Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon, le 9 novembre 2010, présentée pour M. Kadafi A, domicilié chez madame B, ...) ;
M. A demande à la Cour :
1°) à titre principal, d'annuler, d'une part, l'ordonnance n° 0708560 en date du 7 octobre 2010, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 28 décembre 2007, par lequel le préfet de la Savoie a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, des décisions distinctes du même jour fixant le pays de destination de cette mesure de police et ordonnant son placement en centre de rétention administrative ;
2°) d'annuler les décisions attaquées ;
3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer jusqu'à ce que la juridiction judiciaire ait définitivement statué sur sa nationalité ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2000 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Il soutient que l'ordonnance par laquelle le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa requête est entachée d'erreur de fait dès lors qu'il a saisi le juge judiciaire d'une action déclaratoire de nationalité ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 28 janvier 2011, présenté par le préfet de la Savoie, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que l'arrêté de reconduite à la frontière édicté à l'encontre de M. A est suffisamment motivé et que la décision fixant le pays de destination respecte les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 avril 2011 :
- le rapport de M. Bézard, président,
- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
Considérant que M. A a contesté devant le Tribunal administratif de Lyon la mesure de reconduite à la frontière édictée à son encontre, le 28 décembre 2007, par le préfet de la Savoie ; que, par jugement du 31 décembre 2007, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a décidé, d'une part, de surseoir à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur le point de savoir si M. A était Français au motif que la question de la nationalité de M. A soulevait une question sérieuse dont dépendait la solution du litige pendant devant le juge de la reconduite à la frontière et relevant de la compétence de l'autorité judiciaire, et, d'autre part, d'accorder à M. A un délai de deux mois à l'issue duquel l'intéressé devait justifier de ses diligences à saisir la juridiction compétente ; que, si M. A soutient qu'il a informé le Tribunal administratif de Lyon, par lettre du 6 février 2008, de ce qu'il avait saisi le Tribunal de grande instance de Chambéry d'une action déclaratoire de nationalité pendant le délai imparti, alors que ladite assignation n'est intervenue que le 22 avril 2008, il ressort des pièces du dossier que M. A avait saisi, dès le mois d'octobre 2007, le Tribunal d'Instance de Marseille d'une demande de certificat de nationalité française, lequel a refusé de délivrer un tel certificat le 15 mai 2008 ; qu'ainsi, l'ordonnance litigieuse du 7 octobre 2010 par laquelle le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. A au motif qu'il n'avait pas accompli les diligences nécessaires dans le délai qui lui avait été imparti est entachée d'une erreur de fait ; qu'en conséquence, il y a lieu, pour ce motif, de l'annuler ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. A, tant devant le Tribunal administratif que devant la Cour ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière... ; qu'aux termes de l'article L. 111-1 du même code : Sont considérées comme étrangers au sens du présent code les personnes qui n'ont pas la nationalité française (...) ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 30 du code civil que la charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause sauf s'il est titulaire d'un certificat de nationalité française, et que l'exception de nationalité ne constitue, en vertu des dispositions de l'article 29 du code civil, une question préjudicielle que si elle présente une difficulté sérieuse ;
Considérant que M. A soutient qu'il est français par filiation dès lors que M. C, qu'il présente comme son père, a conservé la nationalité française, par déclaration reçue devant le juge d'instance de Saint-Denis de la Réunion, le 10 avril 1978 ; qu'il produit, pour établir sa filiation, un acte de naissance en date du 20 février 1975, et se prévaut de ses démarches engagées, le 22 avril 2008, auprès du Tribunal de grande instance de Chambéry et de l'ordonnance rendue par ce même tribunal se déclarant incompétent au profit du Tribunal de grande instance de Marseille ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que, par décision du 15 mai 2008, le Tribunal d'Instance de Marseille, saisi en octobre 2007 par M. A, a refusé la délivrance du certificat de nationalité française sollicité ; qu'il n'est pas établi que cette décision a été ultérieurement infirmée par une juridiction compétente ; que les pièces produites par M. A ne permettent pas davantage d'infirmer ladite décision et ne sont pas de nature à susciter une difficulté sérieuse qui justifierait qu'il soit sursis à statuer ; que, par suite, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ;(...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité comorienne, est entré régulièrement en France dans le courant du mois de novembre 2004, sous couvert d'un visa court séjour, valable du 10 novembre 2004 au 24 janvier 2005, et s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 28 décembre 2007, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ; que cette décision n'est pas entachée d'illégalité ;
Sur la décision ordonnant le placement de M. A en rétention administrative :
Considérant que la décision litigieuse a été signée par M. Pierre Ravanat, directeur de l'administration générale et de la réglementation à la préfecture de la Savoie ; qu'il ressort de l'arrêté préfectoral du 23 juillet 2007, que le préfet de la Savoie a donné une délégation de signature à M. Ravanat, au titre des dispositions générales, à l'effet de signer tous les actes, correspondances administratives et transmissions diverses relevant des attributions du ministère de l'intérieur à l'exclusion des arrêtes et actes règlementaires ; que ne figurent pas dans la liste des matières pour lesquelles M. Ravanat a reçu délégation de signature, au titre des dispositions particulières, les décisions ordonnant le placement de personnes en rétention administrative ; que, par suite, la décision ordonnant son placement en rétention administrative qui est entachée d'un vice d'incompétence, est illégale et doit être annulée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est seulement fondé à demander l'annulation de la décision le plaçant en centre de rétention administrative ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative s'opposent à ce que M. A, qui succombe dans l'instance, ou son conseil, puisse obtenir le remboursement des frais de l'instance non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 0708560 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon en date du 7 octobre 2010 est annulée.
Article 2 : La décision du directeur de l'administration générale et de la réglementation de la préfecture de la Savoie du 28 décembre 2007 ordonnant le placement en rétention administrative de M. A est annulée.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. A devant le Tribunal administratif de Lyon et devant la Cour administrative d'appel est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Kadafi A, au préfet de la Savoie et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Lu en audience publique, le 18 mai 2011.
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N° 10LY02515
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