Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 15 janvier 2010, présentée pour le PREFET DU RHONE ;
Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0905974, en date du 16 décembre 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lyon, d'une part, a annulé ses décisions du 3 juin 2009 portant refus de délivrance de certificat de résidence algérien à M. Abdallah A, faisant obligation à ce dernier de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et fixant le pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite et, d'autre part, lui a enjoint de réexaminer, dans le délai de deux mois, la situation de l'intéressé au regard de la disponibilité d'un traitement médical approprié en Algérie et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros, à verser au conseil de M. A, au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Lyon ;
3°) de mettre à la charge de M. A la somme de 1 000 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que les premiers juges ont commis une erreur de droit au regard des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, ainsi qu'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'au vu de l'avis du médecin inspecteur de santé publique et d'une attestation d'un médecin accrédité auprès de l'ambassade de France à Alger, les soins que requiert la pathologie dont souffre M. A sont disponibles dans son pays d'origine, et notamment le médicament qui lui est prescrit, et que les documents produits par l'intéressé ne démontrent pas le contraire ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense enregistré le 9 juillet 2010, présenté pour M. Abdallah A, qui conclut au rejet de la requête du PREFET DU RHONE et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 500 euros, à payer à son conseil, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que les premiers juges, en annulant la décision portant refus de délivrance de certificat de résidence algérien, ont estimé, à bon droit, qu'il n'est pas établi qu'il puisse effectivement accéder au traitement médicamenteux indispensable à son état de santé dans son pays d'origine, dès lors qu'il souffre d'une affection chronique pour laquelle les médicaments requis ne sont pas disponibles en Algérie ou ne sont pas remboursés par le système d'assurance maladie de ce pays et qu'il n'est notamment pas avéré que le traitement médicamenteux qui lui est administré soit commercialisé dans son pays d'origine, en particulier dans la région dont il est originaire ; que le médecin inspecteur de santé publique, qui avait auparavant, et ce à trois reprises, estimé qu'il ne pouvait pas accéder effectivement à un traitement approprié en Algérie, aurait dû motiver son changement d'appréciation sur ce point ; que le préfet du Rhône a commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision de refus sur son état de santé et a méconnu les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; qu'eu égard à son état de santé et à son insertion sociale et professionnelle en France, où il séjourne depuis six ans, et alors même que son épouse et ses enfants résident en Algérie, la décision lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence algérien méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale compte tenu de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance de certificat de résidence algérien qui la fonde et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision fixant le pays de destination est illégale compte tenu de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance de certificat de résidence et obligation de quitter le territoire français ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers prévus à l 'article 7-5 du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 décembre 2010 :
- le rapport de M. Le Gars, président,
- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;
Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié : (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur, applicable aux ressortissants algériens en l'absence de stipulations particulières de l'accord franco-algérien relatives à l'instruction de la demande : (...) Le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin inspecteur départemental de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la population et des migrations, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ; qu'enfin, aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999 susvisé : Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin inspecteur de santé publique (...) émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - si l'intéressé peut effectivement ou non bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine (...) / Il indique, en outre, si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers son pays de renvoi ;
Considérant qu'il résulte des stipulations et dispositions précitées qu'il appartient à l'administration saisie d'une demande de délivrance de certificat de résidence algérien reposant sur un motif de santé de s'assurer, avec l'assistance du médecin-inspecteur de santé publique qui, seul, peut avoir accès aux informations couvertes par le secret médical, des conséquences qu'un refus d'admission au séjour emporterait sur l'état de santé de l'intéressé et, le cas échéant, de démontrer qu'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays d'origine ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, ressortissant algérien entré régulièrement sur le territoire national le 20 mai 2003, a sollicité, en 2004, la délivrance d'un certificat de résidence algérien sur le fondement des stipulations précitées du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, qui lui a été refusée ; qu'en 2007, il a déposé une demande de même nature et a été mis en possession de récépissés de demande de titre de séjour valables jusqu'en 2009, après que le médecin inspecteur de santé publique ait estimé, à plusieurs reprises, que son état de santé exigeait qu'il demeurât en France pour se faire soigner ; qu'à nouveau consulté, le médecin inspecteur de santé publique a considéré, dans son avis du 26 février 2009, que l'état de santé de M. A nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, vers lequel il peut voyager sans risque ; que les premiers juges ont considéré, par le jugement attaqué, que le PREFET DU RHONE ne rapportait pas la preuve que des médicaments équivalents à celui qui est actuellement prescrit à M. A et dont ce dernier établit qu'il n'est pas commercialisé en Algérie, soient disponibles dans ce pays ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A présente une polyarthrite rhumathoïde nécessitant la prise d'un traitement médicamenteux comprenant notamment du