1983, une convention, par laquelle il était chargé de la sténographie des débats du conseil général de l'Allier et devait établir des comptes rendus dactylographiés de ces débats ; que, par une lettre du 8 février 2007, M. A a été informé par le département de l'Allier que la convention en date du 28 octobre 1983 serait résiliée, compte tenu du délai de préavis de six mois prévu par ladite convention, à la date du 8 août 2007, le département souhaitant engager, en application du code des marchés publics, une consultation afin de sélectionner un candidat chargé de retranscrire les débats de l'assemblée délibérante ; qu'un avis d'appel public à la concurrence relatif à un marché à procédure adaptée a d'ailleurs été publié par le département le 31 mai 2007 ; que la candidature présentée par M. A, le 12 juin 2007, n'a pas été retenue ; que, par une demande du 31 mars 2008, M. A a réclamé le versement d'une somme globale de 73 779,16 euros en réparation du préjudice qu'il estimait avoir subi du fait de la rupture illégale de son contrat ; que par une décision en date du 29 avril 2008, le département de l'Allier a refusé de faire droit à cette demande ; que M. A fait appel du jugement du 22 septembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à ce que le département de l'Allier soit condamné à lui verser ladite indemnité de 73 779,16 euros ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée : (...) Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 du titre Ier du statut général, des emplois permanents peuvent être occupés par des agents contractuels dans les cas suivants : 1° Lorsqu'il n'existe pas de cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes ; 2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A, lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient. / Toutefois, dans les communes de moins de 1 000 habitants et dans les groupements de communes dont la moyenne arithmétique des nombres d'habitants ne dépasse pas ce seuil, des contrats peuvent être conclus pour pourvoir des emplois permanents à temps non complet pour lesquels la durée de travail n'excède pas la moitié de celle des agents publics à temps complet ou pour pourvoir l'emploi de secrétaire de mairie quelle que soit la durée du temps de travail. Dans les communes de moins de 2 000 habitants et dans les groupements de communes de moins de 10 000 habitants, lorsque la création ou la suppression d'un emploi dépend de la décision d'une autorité qui s'impose à la collectivité en matière de création, de changement de périmètre ou de suppression d'un service public, la collectivité peut pourvoir à cet emploi par un agent non titulaire. / Les agents recrutés conformément aux quatrième, cinquième et sixième alinéas sont engagés par des contrats à durée déterminée, d'une durée maximale de trois ans. Ces contrats sont renouvelables, par reconduction expresse. La durée des contrats successifs ne peut excéder six ans.(...) ; qu'aux termes du II de l'article 15 de la loi du 26 juillet 2005 susvisée, relatives aux agents, recrutés sur un emploi permanent, en fonction à la date de publication de ladite loi : Le contrat est, à la date de publication de la présente loi, transformé en contrat à durée indéterminée, si l'agent satisfait, le 1er juin 2004 ou au plus tard au terme de son contrat en cours, aux conditions suivantes : 1° Etre âgé d'au moins cinquante ans ; 2° Etre en fonction ou bénéficier d'un congé en application des dispositions du décret mentionné à l'article 136 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée ; 3° Justifier d'une durée de services effectifs au moins égale à six ans au cours des huit dernières années ;4° Occuper un emploi en application des quatrième, cinquième ou sixième alinéas de l'article 3 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée dans une collectivité ou un établissement mentionné à l'article 2 de la même loi. ;
Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 et de l'article 15 de la loi du 26 juillet 2005 que ne peuvent être transformés, en vertu de ce dernier article, en contrats à durée indéterminée, que les contrats, à durée déterminée, par lesquels ont été recrutés des agents pour occuper un emploi en application des quatrième, cinquième ou sixième alinéas de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984, dans une collectivité ou un établissement mentionné à l'article 2 de la même loi, lorsque lesdits agents remplissent les autres conditions posées par les dispositions de l'article 15 ; qu'il résulte de l'instruction que la convention, conclue par M. A avec le département de l'Allier, le 28 octobre 1983, s'analyse, eu égard à ses stipulations, relatives en particulier au mode de rémunération de prestations de l'intéressé, dont l'indemnité était déterminée en fonction du temps réel d'enregistrement des débats et du nombre de pages dactylographiées, et sur présentation d'une note d'honoraires, à la faculté pour l'intéressé de proposer un remplaçant, et aux modalités d'organisation de son travail, avec son propre matériel, en une convention de prestation de services ; que le requérant ne peut, dès lors, se prévaloir utilement de son recrutement, en qualité d'agent public, pour occuper un emploi en application des dispositions précitées de la loi du 26 janvier 1984, ni, par suite, de la transformation, par l'effet des dispositions de l'article 15 de la loi du 26 juillet 2005, de son engagement en contrat à durée indéterminée, pour soutenir qu'en résiliant la convention du 28 octobre 1983, sans respecter les prescriptions propres à une mesure de licenciement d'un agent recruté par contrat à durée indéterminée, le département de l'Allier aurait pris une mesure illégale, constitutive d'une faute de nature à engager sa responsabilité ; qu'il ne peut davantage se prévaloir utilement d'un droit à bénéficier des indemnités liées à une mesure de licenciement, ni de la circonstance que, pour l'application de la législation, distincte, relative au recouvrement des cotisations de sécurité sociale, l'Urssaf aurait regardé son engagement comme caractérisant un lien de subordination avec le département de l'Allier ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'enjoindre au département de l'Allier de produire la décision rendue par la commission de recours amiable de l'Urssaf, que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ; que doivent être également rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Sur les conclusions du département de l'Allier tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A la somme de 500 euros au titre des frais exposés, à l'occasion de la présente instance, par le département de l'Allier et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : M. A versera au département de l'Allier la somme de 500 euros en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Pierre A et au département de l'Allier.
Délibéré après l'audience du 30 novembre 2010, à laquelle siégeaient :
M. Givord, président de formation de jugement,
M. Reynoird et M. Seillet, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 9 décembre 2010.
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N° 09LY02687
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