Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 28 juin 2010 sous le n° 10LY01493, présentée pour la SCI MEYLAN-GRANIER, dont le siège est sis 6 avenue du Granier à Meylan (38240), représentée par Mme Janine Molina Guirado, en qualité de liquidateur, et la SARL RELAIS DE MEYLAN HOTELLERIE, dont le siège est sis 6 avenue du Granier à Meylan, représentée par Mme Janine Molina Guirado, en qualité de liquidateur, par Me Goarant ;
Elles demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Grenoble n° 0605203 du 29 avril 2010 qui a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Meylan à leur verser une indemnité de 432 000 euros ;
2°) de condamner la commune de Meylan à leur verser cette indemnité, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2006 ;
3°) de condamner la commune de Meylan à leur verser la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elles soutiennent que la commune a tout fait pour s'opposer, sans raison valable, au projet immobilier de la société Trignat Participations et à la délivrance du permis de construire faisant l'objet de la condition suspensive du compromis de vente passé avec cette société ; qu'ainsi, le refus de construire opposé le 6 novembre 2003 était entaché d'illégalité ; qu'en effet, le projet de résidence hôtelière de la société Trillat respectait les prescriptions du règlement du plan d'occupation des sols en matière d'emprise et de hauteur des constructions et était conforme à la vocation de la zone UZ ; que, contrairement à ce qu'énonce le jugement attaqué, le maire de Meylan ne s'était alors nullement borné à prendre acte du retrait, par le pétitionnaire de sa demande ; que cette renonciation résultait de la perspective, clairement annoncée par le maire dès le 2 octobre 2003, d'un refus de permis ; que le maire de Meylan a ensuite illégalement refusé d'enregistrer et d'instruire la seconde demande de permis de construire déposée par la société Trignat Participations le 8 décembre 2003 ; qu'après mise en demeure, il a pris un arrêté de sursis dépourvu de tout fondement et manifestant uniquement sa volonté de retarder le projet ; que la société Trignat Participations a dès lors été contrainte, une nouvelle fois, de retirer sa demande de permis de construire, et a dû se soumettre aux exigences de la commune pour élaborer un projet de moindre importance, comportant la construction de logements aidés ; que le maire a dès lors accepté d'abroger le sursis à statuer, ce qui suffit à démontrer que cette mesure était entachée de détournement de pouvoir ; que ce nouveau projet a induit la réévaluation du prix de vente du terrain dès lors porté de 1 677 000 euros, selon le compromis du 18 juillet 2003, à seulement 1 245 000 euros ; que les illégalités commises par le maire de Meylan sont constitutives de fautes engageant la responsabilité de la commune ;
Vu le mémoire, enregistré le 27 janvier 2011, présenté pour la commune de Meylan, représentée par son maire en exercice, par Me Pyanet, concluant au rejet de la requête et à la condamnation de la SCI MEYLAN-GRANIER et de la SARL RELAIS DE MEYLAN HOTELLERIE à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient qu'aucun refus de permis de construire n'a jamais été opposé à la société Trignat Participations, de sorte que la demande indemnitaire des requérantes, fondée sur un acte inexistant, est dépourvue d'objet et, par suite, irrecevable ; que la décision portant sursis à statuer sur la seconde demande de permis ne faisant pas grief aux tiers, la SCI MEYLAN-GRANIER et la SARL RELAIS DE MEYLAN HOTELLERIE sont dépourvues d'intérêt pour agir à son encontre ; que la SARL RELAIS DE MEYLAN HOTELLERIE ne démontre d'ailleurs pas être propriétaire du terrain et n'établit pas le lien pouvant exister entre les faits reprochés à l'autorité d'urbanisme et la valorisation du mobilier qu'elle exploitait ; qu'en outre, la SCI MEYLAN-GRANIER, selon protocole d'accord signé le 22 juillet 2004, a renoncé à toute action contre la commune à raison des différends liés à l'instruction de la demande de permis de construire déposée le 8 décembre 2003 ; que, sur le fond, aucun refus n'a été opposé à la première demande de permis, qui a seulement été