Vu la requête, enregistrée le 29 décembre 2010, présentée pour la société ABB FRANCE, dont le siège social est 300 rue des Près Seigneurs, ZA La Boisse à Montluel cedex 01125 ;
La société ABB FRANCE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0807566 du 9 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspectrice du travail de Bourg en Bresse du 5 septembre 2008 refusant l'autorisation de licencier M. ;
2°) d'annuler cette décision et d'enjoindre à l'inspectrice du travail de lui accorder l'autorisation de licenciement ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que le jugement est irrégulier en ce que la minute du jugement ne comporte pas les signatures exigées par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ; que le jugement est insuffisamment motivé ; que la décision de l'inspectrice du travail ne satisfait pas à l'obligation de motivation ; que l'inspectrice du travail a disposé en temps utile du contenu du procès-verbal de la réunion du comité d'établissement du 1er juillet 2008 ; que l'exigence du reclassement ne doit pas remettre en cause le pouvoir de direction du chef d'entreprise ;
Vu un mémoire en défense, transmis par télécopie le 24 mars 2011, confirmée le 28 mars 2011, présenté pour M. tendant au rejet de la requête et à la condamnation de la société ABB FRANCE à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que la décision de l'inspectrice du travail est parfaitement motivée en droit et en fait ; qu'elle ne repose pas sur des faits inexacts, le procès-verbal intégral n'étant pas joint à la demande d'autorisation de licenciement ; que le poste de formateur à Montluel nécessitait des déplacements en France et à l'étranger ; que la mise en oeuvre de son reclassement pouvait donner lieu à une transformation de poste avec dispense des astreintes de nuit ; que de décembre 2005 à avril 2007, il a été maintenu dans son emploi de technicien sans astreinte ; qu'en avril 2007 il a été dispensé de toute activité comme technicien et que le travail de jour a été réparti entre les autres techniciens ;
Vu les mémoires complémentaires, enregistrés les 25 mai 2011 et 5 juillet 2011, présentés pour la société ABB FRANCE, tendant aux mêmes fins que sa requête, selon les mêmes moyens en les précisant sur certains points ; elle soutient, en outre, que l'article R. 2421-10 du code du travail n'exige pas la communication à l'inspecteur du travail de l'intégralité du procès-verbal du comité d'entreprise ; que la procédure contradictoire lui permet d'obtenir tous documents ; que le reclassement exigé par M. n'existait pas parmi les emplois disponibles dans l'entreprise ;
Vu l'ordonnance du 6 octobre 2011 fixant la clôture d'instruction au 4 novembre 2011 ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 11 juillet 1979 ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 décembre 2011 :
- le rapport de Mme Steck-Andrez, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que la minute du jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, a été signée par le président de la formation de jugement, par le rapporteur et par le greffier d'audience, conformément à ce que prévoit l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
Considérant qu'en vertu du code du travail, les délégués du personnel et les représentants syndicaux, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, ne peuvent être licenciés qu'avec l'autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique du salarié, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement, compte tenu des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, des règles applicables au contrat de travail du salarié, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise ; qu'aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. ;
Considérant que M. , salarié de l'entreprise ABB FRANCE dont le siège social est situé à Montluel (Ain), en poste à l'usine de Bègles (Gironde) et titulaire par ailleurs de mandats de représentation, est employé à la maintenance dans diverses sociétés papetières du Sud-Ouest ; que ce poste comporte des astreintes de nuit ; que le médecin du travail de Bordeaux, par avis du 14 décembre 2005 et du 26 juin 2006, a déclaré que son état de santé était compatible avec le poste de technicien d'intervention, sauf en ce qui concerne les astreintes de nuit ; que saisi par l'employeur en application de l'article L. 241-10-1 du code du travail, l'inspecteur du travail de Bourg-en-Bresse, par décision du 30 mars 2007, a estimé que M. était inapte à assurer son poste en totalité mais qu'un reclassement pouvait lui être proposé sur un poste ne comprenant pas d'astreinte de nuit nécessitant des trajets en voiture ; que la société ABB FRANCE a alors proposé à M. deux postes, à St Ouen l'Aumône (95) et à Montluel (01), que l'intéressé a refusés ; que l'employeur a présenté, le 16 mai 2007, une demande d'autorisation de licenciement pour inaptitude médicale, qui a été refusée par l'inspecteur du travail le 20 juillet 2007, au motif que l'impossibilité de reclassement n'était pas démontrée ; que cette décision est devenue définitive ; que la société ABB FRANCE a formulé deux nouvelles offres de reclassement, l'une sur un poste de formateur à Montluel, l'autre correspondant à une mission de quatre semaines dans les Vosges ; qu'à la suite du refus du salarié, l'employeur a présenté une nouvelle demande de licenciement pour inaptitude médicale le 4 juillet 2008 qui a donné lieu à un nouveau refus de l'inspecteur du travail, le 5 septembre 2008, au motif que la demande n'indique pas les raisons pour lesquelles un aménagement du poste de travail sans les astreintes ne serait pas possible ;
Considérant que la décision en litige du 5 septembre 2008, qui précise les éléments de droit sur lesquels elle repose, indique de manière circonstanciée les raisons pour lesquelles l'administration a considéré que la société ABB FRANCE n'avait pas satisfait à l'obligation de reclassement qui lui incombe ; que le moyen tiré de ce que cette décision ne serait pas suffisamment motivée au sens de la loi susvisée du 11 juillet 1979 ne peut qu'être écarté ;
Considérant que les propositions de postes à St Ouen l'Aumône et à Montluel impliquaient pour M. une mutation géographique ainsi qu'une modification de la nature des fonctions, le poste de formateur nécessitant en outre des déplacements à l'étranger ; que la mission temporaire de quatre semaines ne saurait constituer une offre sérieuse de reclassement ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la société ABB FRANCE aurait été dans l'impossibilité d'assurer le reclassement de M. dans de meilleures conditions, en particulier en adaptant son poste de travail, alors que depuis le premier avis médical du 14 décembre 2005, il n'effectuait plus les astreintes de nuit qui avaient été réparties entre ses collègues et qu'à partir du 4 avril 2007, l'entreprise leur avait confié le travail de jour de l'intéressé qu'elle avait dispensé de toute activité ; que, dans ces conditions, la société requérante ne peut être regardée comme ayant fait les efforts nécessaires de reclassement lui incombant ; que, par suite, l'inspecteur du travail, a pu légalement pour ce motif refuser le licenciement de M. ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société ABB FRANCE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué du 9 novembre 2010, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande dirigée contre la décision susmentionnée ; que sa demande d'injonction doit, par voie de conséquence, être rejetée ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions que la société ABB FRANCE présente sur le fondement de cet article ; qu'il y a lieu, en revanche, de la condamner à payer à M. la somme de 1 500 euros à ce même titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société ABB FRANCE est rejetée.
Article 2 : La société ABB FRANCE versera la somme de 1 500 euros à M. sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société ABB FRANCE, à M. Francis et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Délibéré après l'audience du 15 décembre 2011 à laquelle siégeaient :
Mme Steck-Andrez, président,
MM. Picard et Poitreau, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 12 janvier 2012.
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N° 10LY02944