Vu la requête, enregistrée le 16 novembre 2010, présentée pour M. Henri A, domicilié ... ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0900275 du Tribunal administratif de Dijon du 23 septembre 2010 en tant que, par ce jugement, le Tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation du certificat d'urbanisme du 10 décembre 2008 par lequel le maire de la commune de Romenay (Saône-et-Loire), agissant au nom de l'Etat, a déclaré non réalisable le projet de construction d'une maison d'habitation sur les parcelles cadastrées H 843 et H 844 lui appartenant ;
2°) d'annuler ce certificat d'urbanisme négatif ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. A soutient que le Tribunal administratif n'a pas répondu avec la précision qui s'imposait au moyen tiré de ce que le terrain est suffisamment desservi en eau potable, contrairement à ce qu'indique le certificat d'urbanisme litigieux ; qu'ainsi, le Tribunal n'a pas satisfait aux exigences des articles L. 9 et R. 741-2 du code de justice administrative ; que cette affirmation, selon laquelle le terrain n'est pas suffisamment desservi par le réseau d'eau potable, n'est étayée par aucun élément et est contredite par les pièces du dossier, lesquelles font apparaître que la parcelle est desservie par tous les réseaux ; que le motif fondé sur l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme n'est, de même, pas assorti du moindre commencement de preuve et qu'il est entaché d'inexactitude matérielle et d'erreur de droit ; qu'à suivre le maire, il n'existerait aucun dispositif destiné à parer aux incendies pouvant survenir dans le groupe de six maisons d'habitation qui borde le terrain litigieux ; que la commune dispose d'une brigade de pompiers susceptible d'intervenir ; qu'il existe à moins de 300 mètres un étang profond qui constitue un réservoir d'eau important susceptible d'être utilisé ; qu'enfin, le Tribunal a inexactement interprété son moyen, tiré de la présence de plusieurs habitations au voisinage immédiat du terrain, au nord et à l'est ; qu'à l'instar de nombreuses communes de Saône-et-Loire, l'habitat traditionnel de la commune de Romenay est dispersé en petits hameaux de quelques maisons seulement ; que le terrain est compris dans un compartiment urbanistique homogène comportant un nombre de constructions non négligeable ; qu'en outre, le terrain est distant de seulement 180 mètres d'autres maisons, situées au sud-ouest ; qu'ainsi, le jugement attaqué est entaché d'inexactitude matérielle, d'erreur d'appréciation et d'erreur de droit ;
Vu le jugement attaqué ;
En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 31 août 2011, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 octobre 2011 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative, et notamment son article R. 613-3, en application duquel le mémoire produit le 17 novembre 2011 par le ministre de l'écologie, après la clôture de l'instruction, n'a pas été examiné par la Cour ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 décembre 2011 :
- le rapport de M. Chenevey, premier conseiller ;
- les observations de Me Chaton, représentant M. A ;
- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
La parole ayant à nouveau été donnée à la partie présente ;
Considérant que, par un jugement du 23 septembre 2010, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté les demandes de M. A tendant à l'annulation du certificat d'urbanisme du 10 décembre 2008 par lequel le maire de la commune de Romenay (Saône-et-Loire), agissant au nom de l'Etat, a déclaré non réalisable le projet de construction d'une maison d'habitation sur les parcelles cadastrées H 843 et H 844 lui appartenant et à l'allocation d'une somme de 2 000 euros ; que M. A relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de ce certificat d'urbanisme négatif ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme : Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : / a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ; / b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus (...) ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme : Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau (...) sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés (...) ; qu'aux termes de l'article R. 111-8 du même code : L'alimentation en eau potable (...) (doit) être (assurée) dans des conditions conformes aux règlements en vigueur ;
