Vu la requête, enregistrée le 11 décembre 2009 au greffe de la Cour, présentée pour la COOPERATIVE BEURRIERE DE SAINT-TRIVIER-DE-COURTES, dont le siège est à Saint-Trivier-de-Courtes (01560), représentée par son représentant légal ;
La COOPERATIVE BEURRIERE DE SAINT-TRIVIER-DE-COURTES demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance nos 0403312-0608381, en date du 2 octobre 2009, par laquelle le président de chambre du Tribunal administratif de Lyon n'a fait droit que partiellement à ses demandes tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une indemnité fixée d'abord à la somme de 21 789,01 euros puis à la somme de 28 781,05 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices qu'elle a subis en raison des modalités de suppression de la règle dite du décalage d'un mois et de l'insuffisance du taux d'intérêt qui lui a été alloué au titre des années 1993 à 2002, en lui opposant la prescription quadriennale pour ce qui concerne ses conclusions relatives aux années 1993 à 1999 ;
2°) d'écarter la prescription quadriennale qui lui a été opposée par l'administration pour ce qui concerne ses conclusions relatives aux années 1993 à 1999 ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 28 781,05 euros, assortie des intérêts moratoires capitalisés ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros, à lui verser au titre des frais irrépétibles ;
Elle soutient que :
- cette ordonnance est irrégulière, dans la mesure où la demande comportait des questions de droit nouvelles qui n'avaient pas été tranchées par le Conseil d'Etat ;
- cette ordonnance n'a pas répondu à tous les moyens soulevés et est entachée d'un défaut de motivation ;
- la prescription quadriennale qui lui a été opposée par l'administration a été accueillie à tort par le premier juge, dans la mesure où elle ne disposait d'aucun droit acquis ni à acquérir, au sens des dispositions de la loi du 31 décembre 1968, sur le terrain de la responsabilité tant au regard du droit national qu'au regard du droit communautaire ; elle ne pouvait pas avoir connaissance de sa créance ;
- l'ordonnance attaquée, qui lui a ainsi opposé la prescription quadriennale pour ce qui concerne ses conclusions relatives aux années 1993 à 1999, porte une atteinte disproportionnée à ses biens au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette ordonnance méconnaît en outre son droit à un recours effectif au sens des stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle constitue en effet une interprétation déraisonnable d'une exigence procédurale au sens de la jurisprudence de la Cour européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la prescription quadriennale ne pouvait pas ainsi être opposée à une créance indemnitaire tirée de la non-conformité des arrêtés appliqués à une stipulation conventionnelle, seule la prescription trentenaire de droit commun étant applicable dans ce cas ;
- la notion de droit acquis au sens de la loi du 31 décembre 1968 telle qu'interprétée par le premier juge est contraire aux stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le délai de prescription n'a pas pu commencer à courir en l'espèce avant les décisions du Conseil d'Etat du 31 juillet 2009 ; elle ne pouvait pas connaître jusque là l'existence de sa créance, faute de droit acquis ; toute autre interprétation de la loi du 31 décembre 1968 serait inconstitutionnelle, le délai de prescription ne pouvant courir à l'encontre de celui qui ne peut agir ; la prescription quadriennale qui lui a été opposée méconnaît les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales puisqu'elle ne pouvait contester cette constitutionnalité ;
- le recours pour excès de pouvoir introduit par une autre société le 22 avril 2002 a été de nature à interrompre de délai de prescription à son égard ; en effet, tout recours formé devant une juridiction relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance interrompt le cours du délai quel que soit l'auteur de ce recours ;
- la prescription quadriennale qui lui a été opposée est discriminatoire ; elle est contraire au principe de l'égalité des armes entre l'administration et le contribuable et à l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard à la différence des régimes de prescription entre elle et l'Etat et à la rupture qui en résulte du juste équilibre entre la protection de la propriété et les exigences de l'intérêt général, selon le principe dégagé par l'arrêt CEDH, 25 juin 2009, n° 36963/06, Zouboulidis contre Grèce ;
