Vu la requête, enregistrée par télécopie le 4 décembre 2009 et régularisée par courrier le 7 décembre 2009, présentée pour M. Jacques A, domicilié au ... ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand nos 0801608, 0801606, 0801607, 0801610 du 6 octobre 2009 en ce qu'il rejette les conclusions de ses demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2003 ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2003 ou, à titre subsidiaire, de réduire le montant de ces impositions en ramenant à 467 011,50 euros, au lieu de 870 336 euros, le supplément de plus-value imposable au titre de l'année 2003 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que le fait générateur de l'impôt remontait à 1994, date de cession du bien immobilier, ainsi que le reconnaissait la doctrine administrative sous la référence 8 M 3111 avant la réforme de 2004, et que les délais de reprise prévus par les articles L. 169 et L. 170 du livre des procédures fiscales étaient expirés ; que, si on retient la date à laquelle le supplément de prix est devenu définitif, la plus-value imposée devait être rattachée à l'année 2004 ; que l'imposition au titre de l'année 2003 devrait tenir compte de la revalorisation du bien et des abattements prévus par la loi ; que le supplément de prix devait être regardé comme une indemnité exonérée d'impôt ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 8 juin 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que si le fait générateur de la plus-value initiale est la vente ayant eu lieu en 1994, les vendeurs ont réalisé en 2003 une plus-value supérieure à celle constatée en 1994 ; que la révision du prix de vente issue d'une procédure contentieuse opposant les parties à l'acte, générant une plus-value complémentaire, doit être imposée au titre de l'année d'intervention de l'élément nouveau, conformément à l'article 12 du code général des impôts ; que l'événement générant un complément de plus-value est intervenu en 2003 et que le délai de reprise prévu à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales n'était pas expiré en décembre 2005 ; que le délai prévu par l'article L. 170 du même livre est par suite sans incidence sur le présent litige ; que l'arrêt de la Cour d'appel de Rennes du 5 juin 2003 n'a pas révélé l'existence d'un revenu mais a fixé de manière définitive le montant du complément de prix venant s'ajouter au prix fixé en 1994 ; que la Cour d'appel de Rennes n'a ni annulé la vente réalisée en 1994, ni déterminé le prix qui aurait dû être déterminé à cette époque, mais a fixé un complément de prix qui ne peut être regardé comme un revenu de l'année 1994 ; que ce complément de prix est un revenu imposable au titre de l'année 2003 ; que ce complément de prix ne peut pas être qualifié d'indemnité ; que l'arrêt de la Cour d'appel de Rennes du 15 janvier 2004 ne fait que corriger une erreur de calcul de 13 centimes d'euros sur le montant du juste prix et le mode de calcul des intérêts, qui n'ont pas été pris en compte pour le calcul de la plus-value réalisée ; que si le complément de prix a été fixé de manière définitive en 2003, la vente a eu lieu en 1994, date à retenir pour l'évaluation du coefficient monétaire et pour le calcul de la durée de détention ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 30 juillet 2010, présenté pour M. A, qui maintient ses conclusions ;
Il soutient, en outre, que les dispositions de l'article 12 du code général des impôts ne s'appliquent que sous réserve de dispositions spécifiques en sens contraire et qu'il résultait des dispositions de l'article 150 S de ce code, dans sa rédaction alors en vigueur, que l'imposition devait être établie au titre de l'année au cours de laquelle la cession était intervenue, ainsi que l'indiquait la doctrine administrative antérieure à la loi de 2004 sous la référence 8 M 3111 ;
Vu le mémoire, enregistré le 2 juin 2011, présenté pour M. A, qui maintient ses conclusions par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003, notamment son article 10 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juillet 2011 :
- le rapport de M. Pourny, premier conseiller ;
- les observations de Me Echezar, avocat de M. A ;
- et les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;
La parole ayant à nouveau été donnée à Me Echezar ;
Considérant que M. A et son épouse ont cédé en 1994, à la commune de Saint-Barthélemy d'Anjou, diverses parcelles de terrains qu'ils avaient acquises en 1990 ; que la Cour d'appel de Rennes a confirmé, par un arrêt du 2 octobre 2001, le jugement du Tribunal de grande instance de Nantes prononçant la rescision pour lésion de plus des sept douzièmes de la vente de ces terrains, sous réserve du droit de la commune de Saint-Barthélemy d'Anjou d'offrir le supplément du juste prix conformément aux dispositions de l'article 1681 du code civil ; que le montant de ce supplément du juste prix a été fixé par un arrêt de la Cour d'appel de Rennes du 5 juin 2003, rectifié pour erreur matérielle par un arrêt du 15 janvier 2004 ; que la commune a procédé au versement d'une somme de 134 102 euros, en 2002, et d'une somme de 1 702 038 euros, en 2003, en tant que supplément du juste prix, afin de ne pas avoir à