Vu la requête, enregistrée à la Cour le 17 août 2010, présentée pour M. Abdellatif A domicilié chez M. Driss Mehaouchi, 21 chaussée de l'Essart, à Villefontaine (38090) ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1001593, en date du 15 juillet 2010, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère, du 12 mars 2010 , portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer une carte de résident sur le fondement du 3° de l'article L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une carte de séjour temporaire sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-12 du même code dans le même délai ou, en toute hypothèse, de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 1° de l'article 3 de l'accord franco-marocain dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que le préfet de l'Isère a commis une erreur de fait, entérinée par le tribunal administratif, en affirmant dans la décision de refus de séjour contestée qu'il y avait rupture de la communauté de vie entre les époux et que, par conséquent, il ne pouvait pas obtenir un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni sur celui du 3° de l'article L. 314-9 du même code ; que des époux peuvent avoir des domiciles distincts sans qu'il y ait rupture de leur communauté de vie ; que le tribunal administratif a commis une erreur de droit en jugeant qu'il n'avait demandé que le renouvellement de son titre de séjour délivré en qualité de conjoint de française et en n'examinant pas son droit à un titre de séjour sur le fondement du 1er alinéa de l'article 3 de l'accord franco-marocain ; que la décision de refus de titre a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est illégale parce que la décision de refus de titre de séjour sur laquelle elle se fonde est illégale et qu'il devait se voir attribuer de plein droit un titre de séjour sur le fondement du 1er alinéa de l'article 3 de l'accord franco-marocain ; que la mesure d'éloignement a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français sur lesquelles elle se fonde ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré à la Cour le 23 mars 2011, présenté par le préfet de l'Isère qui conclut au rejet de la requête, en se référant à son mémoire de première instance et indique, en outre, que M. A a été éloigné à destination du Maroc le 21 novembre 2010 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants marocains et de leurs familles ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mars 2011 :
- le rapport de M. Le Gars, président,
- les observations de Me Revol, avocat de M. A,
- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;
La parole ayant été donné à nouveau à Me Revol ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort des mentions du jugement attaqué que, contrairement aux allégations de M. A, les premiers juges ont examiné s'il avait droit à un titre de séjour sur le fondement du 1er alinéa de l'article 3 de l'accord franco-marocain ;
Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :
Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain conclu le 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi : Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention salarié éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de la demande formulée par M. A le 24 juillet 2009, que ce dernier, de nationalité marocaine, a sollicité la délivrance d'une carte de résident portant la mention vie privée et familiale , sans préciser le fondement juridique de sa demande mais en mettant en évidence sa qualité de conjoint de française ; que, par suite, ce courrier ne pouvait pas être regardé comme une demande de titre sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain conclu le 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi ; qu'il ne ressort pas davantage des mentions de l'arrêté du 12 mars 2010 contesté que le préfet de l'Isère, qui n'était pas tenu d'examiner d'office si l'intéressé pouvait prétendre à un titre de séjour sur un autre fondement que celui invoqué à l'appui de la demande, se soit prononcé sur l'application des stipulations de cet article ; que, par suite, le moyen tiré de la violation, par la décision de refus de titre de séjour contestée, des stipulations du premier alinéa de l'article 3 de l'accord franco-marocain est inopérant ; que, pour les mêmes motifs, M. A n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif a commis une erreur de fait en jugeant qu'il n'avait demandé que la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint de française ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) et qu'aux termes de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé (...) ; qu'aux termes de l'article L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de résident peut être accordée : (...) 3° A l'étranger marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie entre les époux n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a épousé une ressortissante française au Maroc le 14 juillet 2002 et est entré régulièrement en France le 18 novembre 2002 pour rejoindre son épouse ; qu'il a obtenu, en sa qualité de conjoint de ressortissante française, une carte de séjour temporaire d'un an, valable du 11 février 2003 au 10 février 2004 ; qu'en raison de la rupture de la communauté de vie des époux, il a fait l'objet d'un refus de séjour et d'une invitation à quitter le territoire français de la part du préfet du Rhône le 4 juin 2004 ; que le recours gracieux formé contre cette décision a été rejeté le 7 octobre 2004 ; qu'à la suite de la reprise d'une vie commune avec son épouse, l'intéressé a obtenu un titre de séjour en qualité de conjoint de française valable du 3 octobre 2006 au 2 octobre 2007, qui a été renouvelé deux fois ; qu'à la date de la décision en litige, M. A habitait dans le département de l'Isère tandis que son épouse habitait dans le département du Rhône ; que M. A soutient qu'il habitait dans l'Isère pour des raisons professionnelles et que la communauté de vie avec son épouse n'avait pas cessé malgré l'absence d'un domicile commun ; que cependant, si l'article 108 du code civil dispose que les époux peuvent avoir un domicile distinct sans pour autant qu'il soit porté atteinte aux règles relatives à la communauté de vie, en l'espèce, l'absence d'un domicile commun à M. et Mme A ne pouvait pas s'expliquer uniquement par des nécessités professionnelles ; que les documents produits par le requérant ne permettent pas d'établir qu'il rendait régulièrement visite à son épouse ; que, dans ces conditions, alors même qu'aucune procédure de divorce n'avait été introduite par l'épouse de M. A, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Isère a commis une erreur de fait, entérinée par le tribunal administratif, en affirmant dans la décision de refus de séjour contestée qu'il y avait rupture de la communauté de vie entre les époux et que, par conséquent, il ne pouvait obtenir un titre de séjour ni sur le fondement de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni sur celui du 3° de l'article L. 314-9 du même code ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1.Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui
Considérant que M. A fait valoir qu'il vit en France depuis novembre 2002, qu'il est titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de plaquiste depuis le 1er mars 2010, que sa femme est française, qu'il a deux oncles et une tante résidant en France, qu'il a entraîné bénévolement une équipe de football à Villefontaine de septembre 2006 à juin 2008 et qu'il pratique un sport de combat à un haut niveau en France ; que, toutefois, comme il a été dit plus haut, le requérant avait cessé toute communauté de vie avec son épouse à la date de la décision contestée, le 12 mars 2010, et il ne conteste pas avoir des attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, le préfet de l'Isère n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
Considérant, en premier lieu, que, compte tenu de ce qui vient d'être dit, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour sur laquelle elle se fonde, doit être écarté ;
Considérant, en second lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux évoqués dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de refus de titre de séjour, les moyens tirés de la méconnaissance, par la mesure d'éloignement contestée, des stipulations du 1er alinéa de l'article 3 de l'accord franco-marocain et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doivent être écartés ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
Considérant que le moyen tiré de ce que la décision désignant le pays de destination de la mesure d'éloignement est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français sur lesquelles elle se fonde, a été soulevé par M. A pour la première fois en appel ; que le requérant ayant demandé, devant les premiers juges, l'annulation de la décision fixant le pays de destination sans présenter aucun moyen à l'appui de cette conclusion, un tel moyen, qui n'est pas d'ordre public, est irrecevable et ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Abdellatif A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2011 à laquelle siégeaient :
M. Le Gars, président de la Cour,
M. Chanel, président assesseur,
M. Segado, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 avril 2011.
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N° 10LY02001