- à titre subsidiaire, l'ordonnance attaquée doit être annulée pour avoir limité le montant du droit à réparation aux années 2000, 2001 et 2002, alors qu'il lui était possible de demander en 2000 le versement des intérêts afférents au montant de la créance détenue en 1998 et 1999 ;
- l'ordonnance attaquée méconnaît les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; les modalités de la suppression de la règle dite du décalage d'un mois et les taux d'intérêts alloués constituent en effet une discrimination contraire à ces stipulations et à celles de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; la nature des créanciers concernés ne pouvait pas justifier une différence de traitement, qui doit en principe poursuivre un but légitime et respecter un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé ; le coût budgétaire de l'opération ne pouvait constituer un tel but légitime ;
- l'ordonnance ne répond pas au moyen tiré de l'insuffisance de la rémunération eu égard au préjudice lié au retard de l'administration fiscale ;
Vu l'ordonnance attaquée ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 juillet 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ; le ministre conclut au rejet de la requête de la COOPERATIVE BEURRIERE DE SAINT-TRIVIER-DE-COURTES et à ce qu'une somme de 500 euros soit mise à la charge de celle-ci, à verser à l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que le président de chambre du Tribunal administratif de Lyon pouvait trancher l'affaire par ordonnance en application des dispositions du 6° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, dans la mesure où les questions posées avaient été déjà tranchées par le Conseil d'Etat par arrêts du 31 juillet 2009 ; que la prescription quadriennale pouvait être valablement opposée à ses conclusions relatives aux années 1993 à 1999 ; qu'à cet égard, la créance ne peut être rattachée à l'année au cours de laquelle est intervenue la décision juridictionnelle condamnant l'Etat ; que la société requérante ne peut pas invoquer l'absence de droit acquis ; qu'elle ne peut assimiler la notion de droit acquis au sens de la loi du 31 décembre 1968 et celle de biens au sens de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle a eu connaissance des taux appliqués au plus tard à la date des arrêtés qui les ont fixés, soit le 15 avril 1994 pour 1993, le 17 août 1995 pour 1994 et le 15 mars 1996 pour les années suivantes ; que la prescription quadriennale s'applique à toutes les dettes de l'Etat, y compris celles fondées sur une méconnaissance d'engagements internationaux ; qu'il n'y a pas eu atteinte en l'espèce au droit de la société requérante à un recours effectif, au sens de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la prescription quadriennale n'a pas été interrompue à l'égard de la société requérante par un recours en excès de pouvoir présenté le 22 avril 2002 par un tiers, alors que ce recours portait sur l'absence de remboursement de la créance dans des délais raisonnables et non sur les modalités de rémunération de la créance et que le dommage allégué est propre à chaque contribuable ; qu'il n'y a pas eu atteinte au principe de l'égalité des armes ni aux stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la date de versement des intérêts ne saurait constituer le point de départ du délai de prescription ; que le dispositif mis en place n'était pas incompatible avec les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne constituait pas une discrimination irrégulière, eu égard notamment au bénéfice retiré par les assujettis de la suppression de la règle du décalage d'un mois, à la nécessité de limiter l'impact budgétaire de l'opération et au fait que toutes les entreprises ont été remboursées intégralement ;
Vu la lettre en date du 25 mai 2011 par laquelle la Cour a informé les parties, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la formation de jugement était susceptible de fonder sa décision sur le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité de la requête en tant qu'elle tend à l'annulation des articles 1er et 2 de l'ordonnance attaquée, qui donnent partiellement satisfaction à la société requérante ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
Vu la loi n° 93-859 du 22 juin 1993 ;
Vu la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;
Vu le décret n° 2002-179 du 13 février 2002 relatif au remboursement par anticipation des créances sur le Trésor nées de la suppression de la règle du décalage d'un mois en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;
