Vu la requête, enregistrée le 29 novembre 2010 au greffe de la Cour, présentée pour la SOCIETE W 69, dont le siège est 6 rue des Aulnes à Champagne au Mont d'Or (69140) ;
La SOCIETE W 69 demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0805633 du 28 septembre 2010 du Tribunal administratif de Lyon, en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande de décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er juillet 1997 au 31 décembre 1999 ;
2°) de prononcer ladite décharge dans son intégralité ;
La SOCIETE W 69 soutient qu'au regard de l'instruction 3 CA-136 nos 263 et 264 du 7 août 2003, le refus de l'administration de considérer déductible la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a acquittée pour des opérations imposables à propos desquelles ses fournisseurs ont omis, par erreur, de mentionner cette taxe, alors que ni la réalité de l'opération économique, ni sa bonne foi n'ont été remises en cause, n'est pas justifié ; que l'administration a méconnu l'article 262 ter du code général des impôts en l'assujettissant à la taxe sur la valeur ajoutée pour des livraisons de véhicules réalisées vers d'autres Etats de la communauté européenne ; que le bénéfice des instructions administratives 3-A-97 du 28 mars 1997 et 07-045 du 20 juillet 2007, ainsi que de la doctrine administrative 3 A-3211 du 20 octobre 1999, en matière de preuve de livraison intracommunautaire, doit lui être accordé ; qu'elle a justifié, notamment par des documents authentifiés par les services préfectoraux, de la réalité de l'expédition hors du territoire national des véhicules vendus ; qu'il appartient à l'administration, qui entend remettre en cause l'authenticité de ces documents, d'apporter des indices sérieux du caractère fictif des opérations ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que, s'agissant des livraisons intracommunautaires non justifiées, les justificatifs produits par la société requérante ne sont pas de nature à démontrer l'effectivité de l'expédition ou du transport des biens dans un autre Etat membre de la communauté européenne ; que la charge de la preuve est celle de la preuve objective ; que la SOCIETE W 69 ne peut se prévaloir de l'instruction 3 A-3-97 du 26 mars 1997, dès lors qu'elle n'a produit aucun des justificatifs visés par cette instruction ; que, s'agissant des déductions opérées au titre des factures ne mentionnant pas la taxe sur la valeur ajoutée, la société ne produit aucune nouvelle pièce susceptible de remettre en cause le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 20 septembre 2011, présenté pour la SOCIETE W 69 qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 octobre 2011 :
- le rapport de Mme Besson-Ledey, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;
S'agissant des livraisons intracommunautaires litigieuses :
Considérant qu'aux termes de l'article 262 ter du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " I. - Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : 1° Les livraisons de biens expédiés ou transportés sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne à destination d'un autre assujetti ou d'une personne morale non assujettie. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée des livraisons intracommunautaires de biens est notamment subordonnée à la condition, d'une part, que l'acquéreur desdits biens soit assujetti à cette taxe ou ait la qualité de personne morale non assujettie et ne bénéficiant pas dans l'Etat membre dans lequel elle est établie d'un régime dérogatoire l'autorisant à ne pas soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée ses acquisitions intracommunautaires et, d'autre part, que le bien ait été expédié ou transporté hors de France par le vendeur, par l'acquéreur ou par un tiers pour leur compte, à destination d'un autre Etat membre ; que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération ; que, s'agissant de la réalité de la livraison d'une marchandise sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne, pour l'application des dispositions précitées de l'article 262 ter du code général des impôts, seul le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est en mesure de produire les documents afférents au transport de la marchandise, lorsqu'il l'a lui-même assuré, ou tout document de nature à justifier la livraison effective de la marchandise, lorsque le transport a été assuré par l'acquéreur ;
