Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 10 juillet 2009, présentée pour la SOCIETE SCAVI, dont le siège social est au ZA La Foret à Cognin (73160) ;
La SOCIETE SCAVI demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0603568 et 0604761 du 29 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation :
- de la décision du 7 juin 2006 du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale rejetant son recours hiérarchique formé contre une décision de l'inspecteur du travail de la Savoie du 19 décembre 2005 lui refusant l'autorisation de procéder au licenciement de Mme A pour faute ;
- de la décision du 17 août 2006 du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement rejetant son recours hiérarchique formé contre une décision de l'inspecteur du travail de la Savoie du 6 mars 2006 lui refusant l'autorisation de procéder au licenciement de Mme A pour faute ;
2°) d'annuler lesdites décisions ;
La SOCIETE SCAVI soutient que :
- concernant la décision du 7 juin 2006, la procédure de consultation du comité d'entreprise n'est pas entachée d'irrégularité dès lors que Mme A ne pouvait pas prendre part au vote, qu'elle pouvait être remplacée pour ce vote par le seul suppléant élu à ce comité, que le vote a eu lieu à bulletin secret et que la participation de ce dernier n'a eu aucune incidence sur la régularité de la procédure ; que les propos diffamatoires contenus dans la lettre du 20 juillet 2005 sont établis ; que les griefs qu'elle a retenus à l'encontre de Mme A constituent des fautes d'une gravité suffisante de nature à justifier son licenciement ; que c'est par une appréciation erronée des faits que le ministre a estimé que le fait pour Mme Pascale B d'adresser en copie à l'expert comptable et au commissaire aux comptes de la société SCAVI des courriers dans lesquels elle accuse ouvertement le gérant de la société de harcèlement sexuel, de pressions morales, de détournement de fonds, de présentation de faux bilans, sans établir ses accusations, n'était pas constitutif d'une faute grave ; qu'en tout état de cause, ces courriers révèlent une volonté de dénigrement à l'égard de l'employeur et contiennent des informations personnelles qui ne pouvaient être divulguées à des tiers ; que le courrier du 25 octobre 2005 dénigre aussi le personnel de la société ; qu'elle n'a pas respecté son obligation de confidentialité en transmettant des informations comptables et financières à des tiers de l'entreprise dans diverses procédures engagées contre la société ; que la modification, sans autorisation de sa hiérarchie et de sa propre initiative, de deux bulletins de salaires en rectifiant tant le salaire que la qualification professionnelle revêt un caractère fautif ;
- concernant la décision du 17 août 2006, les griefs reprochés à Mme A sont établis et sont constitutifs d'une faute grave de nature à justifier son licenciement dès lors qu'elle a continué à dénigrer ouvertement le gérant et les salariés de l'entreprise après la première demande d'autorisation, que ces fautes s'inscrivent dans la continuité des griefs reprochés à l'intéressée dans cette première demande, qu'elle a manifesté une volonté de nuire et a été à l'origine de la dégradation des relations de travail au sein de l'entreprise, qu'elle a utilisé le matériel de l'entreprise à des fins personnelles, qu'elle refusait tout accès aux informations comptables contenues sur son ordinateur outrepassant ses fonctions ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier duquel il résulte que la requête a régulièrement été communiquée au ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la ville et à Mme A, qui n'ont pas produit d'observations ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 janvier 2011 :
- le rapport de M. Segado, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;
Considérant que la SOCIETE SCAVI, qui exerçait une activité dans le domaine de l'assainissement, a sollicité le 26 octobre 2005 l'autorisation de licencier Mme Pascale A, employée depuis juillet 1988 en qualité de secrétaire-comptable et membre du comité d'entreprise au sein duquel elle remplissait les fonctions de trésorière ; que, par une décision du 19 décembre 2005, l'inspecteur du travail a refusé de faire droit à cette demande ; qu'à la suite du recours hiérarchique formé par la société le 16 janvier 2006, le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale a confirmé ce refus par une décision en date du 7 juin 2006 ; que, par ailleurs, la SOCIETE SCAVI a présenté une seconde demande d'autorisation de licenciement le 18 janvier 2006, qui a été rejetée par l'inspecteur du travail par une décision du 6 mars 2006 ; que le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale a confirmé ce refus par une décision en date du 17 août 2006 ; que la SOCIETE SCAVI relève appel du jugement du 29 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions ministérielles ;