classée sans suite après que la société Trignat Participations l'a retirée ; que le document préparatoire dont se prévalent les requérantes ne constitue nullement une décision prise et signée par une autorité compétente ; que la deuxième demande de permis a été également retirée par le pétitionnaire, cela de façon spontanée ; que l'allégation de manoeuvres ou pressions est mensongère ; que la décision de sursis prise le 5 mars 2004 était justifiée, une procédure de révision du plan local d'urbanisme ayant été engagée ; que les requérantes ne formulent à son encontre aucun moyen de droit précis ; que le volume et l'implantation de la construction projetée portaient atteinte au caractère des lieux avoisinants ; que le secteur considéré avait été identifié comme secteur à potentiel dans le cadre de l'élaboration du futur plan local d'urbanisme ; qu'il a dès lors été fait application des articles L. 111-7 et L. 123-6 du code de l'urbanisme ; que le préjudice invoqué par les requérantes résulte de leurs propres négligences ; qu'il leur était en effet loisible de dénoncer le compromis en relevant que sa condition suspensive, tenant à l'obtention du permis de construire, n'avait pas été levée à la date indiquée ; qu'elles avaient également la possibilité de forcer la vente ou de mettre en jeu la responsabilité de l'acquéreur défaillant ; que le terrain a finalement été cédé à une autre personne que la société Trignat Participations, la SCCV City Lodge, et à un prix supérieur à la dernière offre de celle-ci ; que le chiffre de 1 677 000 euros ne correspond qu'à l'offre d'achat initiale, qui était valable seulement jusqu'au 16 juin 2003 ; que le compromis de vente du 18 juillet 2003 ne mentionne plus qu'un prix de 1 508 000 euros, de sorte que le préjudice allégué, à le supposer indemnisable, ne pourrait dépasser 263 000 euros ; qu'il n'a d'ailleurs jamais été justifié, par la production de l'acte de vente finalement passé, du prix effectivement convenu ;
Vu le mémoire, enregistré le 10 mars 2011, présenté pour la SCI MEYLAN-GRANIER et la SARL RELAIS DE MEYLAN HOTELLERIE, concluant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
Elles soutiennent en outre que la commune se méprend sur la notion d'intérêt pour agir et la nature de l'action dirigée contre elle, qui ne vise pas à l'annulation de décisions ; que le document préparatoire annonçant l'intention de rejeter la première demande de permis de construire a été remis en main propre à ; que la commune a ensuite elle-même considéré avoir opposé un refus ; que le retrait de la deuxième demande de permis de construire n'avait rien de spontané, le maire ayant déjà opposé une décision de sursis et fait pression pour contraindre la société Trignat Participations à élaborer un tout autre projet, ce à quoi elle est parvenue au moyen d'un protocole transactionnel ; que ce dernier est nul et de nul effet pour avoir été signé par le maire sans habilitation du conseil municipal ; que son contenu ne fait d'ailleurs qu'établir l'illégalité de la décision de sursis ; que la qualité pour agir de la SARL RELAIS DE MEYLAN HOTELLERIE est incontestable, le prix de cession étant ventilé entre immobilier et mobilier ; que les conditions du sursis à statuer n'étaient nullement réunies ; qu'en effet, la procédure d'élaboration du futur plan local d'urbanisme n'était pas suffisamment avancée pour justifier une telle mesure ; qu'il n'a jamais été expliqué en quoi le projet était de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan, au sens de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme ; que l'allégation de fautes commises par les exposantes est incompréhensible ; que l'on voit mal comment elles auraient pu rechercher la responsabilité de la société Trignat Participations alors que la condition suspensive n'était pas levée ; que la SCCV City Lodge s'est substituée à la société Trignat Participations, comme la possibilité en était expressément prévue par le compromis de vente ;
