Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 8 mars 2010 sous le n° 10LY00619, présentée pour la COMMUNE DE VILLARODIN-BOURGET, représentée par son maire en exercice, par Me Fiat ;
La COMMUNE DE VILLARODIN-BOURGET demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Grenoble n° 0701159 du 30 décembre 2009 qui a annulé, sur la demande de Mlle et de M. Hans Jan E B, la délibération de son conseil municipal du 19 décembre 2006 portant approbation du plan local d'urbanisme ;
2°) de rejeter la demande présentée au Tribunal par Mlle de et M. B ;
3°) subsidiairement, d'annuler ledit jugement en tant qu'il n'a pas prononcé une annulation partielle, limitée à la seule censure du plan local d'urbanisme en ce qu'il crée une zone d'urbanisation future AUz au lieudit L'Ours / Le Pinet ;
4°) subsidiairement, en cas de confirmation totale ou partielle de l'annulation prononcée par le jugement attaqué, de différer dans le temps les effets de cette annulation ;
5°) de condamner Mlle de et de M. B, ensemble, à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La COMMUNE DE VILLARODIN-BOURGET soutient que le Tribunal a retenu à tort, sur le fondement de l'article L. 123-10 du code de l'urbanisme, le moyen tiré du caractère incomplet du dossier soumis à l'enquête publique ; qu'en effet, la circonstance que les avis des personnes publiques consultées n'ont pas été mentionnés dans la liste des pièces annexes dressée par le commissaire-enquêteur ne peut suffire à établir que ces avis ne figuraient pas dans le dossier d'enquête ; que cette liste ne prétend pas rendre compte de l'intégralité du dossier ; que les avis des services de l'Etat n'ont pas été paraphés par le commissaire-enquêteur, mais sont expressément mentionnés et commentés dans le corps de son rapport ; que les autres personnes publiques associées à la procédure, dûment consultées, n'ont pas émis d'avis ; qu'aucune disposition n'imposait d'annexer les demandes d'avis qui leur ont été adressées ou leurs propres courriers indiquant qu'elles n'avaient aucune observation à formuler ; que le Tribunal a également retenu à tort le moyen pris de la violation du III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme, concernant l'institution d'une zone AUz au lieudit L'Ours / Le Pinet ; que cette zone, contrairement à ce qu'énonce le jugement attaqué, se situe bien dans la continuité de la station de La Norma, même si elle n'en jouxte pas directement la zone urbaine en raison de la présence d'une doline et de contraintes paysagères liées à la préservation d'une crête boisée ; que cette zone, desservie et déjà en partie déjà bâtie, doit recevoir un lotissement composé de petits chalets, adapté aux exigences particulières du site ; qu'en tout état de cause, la censure de ce classement, si elle devait être confirmée, devrait conduire à une annulation seulement partielle de la délibération contestée ; qu'eu égard à la forte pression foncière à laquelle la commune est confrontée, à la nécessité de maîtriser son urbanisation alors que l'ancien plan d'occupation des sols est devenu obsolète, l'intérêt général exige que l'annulation prononcée, si elle devait être confirmée, ne prenne effet qu'à l'expiration du délai d'un an à compter de l'arrêt à intervenir ;
Vu le jugement attaqué et la délibération contestée ;
Vu le mémoire, enregistré le 12 juillet 2010, présenté pour Mlle et pour M. Hans Jan D B par Me Agostini, concluant au rejet de la requête et à la condamnation de la COMMUNE DE VILLARODIN-BOURGET à leur verser la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Mlle de et M. B soutiennent que la requête de la commune paraît tardive et, par suite, irrecevable ; que l'exigence fixée par l'article L. 123-10 du code de l'urbanisme, imposant d'annexer les avis des personnes publiques consultées au dossier soumis à l'enquête, revêt le caractère d'une formalité substantielle ; que le dossier d'enquête doit apporter par lui-même la preuve de sa composition régulière ; que l'avis rendu par le préfet de la Savoie le 17 juillet 2006 n'apparaît pas dans l'énumération des pièces contenues dans le dossier présenté au public, telles qu'elles ont été inventoriées par le commissaire-enquêteur ; que la brève mention qui en est faite dans le rapport de ce dernier ne saurait faire présumer que ledit avis figurait au dossier ; que l'irrégularité commise est d'autant plus dommageable que le préfet formulait des critiques importantes sur le projet de plan local d'urbanisme ; que le principe de l'urbanisation en continuité de l'existant posé par le III de l'article L. 145-3 est manifestement méconnu par la création de la zone AUz du lieudit L'Ours / Le Pinet, sans que le commune ne puisse se prévaloir des exceptions prévues par cette disposition ; que cette zone est située à plusieurs dizaines de mètres des constructions les plus proches de la station de La Norma, dont elle est séparée par une crête boisée ; que la présence de constructions éparses dans le secteur de L'Ours ne saurait caractériser une continuité, dès lors qu'elles ne forment pas un groupe d'habitations au sens de l'article L. 145-3 et sont en tout état de cause éloignées, elles aussi, de plusieurs dizaines de mètres de la zone litigieuse AUz ; que le préfet, dans l'avis susmentionné, exprimait ses doutes quant à la validité de ce zonage ; que, comme l'a relevé le même avis, le plan d'indexation en Z