Vu l'arrêté du 15 avril 1994 fixant les modalités de paiement des intérêts des créances résultant de la suppression du décalage d'un mois ;
Vu les arrêtés des 17 août 1995 et 15 mars 1996 fixant le taux d'intérêt applicable à compter des 1er janvier 1994 et 1er janvier 1995 aux créances résultant de la suppression du décalage d'un mois ;
Vu l'arrêt du 18 décembre 2007 de la Cour de justice des communautés européennes rendu dans l'affaire C-368/06 Cedilac ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juillet 2011 :
- le rapport de M. Montsec, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;
Considérant que, par une première réclamation, en date du 16 janvier 2004 et reçue le 19 janvier 2004 par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, la COOPERATIVE BEURRIERE DE SAINT-TRIVIER-DE-COURTES a demandé le paiement d'une indemnité de 21 789,01 euros, outre les intérêts légaux, en réparation du préjudice financier qu'elle estime avoir subi en raison des conditions de remboursement de la créance qu'elle détenait sur le Trésor suite à la suppression de la règle dite du décalage d'un mois en matière de taxe sur la valeur ajoutée, plus particulièrement du fait de l'insuffisance des intérêts afférents à cette créance au titre des années 1993 à 2002 ; que l'indemnité ainsi demandée était calculée par différence entre les intérêts de retard auxquels elle estimait avoir droit sur cette créance au titre desdites années, tels que définis à l'article 1727 du code général des impôts, et les intérêts qui lui avaient été versés dans le cadre du dispositif particulier de remboursement de cette créance tel que défini par l'article 2 de la loi du 22 juin 1993 portant loi de finances rectificative pour l'année 1993 et ses décrets et arrêtés d'application ; que, par une seconde réclamation, en date du 10 août 2006, reçue le 14 août 2006, la COOPERATIVE BEURRIERE DE SAINT-TRIVIER-DE-COURTES a demandé, en réparation du même préjudice, le paiement d'une indemnité portée à la somme de 28 781,05 euros, incluant notamment une indemnité devant réparer la mauvaise foi de l'administration ; que la COOPERATIVE BEURRIERE DE SAINT-TRIVIER-DE-COURTES fait appel de l'ordonnance en date du 2 octobre 2009 par laquelle le président de chambre du Tribunal administratif de Lyon ne lui a accordé, en son article 1er, qu'une indemnité, qu'elle estime insuffisante, au titre des seules années 2000 à 2002, avant de rejeter, en son article 3, le surplus de ses demandes, en lui opposant notamment la prescription quadriennale pour ce qui concerne les années 1993 à 1999 ;
Sur la recevabilité de la requête :
Considérant que la COOPERATIVE BEURRIERE DE SAINT-TRIVIER-DE-COURTES est sans intérêt et, partant, sans qualité pour demander l'annulation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle lui a partiellement donné satisfaction en condamnant l'Etat, en son article 1er, à lui verser une indemnité au titre des années 2000 à 2002 et, en son article 2, à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que sa requête est donc, dans cette limite, irrecevable ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens relatifs à cette régularité :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : Les présidents de Tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : (...) 5° Statuer sur les requêtes qui ne présentent plus à juger de questions autres que la condamnation prévue à l'article L. 761-1 ou la charge des dépens ; 6° Statuer sur les requêtes relevant d'une série, qui sans appeler de nouvelle appréciation ou qualification de faits, présentent à juger en droit, pour la juridiction saisie, des questions identiques à celles qu'elle a déjà tranchées ensemble par une même décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux, ou examinées ensemble par un même avis par le Conseil d'Etat en application de l'article L. 113-1 ; 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé (...) ; qu'aux termes de l'article R. 742-2 du même code : (...) Dans le cas prévu au 6° des articles R. 122-12 et R. 222-1, l'ordonnance vise la décision ou l'avis par lequel ont été tranchées ou examinées les questions identiques à celles que la requête présente à juger ;