Vu le mémoire, enregistré le 18 avril 2011, présenté pour la commune de Meylan, concluant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Elle soutient que l'illégalité d'une décision administrative ne suffit pas à ouvrir droit à réparation, lequel est en outre subordonné à la preuve que cette décision est à l'origine du dommage invoqué ; que le maire bénéficiait d'une délégation générale de compétence, selon délibération du 10 mai 2004, l'autorisant notamment à défendre la commune dans toute action intentée contre elle ; que le protocole d'accord du 22 juillet 2004 avait pour objet de clore une telle action, la SCI MEYLAN GRANIER ayant formé un recours gracieux contre la décision de sursis à statuer du 5 mars 2004 ; que l'abrogation de cette décision n'a été que la conséquence du retrait de la demande de permis de construire et ne saurait révéler un quelconque détournement de pouvoir ; que la révision du plan d'occupation des sols avait été prescrite par délibération du 17 juin 2002, régulièrement publiée ; que la procédure était suffisamment avancée pour autoriser la mise en oeuvre de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme ; que l'acte notarié du 23 décembre 2005 diffère du compromis de vente du 18 juillet 2003 en ce qu'il porte seulement sur la cession d'un terrain bâti et de droits résultant d'un bail à construire ;
Vu l'ordonnance, en date du 9 mai 2011, fixant la clôture de l'instruction, conformément à l'article R. 613-1 du code de justice administrative, au 10 juin 2011 à 16 heures 30 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 novembre 2011:
- le rapport de M. Zupan, président-assesseur ;
- les observations de Me Goarant, représentant la SCP Montoya Pascal-Montoya Dorne et Goaran, avocat des requérants et celles de Me Pyanet, représentant le Cabinet Philippe Petit et associés, avocat du défendeur ;
- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
- la parole ayant été à nouveau donnée aux parties présentes ;
Considérant que la SCI MEYLAN-GRANIER et la SARL RELAIS DE MEYLAN HOTELLERIE, respectivement propriétaire et ancienne exploitante d'un hôtel de tourisme sis avenue de Granier à Meylan, ont passé avec la société Trignat Participations, le 22 juillet 2003, un compromis stipulant la vente du terrain et du bâti au prix de 1 508 000 euros et la vente du mobilier au prix de 92 000 euros, sous condition suspensive de l'obtention, par l'acquéreur, d'un permis de démolir et d'un permis de construire l'autorisant à édifier sur ce terrain un ensemble d'au moins 90 logements ; qu'après avoir déposé successivement, les 22 août puis 8 décembre 2003, deux demandes de permis de construire qui n'ont pas abouti, concernant la construction d'une résidence hôtelière d'une surface hors oeuvre nette de 4 487 m², la société Gilles Trignat Résidences, liée à la société Trignat Participations, a réduit les dimensions de son projet et finalement obtenu, le 11 mai 2005, l'autorisation de construire un bâtiment d'une surface hors oeuvre nette de 2 631 m² ; que la vente du terrain a été réalisée par acte notarié du 23 décembre 2005 avec la SCCV City Lodge, substituée à la société Trignat Participations, au prix de 1 245 000 euros ; que la SCI MEYLAN-GRANIER et la SARL RELAIS DE MEYLAN HOTELLERIE, estimant que la dévalorisation ainsi observée de leurs biens résulte des agissements fautifs du maire de Meylan en sa qualité d'autorité d'urbanisme, ont engagé une action en responsabilité contre cette commune, et relèvent appel du jugement, en date du 29 avril 2010, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à sa condamnation au paiement d'une indemnité de 432 000 euros ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir opposées par la commune de Meylan :
Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que la première demande de permis de construire de la société Gilles Trignat Résidences a été retirée par celle-ci le 9 octobre 2003 et dès lors classée sans suite par décision du maire de Meylan du 6 novembre 2003 ; qu'il ressort des pièces du dossier, il est vrai, que le service instructeur avait d'ores et déjà préparé un projet de refus de permis de construire motivé par le fait que le projet ne correspondait pas à la vocation de la zone UZ du plan d'occupation des sols, présentait des accès sur voirie excessivement dangereux et était de nature, en raison de son volume et de son implantation, à porter