est incomplet en ce qu'il n'évalue pas les risques dans les zones AUb1z à La Norma et AUaz des Rangs au Bourget ; qu'il relève de façon erronée la gravité moyenne du risque de glissement de terrain dans le secteur AUb1z du Coulomb ; que le risque important relevé dans le secteur de L'Ours / Le Pinet caractérise l'erreur manifeste d'appréciation entachant son classement en zone AUz ; que l'insuffisante capacité du réseau d'alimentation en eau potable imposait, en application de l'article R. 123-6 du code de l'urbanisme, d'ajourner l'ouverture à l'urbanisation des zones AUb1z Coulomb, AUb2z Tennis et AUb4z Buffetaz et entache ainsi d'erreur manifeste d'appréciation leur classement en zone AU indicée ; que la demande de modulation dans le temps des effets de l'annulation est incohérente, en ce qu'elle est motivée à la fois par le risque d'un défaut de maîtrise de l'urbanisation et par le fait que la remise en vigueur de l'ancien plan aboutirait à geler toute urbanisation ; que les autorisations d'urbanisme ne constituant pas des actes d'application du plan local d'urbanisme, l'annulation rétroactive de ce dernier n'a pas pour effet de les remettre en cause ; qu'il n'existe aucun intérêt général à maintenir, même temporairement, un document d'urbanisme établi en violation manifeste des dispositions issues de la loi Montagne ; que les nouvelles dispositions de l'article L. 123-19 b) du code de l'urbanisme, issues de la loi du 3 août 2009, suffisent à tempérer les effets de l'annulation d'un plan local d'urbanisme en permettant de procéder à la révision simplifiée du précédent plan ;
Vu le mémoire, enregistré le 21 octobre 2010, présenté pour la COMMUNE DE VILLARODIN-BOURGET, concluant aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;
La commune ajoute que l'avis des services de l'Etat, commenté par le commissaire-enquêteur en son rapport, figurait nécessairement au dossier soumis à l'enquête publique, qui est le seul document de travail dont dispose cet auxiliaire ; que la barre d'immeuble Le Tetras se situe à une cinquantaine de mètres des maisons situées au lieudit L'Ours, desservies par l'ensemble des réseaux et séparées du reste de la station par une falaise interdisant toute construction ; que le moyen tiré du défaut de prise en compte des risques naturels et du caractère manifestement erroné, pour cette raison, de certains classements, est dépourvu de précisions suffisantes pour en apprécier le bien fondé ; que les secteur de L'Ours - Le Pinet et de La Buffetaz ont été classés en zone AU stricte, conformément aux recommandations des services de l'Etat, de sorte que le moyen pris de la méconnaissance de l'article R. 123-6 est à leur propos dépourvu de toute consistance ; que le classement en zone AUb des secteurs du Coulomb et du Tennis se justifie parfaitement, dès lors qu'ils se situent en continuité de zones agglomérées ; qu'il convient de faire mention d'un nouveau captage d'eau au col de La Masse, permettant d'alimenter à lui seul tout le village du Bourget ; que le fonctionnement des canons à neige n'opère aucun prélèvement sur le réseau d'eau potable, dont la capacité demeure ainsi constante en saison touristique ;
Vu l'ordonnance du 22 décembre 2010 fixant la clôture de l'instruction, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, au 31 janvier 2011 à 16 heures 30 ;
Vu le mémoire, enregistré le 4 janvier 2011, présenté pour Mlle et pour M. Hans Jan D B, concluant aux mêmes fins que dans leur précédent mémoire ;
Vu le mémoire, enregistré le 27 janvier 2011, présenté pour la COMMUNE DE VILLARODIN-BOURGET, concluant aux mêmes fins que la requête et le précédent mémoire ;
Vu l'ordonnance du 7 février 2011 reportant la clôture de l'instruction, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, au 31 mars 2011 à 16 heures 30 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 18 octobre 2011, présentée pour la COMMUNE DE VILLARODIN-BOURGET ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 octobre 2011 :
- le rapport de M. Zupan, président-assesseur ;
- les observations de Me Harel, représentant la SCP Caillat Day Dreyfus Medina Fiat, avocat de la COMMUNE DE VILLARODIN-BOURGET, et celles de Me Benages, représentant GB2A-Seine Avocats associés, avocat des défendeurs ;
- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
- la parole ayant été à nouveau donnée aux parties présentes ;
Considérant que la COMMUNE DE VILLARODIN-BOURGET relève appel du jugement, en date du 30 décembre 2009, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé, sur la demande de Mlle et de M. Hans Jan E B, la délibération de son conseil municipal du 19 décembre 2006 portant approbation du plan local d'urbanisme ;