Considérant que le Conseil d'Etat a, par deux arrêts nos 316525 et 324925-325172, en date du 31 juillet 2009, auxquels se réfère l'ordonnance attaquée, tranché des questions relatives à la légalité du mécanisme de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée lié à la suppression de la règle dite du décalage d'un mois pour les années 1993 à 2002 ; que, cependant, les deux arrêts susmentionnés n'ont pas le même contenu et aucun des deux ne peut être regardé comme ayant tranché ensemble les questions posées ; qu'au surplus, ces deux arrêts n'ont pas statué sur plusieurs des moyens soulevés par la société requérante, en particulier sur ceux, visant à contester la prescription quadriennale opposée à la société requérante, tirés de ce que cette prescription quadriennale ne serait pas applicable à un préjudice lié à l'incompatibilité de la norme interne appliquée par rapport à la norme internationale supérieure, de l'absence de recours équitable en raison de l'impossibilité de soulever l'inconstitutionnalité de ce mécanisme de prescription quadriennale, de ce que le délai de prescription aurait été interrompu par un recours en excès de pouvoir formé par un tiers et enfin de l'atteinte aux principes d'égalité des armes et de non-discrimination ; qu'ainsi, les seules dispositions susmentionnées du 6° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ne suffisaient pas à permettre au président de chambre du Tribunal administratif de Lyon de statuer dans cette affaire par ordonnance ;
Considérant que les demandes présentées au Tribunal administratif de Lyon présentaient à juger des questions autres que la condamnation prévue à l'article L. 761-1 ou la charge des dépens, au sens des dispositions susmentionnées du 5° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ;
Considérant que l'ordonnance attaquée ne peut pas être regardée comme rejetant des requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, au sens des dispositions susmentionnées du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ;
Considérant qu'ainsi, le président de chambre du Tribunal administratif de Lyon n'était pas compétent pour rejeter par ordonnance les demandes présentées par la COOPERATIVE BEURRIERE DE SAINT-TRIVIER-DE-COURTES ; que son ordonnance doit donc être annulée, en tant qu'elle a rejeté, en son article 3, le surplus des demandes de la COOPERATIVE BEURRIERE DE SAINT-TRIVIER-DE-COURTES ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur le surplus desdites demandes, présentées par la COOPERATIVE BEURRIERE DE SAINT-TRIVIER-DE-COURTES devant le Tribunal administratif de Lyon ;
Sur les demandes d'indemnité :
En ce qui concerne l'existence d'une faute de l'Etat de nature à engager sa responsabilité :
Considérant que, par les dispositions de l'article 2 de la loi du 22 juin 1993 portant loi de finances rectificative pour 1993, le législateur a mis fin à la règle dite du décalage d'un mois , selon laquelle les assujettis ne pouvaient pas déduire immédiatement de la taxe sur la valeur ajoutée dont ils étaient redevables la taxe payée sur les biens ne constituant pas des immobilisations et sur les services, la déduction ne pouvant être opérée que le mois suivant ; qu'afin d'étaler sur plusieurs années l'incidence budgétaire de ce changement de règle, qui entraînait l'imputabilité sur la taxe due par les assujettis au titre du premier mois de sa prise d'effet, soit le mois de juillet 1993, de la taxe ayant grevé des biens et services acquis au cours de deux mois, soit les mois de juin et juillet 1993, les dispositions du II du même article 2 de la loi du 22 juin 1993, insérant dans le code général des impôts un article 271 A, ont prévu que, sous réserve d'exceptions et d'aménagements divers, les redevables devraient soustraire du montant de la taxe déductible ainsi déterminé celui d'une déduction de référence (...) égale à la moyenne mensuelle des droits à déduction afférents aux biens ne constituant pas des immobilisations et aux services qui ont pris naissance au cours du mois de juillet 1993 et des onze mois qui précèdent , que les droits à déduction de la sorte non exercés ouvriraient aux redevables une créance (...) sur le Trésor (...) convertie en titres inscrits en compte d'un égal montant , que des décrets en Conseil d'Etat détermineraient, notamment, les modalités de remboursement de ces titres, ce remboursement devant intervenir à hauteur de 10 % au minimum pour l'année 1994 et pour les années suivantes de 5 % par an au minimum (...) et dans un délai maximal de vingt ans , et, enfin, que les créances porteraient intérêt à un taux fixé par arrêté du ministre du budget sans que ce taux puisse excéder 4,5 % ; que le décret du 14 septembre 1993 a prévu le remboursement dès 1993 de la totalité des créances qui n'excédaient pas 150 000 francs et d'une fraction au moins égale à cette somme et au plus égale à 25 % du montant des créances qui l'excédaient, le taux d'intérêt applicable en 1993 étant fixé à 4,5 % par un arrêté du 15 avril 1994 ; que le décret du 6 avril 1994 a prévu le remboursement du solde des créances à concurrence de 10 % de leur montant initial en 1994 et de 5 % chaque année suivante, le taux d'intérêt étant fixé à 1 % pour 1994, puis à 0,1 % pour les années suivantes, par les arrêtés du 17 août 1995 et du 15 mars 1996 ; qu'enfin, le décret du 13 février 2002 a prévu le remboursement anticipé immédiat des créances non encore soldées, et celui des créances non encore portées en compte dès leur inscription ;
