Vu la requête, enregistrée à la Cour le 22 mars 2010, présentée pour Mme Cynthia A, domiciliée ... ;
Mme A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0902986, en date du 25 février 2010, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de Saône-et-Loire, du 25 novembre 2009, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2000 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Elle soutient que le jugement attaqué est irrégulier en ce que les premiers juges ont entaché leur jugement d'un défaut de motivation dans leur réponse au moyen, soulevé devant eux, tiré de ce que sa fille est atteinte d'une pathologie incompatible avec un retour dans son pays d'origine ; que, faute pour le préfet de Saône-et-Loire d'avoir démontré qu'elle n'avait pas présenté de demande de titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les premiers juges ont commis une erreur de fait et une erreur de droit en estimant qu'elle ne pouvait pas se prévaloir des ces dispositions pour contester la légalité de la décision portant refus de titre de séjour ; qu'en rejetant le moyen, soulevé devant eux à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-4 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif qu'il n'est pas établi qu'elle ne pourra pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation ; qu'en rejetant les moyens, soulevés devant eux à l'encontre de la décision fixant le pays de destination, tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant au motif qu'elle ne vivait pas maritalement avec le père de son enfant, les premiers juges ont commis une erreur de droit ; qu'en estimant que la décision fixant le pays de destination ne méconnaît pas les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant alors que son enfant souffre d'une pathologie incompatible avec un retour dans son pays d'origine, les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation ; qu'en estimant que cette même décision ne méconnaît ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'elle soutient encourir des risques pour sa vie et sa liberté en cas de retour dans son pays d'origine, les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été notifiée au préfet de Saône-et-Loire qui n'a pas produit d'observations ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 décembre 2010 :
- le rapport de M. Le Gars, président,
- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : Les jugements sont motivés ;
Considérant qu'en écartant le moyen relatif à la circonstance que la fille de la requérante est atteinte d'une pathologie incompatible avec un retour dans son pays d'origine au motif qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de l'enfant nécessite un traitement indisponible dans le pays de destination , le Tribunal administratif de Dijon a, au regard de l'argumentation développée devant lui, suffisamment motivé son jugement ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que ce dernier est irrégulier à défaut d'être suffisamment motivé ;
Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A ait demandé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou même invoqué l'existence de problèmes de santé préalablement à la décision du 25 novembre 2009 ; que, dès lors, les premiers juges ont pu à bon droit considérer qu'elle ne pouvait pas se prévaloir desdites dispositions ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A est affectée de troubles psychologiques liés à un syndrome de stress post-traumatique pour lesquels elle bénéficie d'un suivi et d'une prise en charge médicale en France ; qu'il ressort également d'un certificat médical du 12 novembre 2008 qu'elle présente plusieurs cicatrices ; que ses allégations selon lesquelles les cicatrices et les troubles psychologiques sont consécutifs à des violences physiques et à des persécutions qu'elle a subies en République démocratique du Congo ne peuvent pas être tenues pour établies en l'état du dossier ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'un défaut de prise en charge de l'affection dont elle souffre pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, les premiers juges ont pu, à bon droit, écarter le moyen tiré de ce que la décision obligeant Mme A à quitter le territoire français a méconnu les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. et que ce dernier texte énonce que Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ; que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;
Considérant que, Mme A A, dont la demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 21 juillet 2008, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 9 octobre 2009, fait valoir qu'elle encourt des risques pour sa vie ou sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine, la République démocratique du Congo, où elle soutient avoir été arrêtée une première fois le 1er mars 2001 et incarcérée durant un mois du fait de soupçons pesant sur son compagnon, accusé d'avoir participé à l'assassinat du président Laurent Désiré Kabila ; qu'elle affirme que sa fille, détenue avec elle, est décédée des suites d'une maladie contractée du fait des conditions déplorables de leur incarcération ; qu'elle affirme en outre que son engagement politique, depuis décembre 2003, au sein du Mouvement de Libération du Congo, lui a valu d'être interpellée à nouveau en 2007 et détenue durant plusieurs jours au cours desquels elle a été victime de viols collectifs, ce qui l'a conduite à fuir, en 2007, au Congo Brazzaville puis en France ; qu'à l'appui de ces allégations, elle produit copie d'un formulaire de demande d'adhésion au Mouvement de Libération du Congo et d'une carte de membre de ce mouvement délivrée à son nom, le 6 décembre 2003, ainsi que d'une attestation du secrétaire exécutif du Mouvement de Libération du Congo datée du 3 février 2008 ; qu'elle se prévaut également du certificat médical précité du 12 novembre 2008 faisant état de plusieurs cicatrices consécutives, selon elle, à des violences physiques subies en République démocratique du Congo et de l'existence d'un syndrome de stress post-traumatique qui serait, selon ses dires, consécutif aux persécutions endurées ; que, toutefois, les pièces versées au dossier, ne présentent pas de garanties d'authenticité suffisantes et de caractère suffisamment probant pour établir la réalité des faits allégués et l'existence de menaces auxquelles elle serait personnellement et actuellement exposée en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dès lors, les premiers juges ont pu, à bon droit, écarter les moyens, soulevés devant eux, tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. et qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
Considérant que Mme A, ressortissante de la République démocratique du Congo née le 29 octobre 1979, est, selon ses dires, entrée en France le 28 août 2007 ; que si sa fille, née en France le 5 janvier 2009, a été hospitalisée à deux reprises au sein d'un service de pédiatrie en raison d'épisodes d'infection pulmonaire nécessitant des séances de kinésithérapie, il ne ressort des pièces du dossier ni que cet enfant ne pourrait pas bénéficier, en République démocratique du Congo, d'un traitement approprié à son état, ni même qu'une absence de traitement aurait pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité quand bien même, selon un certificat médical délivré par un médecin généraliste postérieurement à la date de la décision en litige, l'état de santé de l'enfant rend difficile son retour en République démocratique du Congo ; que si Mme A fait valoir que l'exécution de la décision en litige aurait pour effet de séparer la fille de son père, lequel fait l'objet d'une mesure d'éloignement à destination du Congo Brazzaville en date du 18 mai 2009, elle ne démontre pas, par les pièces qu'elle produit, que ce dernier contribuait à l'entretien et l'éducation de l'enfant ; que rien ne s'oppose à ce que Mme A puisse mener, avec sa fille, une vie privée et familiale normale dans son pays d'origine qu'elle a quitté depuis peu ; qu'il suit de là que c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté les moyens tirés de ce que la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du 1 de l'article 3 de la convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Cynthia A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet de la Saône-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2010 à laquelle siégeaient :
M. Le Gars, président de la Cour,
M. Segado, premier conseiller,
M. Levy Ben Cheton, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 janvier 2011.
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N° 10LY00649