atteinte au caractère des lieux avoisinants ; que, toutefois, en admettant même que ce projet de décision ait été porté à la connaissance de la société Gilles Trignat Résidences avant le 9 octobre 2003 et ait déterminé le retrait de sa demande de permis de construire, les appelantes n'apportent aucune élément de nature à démontrer que ces motifs de refus étaient frappés d'illégalité et s'abstiennent notamment de toute critique visant le troisième d'entre eux, fondé sur les dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, qui eût suffi, en droit, à justifier un tel refus ; qu'ainsi, il n'est pas établi que la société Gilles Trignat Résidences aurait dû bénéficier dès la fin de l'année 2003 d'un permis de construire et que le maire de Meylan aurait commis, au cours de l'instruction de sa demande, une faute dans l'exercice de ses pouvoirs en matière d'urbanisme ;
Considérant, en second lieu, que la demande de permis de construire déposée le 8 décembre 2003 a fait l'objet, le 5 mars 2004, d'une décision de sursis à statuer prise sur le fondement de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme, en vertu duquel à compter de la publication de la délibération prescrivant l'élaboration d'un plan local d'urbanisme, l'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 111-8, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan ; qu'il résulte de l'instruction que le sursis à statuer litigieux est notamment motivé par l'implantation du projet dans un secteur à potentiel et sa proximité avec un projet de transport en commun en site propre nécessitant de nouveaux aménagements ; que le conseil municipal de Meylan avait prescrit la révision générale du plan d'occupation des sols de cette commune et l'élaboration d'un plan local d'urbanisme ; qu'à la date à laquelle est intervenue la décision de sursis à statuer, le secteur dit Vercors - Granier - Taillefer avait été identifié comme secteur à potentiel d'études en raison, notamment, de la perspective d'une ligne de transport en commun en site propre empruntant l'avenue du Granier, susceptible d'imposer la création d'emplacements réservés, et de la nécessité d'éviter une densification du bâti ; que les travaux préparatoires dans lesquels sont exposés ces éléments d'identification traduisent ainsi un état suffisamment avancé du futur plan local d'urbanisme pour permettre au maire de Meylan d'apprécier si le projet de la société Gilles Trignat Résidences était de nature à compromettre ou rendre plus onéreuse l'exécution de ce plan ; que les appelantes n'établissent pas, alors que le bâtiment projeté devait former un front bâti continu d'une hauteur avoisinant 11 mètres le long de l'avenue du Granier, que le maire de Meylan aurait fait une inexacte application des dispositions précitées ; qu'elles n'établissent pas davantage le détournement de pouvoir allégué ; que, dès lors, quelles qu'aient été les conditions dans lesquelles la société Gilles Trignat Résidences a ensuite retiré, une nouvelle fois, sa demande de permis de construire, la commune de Meylan ne saurait voir sa responsabilité engagée en raison de cette décision de sursis à statuer ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI MEYLAN-GRANIER et la SARL RELAIS DE MEYLAN HOTELLERIE ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Meylan, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à la SCI MEYLAN-GRANIER et à la SARL RELAIS DE MEYLAN HOTELLERIE la somme qu'elles réclament en remboursement des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par la commune de Meylan ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SCI MEYLAN-GRANIER et de la SARL RELAIS DE MEYLAN HOTELLERIE est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Meylan tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me Molina Guirado, en sa qualité de mandataire-liquidateur de la SCI MEYLAN-GRANIER et de la SARL RELAIS DE MEYLAN HOTELLERIE, et à la commune de Meylan.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2011, où siégeaient :
M. Moutte, président de chambre,
M. Bézard, président,
M. Zupan, président-assesseur.
Lu en audience publique, le 29 novembre 2011.
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