Considérant, en premier lieu, que, selon les dispositions de l'article 17, paragraphe 1, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires applicable au présent litige, le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible et que, selon l'article 18, paragraphe 2, de la même directive, la déduction est opérée par imputation sur le montant de la taxe due pour une période de déclaration du montant de la taxe pour laquelle le droit à déduction a pris naissance au cours de la même période ; que l'article 28, paragraphe 3, sous d) a toutefois prévu que les Etats membres pourraient pendant une période transitoire continuer à appliquer des dispositions dérogeant au principe de la déduction immédiate prévue par l'article 18, paragraphe 2 ;
Considérant que, par un arrêt du 18 décembre 2007 rendu dans l'affaire C-368/06 SA Cedillac dans le cadre de la procédure de questions préjudicielles, la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que les articles 17 et 18 de la sixième directive ne s'opposent pas au régime transitoire institué par la France à l'occasion de la suppression de la règle du décalage d'un mois autorisée par l'article 28, paragraphe 3, sous d) de la même directive, pour autant qu'il soit vérifié par le juge national que, dans son application au cas d'espèce, le régime transitoire réduit les effets de la disposition nationale dérogatoire antérieure ; qu'il suit de là que la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en instaurant un tel régime transitoire, qui lui est plus favorable que les règles prévalant antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi de finances rectificative pour 1993, dès lors notamment qu'il permet à la créance née de sa mise en oeuvre de produire des intérêts et limite la créance de l'assujetti qui n'est pas immédiatement remboursable au seul montant d'une déduction de référence égale à la moyenne mensuelle des droits à déduction acquis des mois d'août 1992 à juillet 1993, et alors même qu'un tel système lui serait moins favorable que l'application pure et simple du principe de déduction immédiate prévu par la directive, le dispositif législatif en cause serait contraire aux dispositions des articles 17 et 18 de la sixième directive ; que la société requérante n'est pas davantage fondée à soutenir que ce dispositif méconnaîtrait les principes prévus par les articles 17 et 18 de la sixième directive eu égard à la seule circonstance que le taux de rémunération de la créance sur l'Etat prévu par l'arrêté du 15 mars 1996 était inférieur à celui d'autres créances sur l'Etat rémunérées au taux du marché ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou tout autre situation ; que les dispositions des 1 à 5 de l'article 271 A du code général des impôts issues du II de l'article 2 de la loi du 22 juin 1993 n'ont conduit à reporter le remboursement que d'une somme représentant un mois moyen d'excédent de taxe et non de la totalité des excédents qui ont pu être constatés, somme calculée sur une période allant du 1er août 1992 au 31 juillet 1993 et, ainsi, pour les onze douzièmes, antérieure à l'entrée en vigueur de la nouvelle rédaction du 3 du I de l'article 271 du code général des impôts, issue du I de l'article 2 de la loi du 22 juin 1993, et suppriment le décalage d'un mois ; que, s'agissant des assujettis relevant du régime réel normal d'imposition, l'article 8 du décret du 14 septembre 1993 a prévu le remboursement immédiat de la totalité des créances n'excédant pas 150 000 francs et, à concurrence de 25 %, le remboursement immédiat des créances d'un montant supérieur, avec un minimum de 150 000 francs ; que ce texte, dès lors, d'une part, qu'il a garanti aux titulaires d'une créance excédant 150 000 francs un remboursement d'un montant au moins égal à cette somme et, d'autre part, qu'il était applicable à l'ensemble des entreprises assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée sous le régime réel normal d'imposition et leur a permis d'obtenir