restituer ces terrains ; que l'administration fiscale a adressé le 15 décembre 2005, à M. A, une proposition de rectification afin de taxer ces sommes, sur le fondement des articles 150 A et suivants alors en vigueur du code général des impôts, au titre des années 2002 et 2003, en tant que plus-values immobilières complémentaires de celle réalisée en 1994 ; que M. A, séparé de son épouse et ayant perçu la moitié de ces sommes, a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2002 et 2003 à raison des sommes qu'il a reçues ; que par un jugement du 6 octobre 2009, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, estimant que la cession des terrains était devenue définitive en 2003, a prononcé la décharge des impositions mises en recouvrement au titre de l'année 2002 et laissé à la charge de M. A celles établies au titre de l'année 2003 ; que M. A conteste ce jugement en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il reste assujetti au titre de l'année 2003 ;
Sur le bien-fondé des impositions restant en litige :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 150 A du code général des impôts, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 : Sous réserve des dispositions particulières qui sont propres aux bénéfices professionnels et aux profits de construction, les plus-values effectivement réalisées par les personnes physiques ou des sociétés de personnes lors de la cession à titre onéreux de biens ou de droits de toute nature sont passibles : (...) 2° De l'impôt sur le revenu suivant les règles particulières définies aux articles 150 B à 150 T, selon que ces plus-values proviennent de biens immobiliers cédés plus de deux ans (...) après l'acquisition (...) ; qu'aux termes de l'article 150 H, alors en vigueur, du même code : La plus-value imposable en application de l'article 150 A est constituée par la différence entre le prix de cession et le prix d'acquisition par le cédant. (...) et qu'aux termes de l'article 150 S du même code, dans sa rédaction antérieure à ladite loi : Les plus-values imposables sont déclarées dans les mêmes conditions que le revenu global et sous les mêmes sanctions. L'impôt est établi au titre de l'année de la cession. (...) ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1674 du code civil : Si le vendeur a été lésé de plus de sept douzièmes dans le prix d'un immeuble, il a le droit de demander la rescision de la vente, quand bien même il aurait expressément renoncé dans le contrat à la faculté de demander cette rescision, et qu'il aurait déclaré donner la plus-value. ; qu'aux termes de l'article 1675 du même code : Pour savoir s'il y a lésion de plus de sept douzièmes, il faut estimer l'immeuble suivant son état et sa valeur au moment de la vente. (...) et qu'aux termes de l'article 1681 dudit code : Dans le cas où l'action en rescision est admise, l'acquéreur a le choix ou de rendre la chose en retirant le prix qu'il en a payé, ou de garder le fonds en payant le supplément du juste prix, sous la déduction du dixième du prix total. Le tiers possesseur a le même droit, sauf sa garantie contre son vendeur. ;
Considérant que si pour se prononcer sur l'existence de la lésion, il convient, aux termes de l'article 1675 du code civil, de prendre en considération la valeur de l'immeuble au jour de la vente, il résulte des dispositions de l'article 1681 du même code que la somme que doit payer l'acheteur pour échapper à la restitution de l'immeuble, lorsque la lésion est reconnue, doit être calculée d'après le juste prix du bien vendu correspondant à sa valeur réelle à l'époque où doit intervenir le versement, lequel a pour objet d'assurer la réparation de la lésion ; que, dès lors, cette somme ne constitue pas un élément du prix de cession de l'immeuble ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la somme perçue par M. A en 2003 ne pouvait pas être imposée sur le fondement des dispositions précitées des articles 150 A et suivants du code général des impôts, applicables aux cessions intervenues avant le 1er janvier 2004, en tant qu'élément d'une plus-value immobilière ; que l'administration fiscale ne proposant aucune autre base légale pour les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales restant en litige, M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses conclusions tendant à la décharge de ces impositions ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A d'une somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 6 octobre 2009 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. A tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2003.
Article 2 : M. A est déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2003.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. A en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jacques A et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.
Délibéré après l'audience du 5 juillet 2011 à laquelle siégeaient :
M. Le Gars, président de la Cour,
MM. Chanel et Duchon-Doris, présidents de chambre,
M. Montsec, président-assesseur,
MM. Raisson, Pourny et Lévy-Ben Cheton, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 12 juillet 2011
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N° 09LY02755