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03/01/2011 | FRANCE | N°10LY00919

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 3ème chambre, 03 janvier 2011, 10LY00919


Vu la requête, enregistrée par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 23 avril 2010 et régularisée le 26 avril 2010, présentée pour M. Inino Wa Tonino A, domicilié chez Mme Betty B, 48 rue du commerce à Riom (63200) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001698 en date du 22 mars 2010, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 mars 2010, par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a ordonné sa reconduite à la frontière,

et des décisions distinctes du même jour fixant le pays de destination de la recond...

Vu la requête, enregistrée par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 23 avril 2010 et régularisée le 26 avril 2010, présentée pour M. Inino Wa Tonino A, domicilié chez Mme Betty B, 48 rue du commerce à Riom (63200) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001698 en date du 22 mars 2010, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 mars 2010, par lequel le préfet du Puy-de-Dôme a ordonné sa reconduite à la frontière, et des décisions distinctes du même jour fixant le pays de destination de la reconduite et ordonnant son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale et l'autorisant à travailler, dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, d'examiner à nouveau sa situation administrative dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 965,64 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Il soutient que l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière est entaché d'un vice de procédure, en l'absence d'examen particulier de son dossier ; que la même décision a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; qu'il doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet du Puy-de-Dôme a commis un détournement de pouvoir en édictant une décision de reconduite à la frontière à son encontre, dès lors que l'objectif principal de celle-ci était d'empêcher la réalisation de son projet de mariage avec une ressortissante française ; que, compte tenu de ce qui vient d'être dit, la décision fixant le pays de renvoi est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision de reconduite à la frontière sur laquelle elle se fonde ; que la décision ordonnant son placement en rétention administrative est illégale du fait de l'illégalité de l'arrêté sur laquelle elle se fonde ; que, dès lors qu'il disposait d'un domicile connu de l'administration, il ne pouvait être légalement placé en rétention administrative ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 juin 2010, présenté par le préfet du Puy-de-Dôme, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient qu'il a examiné la situation de M. A, notamment au regard des stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l' homme et des libertés fondamentales ; que l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. A n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que le moyen tiré de ce que le requérant doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pas été soulevé en première instance ; que si ce moyen est examiné par la Cour, M. A ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur ce fondement ; qu'aucun moyen n'est soulevé par le requérant à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi ; qu'il n'a commis aucun détournement de pouvoir en édictant une décision de reconduite à la frontière à l'encontre du requérant ; que M. A, qui ne présentait pas de garanties suffisantes, pouvait, dès lors, être légalement placé en rétention administrative et que le juge des libertés et de la détention a décidé de prolonger la rétention administrative de l'intéressé le 19 mars 2010 ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 20 décembre 210, présentée par le préfet du Puy-de-Dôme ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 décembre 2010 :

- le rapport de M. Fontanelle, président ;

- les observations de Me Uroz, avocat de M. A .

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

- la parole ayant été donnée à nouveau à Me Uroz ;

Sur la légalité de la décision ordonnant la reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, ressortissant de la République démocratique du Congo, est entré irrégulièrement en France en mars 2005, selon ses propres déclarations ; que, par suite, la décision de reconduire à la frontière l'intéressé ne pouvait être prise sur le fondement des dispositions précitées du 2° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, toutefois, que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ; qu'une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative ;

Considérant qu'en l'espèce, la décision attaquée, motivée par l'irrégularité de l'entrée et du séjour de M. A, trouve son fondement légal dans les dispositions du 1° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui peuvent être substituées à celles du 2° dès lors, en premier lieu, que, étant entré irrégulièrement en France en mars 2005 et n'étant pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité à la date de la mesure d'éloignement, le 17 mars 2010, M. A se trouvait dans la situation où, en application des dispositions du 1° de l'article L. 511-1, le préfet pouvait décider de le reconduire à la frontière, en deuxième lieu, que cette substitution de base légale n'a eu pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie, et, en troisième lieu, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions ; que, par suite, il y a lieu de substituer à la base légale erronée la base légale sur le fondement duquel la décision devait être prise ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes mêmes de la décision attaquée, que le préfet du Puy-de-Dôme a procédé à l'examen particulier de la situation de M. A notamment au regard de sa vie privée et familiale ; que si le requérant soutient que le préfet ne fait pas état de sa relation avec Mlle B dans la décision en litige, l'autorité administrative n'était pas tenue de citer tous les éléments de la vie privée et familiale de l'intéressé ;

Considérant que M. A est recevable à soulever le moyen tiré de ce qu'il doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; ( ...) ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que M. A, né le 10 mars 1957, déclare être entré en France en 2005, après y avoir effectué un premier séjour de 1988 à 1994 ; qu'il soutient être le père de deux enfants français résidant en France, entretenir depuis le 28 août 2008 une relation avec une ressortissante française, qui était enceinte de cinq mois lorsqu'a été prise la décision attaquée, et qu'ils ont entrepris des démarches en vue de se marier prochainement ; que toutefois, il ressort des pièces du dossier que le requérant a été déchu de l'autorité parentale sur ses deux enfants français, nés en 1991 et 1993, par un jugement du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand en date du 6 mars 1995, et n'a pas de relations avec ces enfants depuis sa dernière entrée sur le territoire national en 2005 ; que sa relation avec sa compagne française est récente à la date de la décision attaquée et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Congo où vivent sa soeur et quatre de ses enfants ; que, dans ces conditions, l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. A n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'ainsi, cette décision n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, pour les mêmes raisons, elle n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a déposé un dossier à la mairie de Riom en vue de son mariage avec Mlle PELLETIER et a été convoqué au commissariat de police de Riom, le 12 février 2010, dans le cadre d'une enquête ouverte à la demande du procureur de la République ; que plus d'un mois plus tard, le 17 mars 2010, il s'est vu notifier un arrêté de reconduite à la frontière pris le même jour par le préfet du Puy-de-Dôme ; qu'ainsi, l'arrêté attaqué n'a pas eu pour motif déterminant de prévenir et d'empêcher le mariage qu'il projetait alors d'ailleurs qu'aucune date n'était fixée et que les bans n'étaient pas publiés ; que la double circonstance que le préfet n'a pas attendu, pour prendre la mesure d'éloignement, les résultats de l'enquête diligentée par le procureur de la République et que ce dernier n'a pas fait opposition au mariage, est sans influence sur la légalité de la décision attaquée ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, l'arrêté contesté ne peut être regardé comme ayant eu pour motif déterminant de faire obstacle au mariage de M. A ; que, par suite, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination :

Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, la décision de reconduite à la frontière n'est pas entachée d'illégalité ; que, par suite, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de cette décision doit être écarté ;

Sur la légalité de la décision ordonnant le placement en rétention administrative :

Considérant que la décision ordonnant la reconduite à la frontière de M. A n'étant pas illégale, ce dernier n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A n'était pas titulaire d'un passeport en cours de validité lors de son interpellation et s'est soustrait à l'exécution d'une mesure d'éloignement prise à son encontre, en octobre 2008 ; que par suite, à la date de la décision attaquée, le requérant ne justifiait pas des garanties suffisantes de représentation et c'est à bon droit que le préfet du Puy-de-Dôme a ordonné son placement en rétention administrative ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Inino Wa Tonino A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.

Lu en audience publique, le 3 janvier 2011.

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N° 10LY00919

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 10LY00919
Date de la décision : 03/01/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Guy FONTANELLE
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : UROZ PRALIAUD et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-01-03;10ly00919 ?
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