le remboursement intégral desdites créances, n'a créé aucune discrimination avec les titulaires de créances d'un montant inférieur et n'a pas eu pour effet de créer une différence de traitement injustifiée entre redevables de la taxe sur la valeur ajoutée selon la taille des entreprises concernées, alors même qu'il n'était pas applicable aux contribuables placés sous un autre régime d'imposition, qui ne se trouvaient pas de ce fait dans une situation identique ; qu'en outre, la circonstance que les assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée concernés par le dispositif de remboursement progressif des créances nées de la suppression du décalage d'un mois avaient la qualité de créancier de l'Etat n'imposait pas de leur réserver un traitement identique aux autres créanciers de l'Etat, notamment les porteurs d'obligations assimilables du Trésor, qui ne se trouvaient pas dans la même situation ; que les différences de rémunération afférentes aux titres de ces deux catégories de créanciers présentaient ainsi une justification objective ; qu'il suit de là que, si les créances de taxe sur la valeur ajoutée nées de l'instauration d'un régime de déduction immédiate, supérieures à un certain montant, ont fait l'objet d'un remboursement différé et ont donné lieu à un niveau de rémunération inférieur à celui des taux d'intérêts du marché ou à ceux auxquels peuvent prétendre d'autres catégories de créanciers de l'Etat, la distinction ainsi introduite par le législateur et qui est pertinente au regard des buts poursuivis n'a pas abouti à des effets disproportionnés au regard des buts poursuivis et ne pouvait pas être regardée comme une discrimination prohibée par les stipulations combinées des articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;
Considérant, en troisième lieu, que le moyen tiré de ce que la France aurait méconnu les obligations de communication à la Commission européenne des mesures prises aux fins de se conformer à la sixième directive, prévues par la dix-huitième directive 89/465/CEE du 18 juillet 1989, en ne communiquant pas à celle-ci les mesures prises dans le cadre de l'instauration du régime transitoire institué à l'occasion de la suppression de la règle du décalage d'un mois , doit être écarté comme étant, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité du système de remboursement des créances sur le Trésor mis en place dans le cadre de ce régime ;
Considérant, toutefois, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ; que les stipulations précitées ne faisaient pas obstacle, en elles-mêmes, à la mise en oeuvre d'un dispositif transitoire destiné à répartir sur plusieurs années la charge de remboursement de la créance née de la suppression de la règle du décalage d'un mois , ni même à ce que la créance sur le Trésor public mentionnée par le II de l'article 2 de la loi du 22 juin 1993 fût rémunérée à un taux inférieur à celui applicable aux autres créances sur l'Etat compte tenu de l'intérêt qui s'attachait à la conciliation de l'instauration d'un régime de droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée se rapprochant des règles de droit commun prévues par la sixième directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 avec la nécessité de limiter l'impact budgétaire d'une telle mesure ; qu'il suit de là que les dispositions de l'article 271 A du code général des impôts, en ce qu'elles se bornaient à plafonner à 4,5 % le taux de rémunération des créances sur le Trésor public résultant de la suppression du décalage d'un mois en matière de taxe sur la valeur ajoutée, n'étaient pas, par elles-mêmes, contraires aux stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il en va de même des dispositions de l'arrêté du 15 avril 1994 fixant à 4,5 % le taux d'intérêt rémunérant ces mêmes créances au titre de l'année 1993, dès lors, compte tenu notamment de l'origine de ces créances, qu'elles préservaient un juste équilibre entre le respect des biens des contribuables et les motifs d'intérêt général avancés par l'administration ; qu'en revanche, compte tenu notamment du caractère incessible des créances mentionnées à l'article 271 A du code général des impôts et du délai dans lequel ces dernières ont été remboursées, le ministre chargé du budget ne pouvait, sans porter une atteinte excessive au droit des redevables de la taxe sur la valeur ajoutée au respect de leurs biens, fixer par les arrêtés du 17 août 1995 et du 15 mars 1996 des taux de rémunération de ces créances s'établissant respectivement, pour les intérêts échus au cours de l'année 1994 et ceux dus à compter du 1er janvier 1995, à 1 % et à 0,1 % ; que l'Etat a commis, ce faisant, une faute de nature à engager sa responsabilité ;