Sur la légalité de la délibération contestée :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 123-10 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de la délibération contestée : Le projet de plan local d'urbanisme est soumis à enquête publique par le maire. Le dossier soumis à l'enquête comprend, en annexe, les avis des personnes publiques consultées ; que cette dernière exigence est reprise par l'article R. 123-19 du même code ; que le commissaire-enquêteur, qui a dressé en introduction de son rapport la liste, réputée exhaustive, des multiples pièces composant le dossier soumis à l'enquête publique, n'y a pas fait état de l'avis émis par le préfet de la Savoie le 17 juillet 2006 ; qu'il ne l'a pas davantage mentionné au titre des pièces annexes, revêtues de son paraphe, répertoriées au chapitre IV dudit rapport ; que s'il l'a en a cité un extrait dans le corps de ce dernier, cette circonstance, d'où se déduit seulement qu'il a pu quant à lui en prendre connaissance, ne peut faire présumer que l'avis en cause a été joint au dossier mis à la disposition du public ; que le certificat établi en ce sens par l'actuel maire de Villarodin-Bourget le 15 novembre 2010, soit plus de quatre ans après les faits litigieux, lesquels se sont déroulés sous le mandat et la responsabilité de son prédécesseur, est dépourvu de valeur probante ; que le Tribunal administratif de Grenoble s'est dès lors à bon droit fondé sur les dispositions précitées du code de l'urbanisme pour annuler la délibération du 19 décembre 2006 ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes du III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme : Sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées, l'urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants (...). Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas dans les cas suivants : a) Lorsque le schéma de cohérence territoriale ou le plan local d'urbanisme comporte une étude justifiant, en fonction des spécificités locales, qu'une urbanisation qui n'est pas située en continuité de l'urbanisation existante est compatible avec le respect des objectifs de protection des terres agricoles, pastorales et forestières et avec la préservation des paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel prévus aux I et II ainsi qu'avec la protection contre les risques naturels (...) ; b) En l'absence d'une telle étude, le plan local d'urbanisme ou la carte communale peut délimiter des hameaux et des groupes d'habitations nouveaux intégrés à l'environnement ou, à titre exceptionnel et après accord de la chambre d'agriculture et de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites, des zones d'urbanisation future de taille et de capacité d'accueil limitées, si le respect des dispositions prévues aux I et II ou la protection contre les risques naturels imposent une urbanisation qui n'est pas située en continuité de l'urbanisation existante ; qu'il ressort des pièces du dossier que la zone à urbaniser AUz créée par le plan local d'urbanisme contesté aux lieux-dits L'Ours et Le Pinet est située à environ cinquante mètres des immeubles les plus proches de la station de sport d'hiver de La Norma, dont elle est d'ailleurs séparée par des parcelles nues classées en zone naturelle ; que la circonstance que cette interruption de zonage , comme la qualifie le rapport de présentation, est due à des obstacles naturels, tels une falaise ou des dolines, ainsi qu'à la nécessité de préserver une crête boisée, est dépourvue d'incidence sur la mise en oeuvre du principe d'urbanisation en continuité de l'existant posé par les dispositions précitées ; que la violation de celles-ci a dès lors été à bon droit retenue par les premiers juges ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE VILLARODIN-BOURGET n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé la délibération du 19 décembre 2006 ;
Sur les conclusions de la COMMUNE DE VILLARODIN-BOURGET tendant à la modulation dans le temps des effets de l'annulation prononcée :
Considérant que l'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu ; que, toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation ; qu'il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de celle-ci contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine ;
Considérant que l'annulation de la délibération litigieuse a pour effet de remettre en vigueur le plan d'occupation des sols approuvé en 1996, lequel, en vertu du b) de l'article L. 123-19 du code de l'urbanisme et en raison même de cette annulation, peut faire l'objet de révisions simplifiées pendant le délai de deux ans suivant la décision du juge devenue définitive ; que ni la pression foncière à laquelle la COMMUNE DE VILLARODIN-BOURGET se dit exposée, ni la nécessité invoquée de mieux maîtriser son développement urbain ne figurent au nombre des motifs d'intérêt général susceptibles de fonder légalement un effet différé des effets de l'annulation prononcée par le jugement attaqué ; que les conclusions présentées à cette fin ne sauraient dès lors être accueillies ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mlle de et M. B, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, soient condamnés à payer à la COMMUNE DE VILLARODIN-BOURGET la somme qu'elle réclame en remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de ladite commune le versement de la somme de 1 200 euros au bénéfice de Mlle de et M. B, ensemble, sur le fondement des mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la COMMUNE DE VILLARODIN-BOURGET est rejetée.
Article 2 : La COMMUNE DE VILLARODIN-BOURGET versera à Mlle de et à M. B, ensemble, la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE VILLARODIN-BOURGET, à Mlle et à M. Hans Jan E B.
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2011, où siégeaient :
M. Moutte , président de chambre,
M. Bézard, président,
M. Zupan, président-assesseur.
Lu en audience publique, le 25 octobre 2011.
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N° 10LY00619
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