Considérant que le maire de la commune de Romenay a estimé que le projet de M. A de construire une maison d'habitation n'était pas réalisable par application de ces dispositions, dès lors que le terrain d'assiette de ce projet n'est pas suffisamment desservi par le réseau d'eau potable ; que, toutefois, M. A produit une attestation de la Société de distributions d'eau intercommunales, selon laquelle la conduite qui dessert le secteur des Nivres, dans lequel se situe ce terrain, d'un diamètre de 80 millimètres, est suffisante pour alimenter de nouvelles constructions ; qu'en revanche, le préfet de la Saône-et-Loire en première instance, puis le ministre de l'écologie en appel, n'ont versé au dossier aucun élément pour étayer ledit motif qui a été opposé à la demande de M. A ; que, dans ces conditions, ce dernier est fondé à soutenir que ce motif procède d'une erreur d'appréciation ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme prévoit qu' en l'absence de plan local d'urbanisme ou de carte communale opposable aux tiers, ou de tout document d'urbanisme en tenant lieu, seules sont autorisées, en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune , les constructions ou installations qui sont énumérées aux 1°, 2°, 3° et 4° du même article ; qu'à la date de la décision attaquée, la commune de Romenay n'était pas dotée d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu ; que le projet en vue duquel M. A a demandé un certificat d'urbanisme n'est pas au nombre des constructions et installations mentionnées aux 1°, 2°, 3° et 4° de l'article L. 111-1-2 précité du code de l'urbanisme ;
Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est situé à proximité directe d'un groupe de constructions, édifiées à quelques dizaines de mètres les unes des autres, qui s'est développé le long d'une voie communale ; qu'il est constant que ce terrain est desservi par cette voie et par les réseaux d'assainissement et d'électricité ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il est également desservi par le réseau d'eau potable ; que, dans ces conditions, le terrain doit être regardé comme se trouvant inclus dans les parties actuellement urbanisées de la commune de Romenay ; qu'en conséquence, contrairement à ce qu'a estimé le maire de cette commune, la règle précitée prévue par les dispositions de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme ne peut être opposée au projet de M. A ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme : En dehors des parties urbanisées des communes, le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature, par sa localisation ou sa destination : / a) A favoriser une urbanisation dispersée incompatible avec la vocation des espaces naturels environnants, en particulier lorsque ceux-ci sont peu équipés (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, ainsi qu'il a été dit précédemment, le terrain d'assiette du projet est situé à proximité directe d'un groupe de constructions implantées le long d'une voie communale ; que, si devant le Tribunal, le Préfet de Saône-et-Loire a fait valoir que ce terrain pourrait être utilisé pour l'agriculture, il n'apparaît pas qu'une construction sur celui-ci entraînerait une urbanisation incompatible avec la vocation des espaces naturels environnants ; que, par suite, M. A est fondé à soutenir qu'en opposant les dispositions précitées de l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme à sa demande, le maire de la commune de Romenay a commis une erreur d'appréciation ;
Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que des risques particuliers d'incendie existeraient dans le secteur dans lequel se situe le terrain d'assiette du projet ; que M. A fait valoir, sans être contredit, qu'un étang, susceptible d'être utilisé comme réservoir d'eau en cas d'incendie, se situe à environ 300 mètres de son terrain ; qu'en outre, il est constant que celui-ci est situé à proximité directe d'une parcelle sur laquelle a été construite une piscine ; que, dans ces conditions, le maire a commis une erreur d'appréciation en faisant application de l'article R. 111-2 précité du code de l'urbanisme au seul motif que le terrain n'est pas desservi par le réseau assurant la lutte contre l'incendie ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation du certificat d'urbanisme négatif du 10 décembre 2008 ; qu'en conséquence, il y a lieu d'annuler ce jugement, en tant qu'il rejette les conclusions tendant à l'annulation de cette décision, ainsi que cette dernière ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au bénéfice de M. A sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Dijon du 23 septembre 2010 est annulé.
Article 2 : Le certificat d'urbanisme négatif du 10 décembre 2008 du maire de la commune de Romenay est annulé.
Article 3 : L'Etat versera à M. A une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A et au ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
Délibéré à l'issue de l'audience du 6 décembre 2011, à laquelle siégeaient :
M. Moutte, président,
M. Zupan, président-assesseur,
M. Chenevey, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 janvier 2012.
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N° 10LY02554
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