En ce qui concerne la prescription quadriennale opposée par le ministre :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. (...) ; que selon l'article 2 de cette même loi : La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...) / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...) / Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ; / Toute émission de moyen de règlement, même si ce règlement ne couvre qu'une partie de la créance ou si le créancier n'a pas été exactement désigné. / Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée. ; qu'aux termes de l'article 3 de cette loi : La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, (...) ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement. ; qu'aux termes de l'article 4 : Les dispositions de la présente loi ne s'appliquent pas en matière de remboursement de dépôts et de consignations, non plus qu'aux intérêts des sommes déposées ou consignées. ; qu'enfin, aux termes de l'article 7 de la même loi : L'administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond (...) ;
Considérant que l'administration a opposé devant les premiers juges et persiste à opposer en appel aux conclusions de la COOPERATIVE BEURRIERE DE SAINT-TRIVIER-DE-COURTES, relatives aux années 1993 à 1999, l'exception de prescription quadriennale, dans les conditions fixées par les dispositions susrappelées de la loi du 31 décembre 1968 ;
Considérant que la COOPERATIVE BEURRIERE DE SAINT-TRIVIER-DE-COURTES fait valoir que la prescription quadriennale qui lui est ainsi opposée est discriminatoire au sens des stipulations susrappelées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et contraire au principe de l'égalité des armes entre l'administration et le contribuable et porte une atteinte disproportionnée à ses biens au sens des stipulations susrappelées de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, en premier lieu, que les indemnités demandées par la COOPERATIVE BEURRIERE DE SAINT-TRIVIER-DE-COURTES ont la nature d'un bien au sens des stipulations susmentionnées de l'article 1er du premier protocole à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, en second lieu, que le seul fait que les prétentions de la société requérante puissent être soumises à un délai de prescription n'est pas en lui-même incompatible avec les stipulations susmentionnées de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, cependant, avant l'intervention de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile, dont les dispositions ne sont pas applicables aux contentieux en cours à la date de sa publication, le délai de prescription de droit commun, opposable aux créances ordinaires de l'Etat en vertu des dispositions de l'ancien article 2227 du code civil, était fixé à trente ans par les dispositions de l'ancien article 2262 du code civil ; qu'ainsi, eu égard au mode de calcul de la prescription quadriennale, le délai pendant lequel l'Etat aurait pu faire valoir d'éventuelles créances à l'encontre de la société requérante était entre six fois et sept fois et demi supérieur à celui prévu pour que ladite société puisse faire valoir ses propres créances à l'encontre de l'Etat ; que le souci d'apurer de manière prompte les dettes de l'Etat et d'éviter de surcharger son budget de dépenses imprévues ne saurait suffire à justifier un tel écart entre les délais de prescription concernant l'Etat d'une part et la société requérante d'autre part ; qu'ainsi, en raison de cet écart, l'application de la prescription quadriennale à la créance dont la société requérante demandait le paiement doit être regardée comme ayant porté atteinte au droit de celle-ci au respect de ses biens et comme ayant rompu le juste équilibre à ménager entre la protection de la propriété et les exigences de l'intérêt général ; que, dans ces conditions, la COOPERATIVE BEURRIERE DE SAINT-TRIVIER-DE-COURTES est fondée à soutenir que l'application de la prescription quadriennale à sa créance, pour les années 1993 à 1999, est incompatible avec les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens dirigés par la société requérante à l'encontre de l'exception de prescription quadriennale opposée par le ministre, celle-ci doit être écartée ;
En ce qui concerne l'évaluation du préjudice indemnisable :