Sur la légalité de la décision ministérielle du 7 juin 2006 :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 436-1 du code du travail alors en vigueur : Tout licenciement envisagé par l'employeur d'un membre titulaire ou suppléant du comité d'entreprise...est obligatoirement soumis au comité d'entreprise qui donne un avis sur le projet de licenciement. Le licenciement ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement... ; qu'aux termes de l'article R. 436-2 du même code alors en vigueur : l'avis du comité d'entreprise est exprimé au scrutin secret après audition de l'intéressé ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal du comité d'entreprise qui s'est réuni le 25 octobre 2005 pour examiner la procédure de licenciement pour faute engagée à l'encontre de Mme A, qu'après audition de cette dernière, le comité d'entreprise a émis un avis favorable à son licenciement à la suite d'un vote à bulletin secret, par deux voix pour et une voix contre ; que Mme A, qui n'avait pas demandé à se retirer pour laisser le soin aux autres membres de délibérer, a été contrainte de ne pas participer au vote ; que, de plus, un membre suppléant du collège des cadres a été amené à la remplacer pour ce vote au motif que le licenciement la concernait ; que toutefois, ni le simple fait qu'elle faisait l'objet du projet de licenciement, lequel ne lui faisait pas perdre sa qualité de membre du comité d'entreprise et son droit à participer au vote, ni la circonstance que les dispositions du code du travail prévoyaient que l'employeur ne pouvait participer à celui-ci, ni aucune disposition législative ou réglementaire, ni les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui ne trouvent pas à s'appliquer au déroulement de ce vote, ne faisaient obstacle à la participation de Mme A à ce vote ; que, compte tenu de l'écart de voix, cette irrégularité a été de nature à influencer le sens du vote ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner le bien-fondé des autres motifs de la décision attaquée, le ministre a pu légalement estimer que le vote du comité d'entreprise et, en conséquence, la procédure suivie par l'employeur, étaient entachés d'une irrégularité substantielle et ainsi confirmer le refus de l'inspecteur du travail d'autoriser ce licenciement ;
Sur la légalité de la décision ministérielle du 17 août 2006 :
Considérant que la SOCIETE SCAVI a demandé à nouveau le 18 janvier 2006 l'autorisation de licencier Mme A, motif pris de ce qu'elle aurait proféré des insultes vis-à-vis des membres du comité d'entreprise, qu'elle aurait accusé certains de ses collègues de harcèlement sexuel et moral, qu'elle aurait eu un comportement injurieux envers l'ensemble de ses collègues et de dénigrement de leurs compétences, qu'elle aurait conseillé à certains de ses collègues et à sa hiérarchie de procéder à une introspection , qu'elle aurait fait preuve d'une attitude de mépris vis-à-vis d'une de ses collègues en raison de sa liaison sentimentale avec le gérant de la société, qu'elle aurait dénigré auprès de sa compagnie d'assurance le dirigeant de la société, et enfin qu'elle aurait utilisé du matériel de l'entreprise à des fins personnelles ;
Considérant qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que l'attestation de la société d'assurance Axa, assureur de Mme A et de la société, établie le 20 juin 2006, près de six mois après la demande de licenciement et trois mois et demi après le refus de l'inspecteur du travail, se borne à indiquer que cette salariée aurait tenu quelques mois auparavant des propos visant à dénigrer la société et son dirigeant, sans préciser la date des faits ni la teneur des propos incriminés et alors que Mme A a contesté s'être livrée à de tels propos ; que cette attestation ne suffit pas ainsi à établir que Mme A aurait dénigré son employeur et son principal dirigeant auprès du personnel de cette société d'assurance ;
Considérant que, par ailleurs il existait un climat extrêmement tendu au sein de la société qui n'était pas seulement imputable à la salariée ; que si Mme A ne conteste pas avoir utilisé le terme introspection pour demander à sa hiérarchie de modifier sa gestion des ressources humaines et celui de maîtresse pour qualifier les relations d'une des salariées avec le gérant, ces termes ne présentaient pas un caractère injurieux ; que si elle a qualifié aussi cette salariée de sale femme de patron , ces propos, eu égard notamment au climat conflictuel régnant dans l'entreprise, n'ont pas revêtu un caractère gravement injurieux ; que s'il est établi que, le 2 janvier 2006, Mme A n'a pas répondu courtoisement aux voeux d'une de ses collègues qui avait signé la pétition demandant sa non réintégration, ce comportement ne revêt pas, toutefois, le caractère d'une faute professionnelle, à supposer même qu'elle aurait tenu à l'égard de cette collègue les propos que la société lui impute ; que les autres éléments produits par celle-ci, notamment une pétition signée par des membres du personnel dont certains ont contesté ensuite une partie de son contenu et une attestation de la compagne du dirigeant de la société, lesquels éléments ne sont pas corroborés par des faits précis, ne suffisent à établir ni que Mme A aurait fait preuve à l'égard de certains salariés d'un harcèlement moral ou d'un harcèlement sexuel, ni qu'elle aurait exprimé une volonté de dénigrer le personnel ou la hiérarchie, ni qu'elle aurait eu un comportement injurieux ou insultant à leur égard ; que la société requérante ne fait pas état d'éléments suffisamment précis démontrant qu'à la date de la seconde demande d'autorisation de licenciement et de la seconde décision de refus, Mme A aurait fait usage de matériels de l'entreprise à des fins personnelles ; que, par suite, le ministre a pu légalement estimer, sans commettre d'erreur d'appréciation, que Mme A n'avait pas commis de fautes d'une gravité suffisante de nature à justifier un licenciement et ainsi confirmer le refus de l'inspecteur du travail d'autoriser son licenciement ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE SCAVI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des deux décisions ministérielles attaquées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIETE SCAVI est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE SCAVI, à Mme Pascale A et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Délibéré après l'audience du 18 janvier 2011, où siégeaient :
M. Chanel, président de chambre,
MM. Pourny et Segado, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 8 février 2011.
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N° 09LY01617