Vu la requête, enregistrée à la Cour le 22 décembre 2010, présentée pour Mme Enesa A épouse B, de nationalité monténégrine, domiciliée chez Elmir B, ... ;
Mme B demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1003643, en date du 8 septembre 2010, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Ain, du 19 mai 2010, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;
Elle soutient que l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 15 février 2011, présenté par le préfet de l'Ain, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient, à titre principal, que la requête est tardive et, par suite, irrecevable ; qu'à titre subsidiaire, que Mme B ne peut pas se prévaloir des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle entre dans les catégories d'étrangers pouvant bénéficier du regroupement familial ; que l'arrêté attaqué n'a pas été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 5 novembre 2010 accordant à Mme B le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 avril 2011 :
- le rapport de M. Bézard, président,
- et les conclusions de M. Besson, rapporteur public ;
Sur la fin de non recevoir opposée par le préfet de l'Ain :
Considérant que le jugement attaqué a été notifié à Mme B le 9 septembre 2010 ; qu'elle a présenté une demande d'aide juridictionnelle qui a été enregistrée auprès du service compétent, le 23 septembre 2010 ; que le bureau d'aide juridictionnelle a statué favorablement sur sa demande le 5 novembre 2010 et que sa décision lui a été notifiée le 23 novembre 2010 ; qu'ainsi la requête présentée pour l'intéressée qui a été enregistrée au greffe de la Cour, le 22 décembre 2010, n'était pas tardive ; qu'il s'ensuit que la fin de non recevoir opposée sur ce point par le préfet de l'Ain doit être écartée ;
Considérant que Mme B, qui invoque le doit au respect de sa vie privée et familiale, doit être regardée comme invoquant la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aux termes desquelles : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B, de nationalité monténégrine et entrée régulièrement sur le territoire national le 2 octobre 2009, fait valoir que la décision attaquée, portant refus de titre de séjour, porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale ; que toutefois, il ressort des pièces du dossier et notamment du procès verbal dressé le 2 févier 2010 que la requérante, qui est entrée très récemment en France, ne conteste pas s'être maintenue de façon irrégulière sur le territoire national ; que, s'il est constant que la requérante a épousé, le 13 mars 2010, un ressortissant de nationalité kosovare, titulaire d'un titre de séjour valable dix ans, l'ancienneté alléguée de leur relation n'est pas établie ; que, si la requérante verse au débat plusieurs titres de séjour de personnes qu'elle présente comme des membres supposés de sa belle-famille, il n'est pas établi qu'elle soit dépourvue de toute attache privée et familiale dans son pays d'origine où elle déclare avoir vécu jusqu'à l'âge de vingt-et-un ans ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions d'entrée et de séjour de la requérante en France, l'arrêté contesté qui n'implique pas par lui-même un départ du territoire français, n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise alors même qu'elle était enceinte ; qu'il n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination de la mesure de reconduite à la frontière :
Considérant qu'il est constant que Mme B était enceinte de sept mois lorsque les décisions attaquées ont été prises à son encontre ; qu'eu égard au délai d'un mois qui lui était imparti pour quitter le territoire français, ces décisions étaient susceptibles de recevoir exécution au cours de son huitième mois de grossesse et n'étaient pas dépourvues de tout risque pour elle-même et son enfant alors, au surplus, qu'elle aurait été privée de l'assistance de son époux ; que, dans ce contexte particulier, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ainsi que celle fixant le pays de destination de la reconduite présentent des effets disproportionnés à l'égard de la vie privée de l'intéressée par rapport aux buts en vue desquels elles ont été prises ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Ain lui faisant obligation de quitter le territoire français ainsi que la décision de cette autorité administrative fixant le pays à destination duquel elle serait reconduite ; qu'il y a lieu d'annuler ces décisions et dans cette mesure le jugement attaqué pour les motifs ci-dessus exposés ;
Sur les conclusions à fin d'injonction présentées en première instance :
Considérant que le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de l'Ain procède au réexamen de la situation de Mme B ; que, dans cette attente, l'intéressée devra être mise en possession d'une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification qui sera faite à l'administration de la présente décision ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon, en date du 8 septembre 2010, est annulé en tant qu'il a rejeté les demandes de Mme B dirigées contre les décisions du préfet de l'Ain en date du 19 mai 2010 lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel elle serait reconduite.
Article 2 : Les décisions du préfet de l'Ain en date du 19 mai 2010 faisant obligation à Mme B de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et fixant le pays à destination duquel elle serait reconduite sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Ain de réexaminer la situation de Mme B. Dans cette attente, l'intéressée devra être munie d'une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification qui sera faite à l'administration du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête n° 10LY02878 de Mme Enesa B est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Enesa A épouse B et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 19 avril 2011 à laquelle siégeaient :
M. Le Gars, président de la Cour,
M. Bézard, président,
M. Fontbonne, président-assesseur,
M. Chenevey et Mme Chevalier-Aubert, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 10 mai 2011.
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N° 10LY02878