Considérant, en premier lieu, qu'il sera fait une juste appréciation de la rémunération à laquelle la société requérante peut prétendre en la calculant, compte tenu de l'origine de la créance et de la nécessité de concilier une rémunération effective de cette créance au regard de l'évolution générale des taux d'intérêt et des prix avec les contraintes d'intérêt général de limitation de l'impact budgétaire de la mesure, sur la base d'un taux d'intérêt équivalent à la moitié du taux applicable aux obligations assimilables du Trésor, soit, respectivement, 3,60 %, 3,76 %, 3,15 %, 2,80 %, 2,30 %, 2,35 %, 2,70 %, 2,50 % et 2,40 % pour les années 1994 à 2002 ;
Considérant, en second lieu, que si la requérante fait état, dans sa seconde réclamation, d'un préjudice complémentaire, évalué à 20 % du préjudice invoqué dans sa première réclamation, en raison de la mauvaise foi de l'administration, elle n'établit pas l'existence d'un préjudice distinct de celui résultant de l'insuffisance des taux d'intérêts retenus ; que les conclusions qu'elle présente à ce titre doivent par suite être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne, la COOPERATIVE BEURRIERE DE SAINT-TRIVIER-DE-COURTES n'est pas fondée à demander une indemnité au titre de l'année 1993, le taux d'intérêt appliqué à sa créance étant alors de 4,5 % ; qu'elle n'est pas davantage fondée à demander la condamnation de l'Etat à lui payer une indemnité supplémentaire au titre des années 2000 à 2002, au-delà de celle qui lui a été accordée en première instance ; qu'il y a lieu en revanche de condamner l'Etat, en réparation du préjudice subi par la COOPERATIVE BEURRIERE DE SAINT-TRIVIER-DE-COURTES du fait de l'insuffisante rémunération de sa créance, à verser à celle-ci, au titre des années 1994 à 1999, une indemnité d'un montant correspondant à la différence entre la rémunération calculée sur les bases susmentionnées et celle qui lui avait été allouée, calculée sur la base d'un taux d'intérêt de 1 % pour l'année 1994 et de 0,1 % pour les années suivantes ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
Considérant qu'en application des articles 1153 et 1154 du code civil, la COOPERATIVE BEURRIERE DE SAINT-TRIVIER-DE-COURTES a droit aux intérêts au taux légal sur la somme susmentionnée à compter du 19 janvier 2004, date de la réception de sa demande d'indemnisation par l'administration ; que ces intérêts seront capitalisés à compter du 11 décembre 2009, date d'enregistrement de la présente requête dans laquelle cette capitalisation est demandée pour la première fois, puis à chaque échéance annuelle ultérieure ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la COOPERATIVE BEURRIERE DE SAINT-TRIVIER-DE-COURTES et non compris dans les dépens ;
Considérant en revanche qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de satisfaire la demande présentée sur le même fondement par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ;
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance nos 0403312-0608381 du président de chambre du Tribunal administratif de Lyon, en date du 2 octobre 2009, est annulée en tant qu'en son article 3 elle rejette le surplus des conclusions de la demande de la COOPERATIVE BEURRIERE DE SAINT-TRIVIER-DE-COURTES.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à la COOPERATIVE BEURRIERE DE SAINT-TRIVIER-DE-COURTES, au titre des années 1994 à 1999, une somme calculée selon les modalités définies ci-dessus, assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2004. Ces intérêts seront eux-mêmes capitalisés à la date du 11 décembre 2009, ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure.
Article 3 : L'Etat versera à la COOPERATIVE BEURRIERE DE SAINT-TRIVIER-DE-COURTES une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des demandes présentées par la COOPERATIVE BEURRIERE DE SAINT-TRIVIER-DE-COURTES devant le Tribunal administratif de Lyon et des conclusions de sa requête est rejeté.
Article 5 : Les conclusions du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de la COOPERATIVE BEURRIERE DE SAINT-TRIVIER-DE-COURTES en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la COOPERATIVE BEURRIERE DE SAINT-TRIVIER-DE-COURTES et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.
Délibéré après l'audience du 5 juillet 2011 à laquelle siégeaient :
M. Le Gars, président de la Cour,
MM. Chanel et Duchon-Doris, présidents de chambre,
M. Montsec, président-assesseur,
MM. Raisson, Pourny et Lévy-Ben Cheton, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 12 juillet 2011.
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N° 09LY02812
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