Novatrex ; que si un juriste de la société Wyeth atteste, par courrier du 26 août 2009, que ce laboratoire pharmaceutique ne commercialise pas en Algérie le Novatrex ni l'un de ses génériques, et si un médecin et plusieurs pharmaciens de la région de Bou Saada confirment l'absence de commercialisation de ce médicament dans les officines de cette région, le PREFET DU RHONE produit devant la Cour un certificat en date du 10 janvier 2010, par lequel le docteur Tabti, médecin accrédité auprès du consulat général de France à Alger, atteste de la disponibilité du médicament Novatrex (methotrexate) au sein des officines publiques et privées d'Alger centre ; qu'il est ainsi établi par le PREFET DU RHONE que la méthotrexate, principe actif contenu dans le Novatrex, médicament prescrit à M. A, est disponible en Algérie, à tout le moins à Alger ; que la circonstance que ce médicament ne serait pas commercialisé dans la région de Bou Saada ne permet pas de remettre en cause la disponibilité dudit traitement dans le pays d'origine de l'intéressé ; qu'enfin, en se bornant à produire un article de presse d'un journal algérien datant de 2008, faisant état, de façon générale, de difficultés de prise en charge de la polyarthrite en Algérie, en raison de l'absence de commercialisation de certains médicaments et du caractère onéreux d'autres médicaments, qui ne seraient, par ailleurs, pas remboursés par la sécurité sociale, M. A n'apporte pas d'éléments suffisamment précis de nature à démontrer qu'il ne pourrait pas avoir effectivement accès, dans son pays d'origine, à un traitement médical approprié ; que, dès lors, le PREFET DU RHONE établit, en appel, la disponibilité, en Algérie, d'un traitement médical approprié à l'affection dont souffre M. A et ce dernier ne démontre pas ne pas pouvoir effectivement y accéder ; que, par suite, et nonobstant la circonstance que le médecin inspecteur de santé publique avait auparavant émis des avis contraires, il ressort des pièces du dossier que l'état de santé de M. A n'exige pas qu'il demeure en France pour se faire soigner ; qu'en conséquence, le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé, pour violation du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, le refus de titre de séjour opposé à M. A ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. A, tant devant le Tribunal administratif que devant la Cour ;
Sur le refus de certificat de résidence algérien :
Considérant, en premier lieu, que contrairement aux allégations de M. A, la décision de refus de titre de séjour contestée a été prise après consultation du médecin inspecteur de santé publique, devenu depuis le médecin de l'agence régionale de santé, qui, par avis en date du 26 février 2009, a considéré que l'état de santé de M. A nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, vers lequel il peut voyager sans risque ; que cet avis est ainsi régulièrement motivé au regard des exigences de l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999, nonobstant la circonstance que le médecin inspecteur de santé publique ait émis des avis contraires par le passé et alors que le secret médical interdisait audit médecin de révéler des informations sur la pathologie de l'intéressé et la nature de ses traitements médicaux, fût-ce en portant une appréciation sur l'état du système de soins dans le pays d'origine ; que, par suite, la décision de refus de titre de séjour contestée n'a pas été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des mentions de l'arrêté du 3 juin 2009 contesté, au vu desquelles il apparaît que le PREFET DU RHONE a examiné la possibilité, avant de l'écarter, de faire bénéficier M. A d'une mesure dérogatoire, que le PREFET DU RHONE se soit estimé lié par l'avis du médecin inspecteur de santé publique pour rejeter la demande de titre de séjour dont il était saisi ;
Considérant, en troisième lieu, que, pour les motifs énoncés précédemment, la décision par laquelle le PREFET DU RHONE a rejeté la demande de titre de séjour formulée par M. A n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur l'état de santé de l'intéressé ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;
Considérant que si M. A vit depuis six ans en France, où il s'est inséré professionnellement et socialement, le droit précaire au séjour dont il a pu bénéficier durant les deux années précédant l'arrêté contesté était motivé par les soins requis par son état de santé et ne lui donnait pas vocation à demeurer sur le territoire français à l'issue de la période durant laquelle son état de santé exigeait qu'il restât en France pour se faire soigner ; qu'en outre, M. A a vécu jusqu'à l'âge de quarante-quatre ans en Algérie, où résident toujours son épouse et ses enfants ; que, par suite, compte tenu des circonstances de l'espèce, le refus opposé à sa demande de titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus ; qu'il n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la mesure d'éloignement prise à son encontre ;
Considérant, en second lieu, que, pour les motifs retenus dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de refus de titre de séjour, les moyens tirés de la méconnaissance, par la décision faisant obligation à M. A de quitter le territoire français, des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à exciper de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de destination de la mesure d'éloignement prise à son encontre ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 3 juin 2009 portant refus de délivrance de certificat de résidence algérien à M. A, faisant obligation à ce dernier de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et fixant le pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;
Sur les conclusions présentées par le PREFET DU RHONE, tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A, quelque somme que ce soit au profit de l'Etat, au titre des frais exposés par ce dernier et non compris dans les dépens ;
Sur les conclusions de M. A, tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au profit du conseil de M. A, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0905974, du 16 décembre 2009, du Tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Lyon et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions présentées devant la Cour par le PREFET DU RHONE, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DU RHONE, à M. Abdallah A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2010 à laquelle siégeaient :
M. Le Gars, président de la Cour,
M. Segado, premier conseiller,
M. Levy Ben Cheton, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 janvier 2011.
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N° 10LY00063