Considérant que la SOCIETE W 69 soutient avoir livré des véhicules automobiles en Italie, en Espagne et en Belgique au cours de la période du 1er juillet 1997 au 31 décembre 1999, en franchise de taxe sur la valeur ajoutée ; que, pour établir la réalité de ces livraisons, elle se borne à fournir des factures de vente et un état dressé par les services préfectoraux des véhicules cédés ainsi que de leur destination, qui ne sauraient toutefois établir la réalité des livraisons intracommunautaires, enfin des certificats de cession mais qui ne sont pas revêtus du cachet de l'entreprise destinataire confirmant par écrit la réception des biens ; que les attestations des acquéreurs qu'elle a, par ailleurs, produites, confirmant la livraison par route des véhicules, ne sont pas suffisantes pour démontrer la réalité des livraisons alléguées dès lors que l'administration relève, d'une part, que la société requérante ne fournit aucun document attestant d'échanges commerciaux avec les sociétés étrangères, ni bon de commande ou bon de livraison et que la plupart des ventes n'ont pas fait l'objet de règlements directs par les sociétés étrangères, mais de compensations avec des sociétés françaises intermédiaires, alors que ce mode de règlement particulier ne s'est pas retrouvé pour d'autres livraisons intracommunautaires non remises en cause et, d'autre part, que tous les véhicules dont s'agit ont été de nouveau immatriculés en France, 60 % d'entre eux l'ayant été au cours d'une période inférieure à trois mois et les autres dans le délai d'un an ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a refusé d'admettre les ventes des véhicules dont s'agit au bénéfice de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue par les dispositions précitées de l'article 262 ter du code général des impôts ;
Considérant que la SOCIETE W 69 n'est pas fondée, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, à se prévaloir du bénéfice des instructions 3-A-97 du 28 mars 1997 et 07-045 du 20 juillet 2007, ainsi que de la doctrine administrative 3 A-3211 du 20 octobre 1999, en matière de preuve de livraison intracommunautaire, qui ne donnent pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il lui a été fait application ;
S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée non mentionnée sur les cinq factures restant en litige :
Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs vendeurs, dans la mesure où ces derniers étaient légalement autorisés à la faire figurer sur lesdites factures (...) " ; qu'aux termes de l'article 289 du même code : " I. Tout assujetti doit délivrer une facture ou un document en tenant lieu pour les biens livrés ou les services rendus à un autre assujetti ou à une personne morale non assujettie, ainsi que pour les acomptes perçus au titre de ces opérations lorsqu'ils donnent lieu à exigibilité de la taxe./ Tout assujetti doit également délivrer une facture ou un document en tenant lieu pour les livraisons de biens visées aux articles 258 A et 258 B et pour les livraisons de biens exonérées en application du I de l'article 262 ter et du II de l'article 298 sexies, ainsi que pour les acomptes perçus au titre de ces opérations. / (...) II. La facture ou le document en tenant lieu doit faire apparaître : 1° Par taux d'imposition, le total hors taxe et la taxe correspondante mentionnés distinctement ; 2° Les numéros d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée du vendeur et de l'acquéreur pour les livraisons désignées au I de l'article 262 ter et la mention "Exonération T.V.A., art. 262 ter I du code général des impôts ; (...) " ;
Considérant que les factures litigieuses ne font pas apparaître la taxe sur la valeur ajoutée que la société requérante aurait acquittée ; que, par suite, alors même que les factures en cause correspondraient à une opération économique réelle et que la SOCIETE W 69 aurait été de bonne foi, cette dernière ne peut, en application des dispositions susmentionnées de l'article 271 du code général des impôts, bénéficier du remboursement de la taxe qui aurait grevé les achats ayant fait l'objet de ces factures ;
Considérant que la SOCIETE W 69 n'est pas fondée, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, à se prévaloir du bénéfice de l'instruction 3 CA-136 nos 263 et 264 du 7 août 2003 qui ne donne pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il lui a été fait application ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE W 69 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIETE W 69 est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE W 69 et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.
Délibéré après l'audience du 6 octobre 2011 à laquelle siégeaient :
M. Duchon-Doris, président de chambre,
M. Montsec, président-assesseur,
Mme Besson-Ledey, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 octobre 2011.
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N° 10LY02669
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