Vu la requête, enregistrée le 14 février 2011, présentée pour la SOCIETE COVEA FLEET dont le siège est 160 rue Henri Champion à Le Mans (72000) ;
La SOCIETE COVEA FLEET demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0905181, en date du 16 décembre 2010, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département de la Savoie à lui verser la somme de 216 012,81 euros ;
2°) de condamner le département de la Savoie à lui verser ladite somme de 216 012,81 euros ;
3°) de mettre à la charge du département de la Savoie la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les conséquences dommageables de la chute du bloc de pierre n'étaient imputables ni à un défaut d'entretien normal de la voie publique, ni à une faute du président du conseil général dans l'exercice de ses pouvoirs de police ;
- que cette route est exceptionnellement dangereuse ;
- que l'expert géologue de la société Sages Ingénierie a souligné que la zone de départ du bloc de pierre présentait un placage d'argile très plastique et que l'inspection du versant réalisée le 6 mars 2006 révélait l'existence de risques élevés de départ de bloc isolé de 0,5 à 1 m³ depuis les crêtes et la partie supérieure du versant ;
- que la jurisprudence considère que même en l'absence de précédent de chute de pierres la responsabilité du maître d'ouvrage est engagée dès lors que les caractéristiques dangereuses de la falaise d'où provenait le rocher en cause lui imposaient de mettre en place une signalisation appropriée et une surveillance régulière de la voie à cet endroit ;
- qu'en l'espèce l'accident à l'origine de préjudice subi par ses assurés est consécutif à un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public imputable au département de la Savoie ainsi qu'aux carences du président du conseil général dans l'exercice de ses pouvoirs de police ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 mai 2011, présenté pour le département de la Savoie, qui conclut :
- à titre principal, au rejet la requête ;
- à titre subsidiaire, à ce que l'indemnisation des préjudices soit limitée dans les conditions suivantes : 10 520 euros au titre du préjudice matériel ; 5 428,61 euros au titre des frais d'obsèques ; 40 000 euros au titre du préjudice moral de M. A ; 40 000 euros au titre du préjudice moral de Mme A ; 12 000 euros au titre du préjudice moral de Mme B ; 12 000 euros au titre du préjudice moral de M. C ; 12 000 euros au titre du préjudice moral de Mme D ; 5 000 euros au titre du préjudice moral de Fabien E ;
Il soutient :
- s'agissant du principe de la responsabilité, qu'il ressort des conclusions expertales que le secteur d'où est parti le bloc de pierre n'était pas répertorié comme étant à risque et ne nécessitait donc aucune surveillance particulière ni aucune signalisation spécifique ;
- qu'en ce qui concerne les préjudices, les frais d'obsèques qui peuvent être indemnisés doivent être justifiés par des factures et non par un simple devis ;
- que s'agissant des divers préjudices de nature morale ils doivent être ramenés à 40 000 euros en ce qui concerne les parents des enfants décédés et à la somme de 12 000 euros en ce qui concerne les grands-parents de ces mêmes enfants ;
Vu le mémoire, enregistré le 21 juin 2011, présenté pour la SOCIETE COVEA FLEET ; elle conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 2 décembre 2011, présenté pour le département de la Savoie ; il conclut aux mêmes fins et demande en outre que soit mise à la charge de la SOCIETE COVEA FLEET la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 décembre 2011 :
- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;
- les observations de Me Grosset-Jalin, avocat de la SOCIETE COVEA FLEET et de Me Favet, avocat du département de la Savoie ;
- et les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;
La parole ayant été de nouveau donnée à Me Grosset-Jalin et à Me Favet ;
Considérant que, dans la nuit du 3 au 4 mars 2006, vers 4 h 15, le véhicule conduit par M. A, qui circulait sur la route départementale 215, dans le sens Aussois-Modane, a été violemment heurté par un bloc de pierre qui s'était détaché de la falaise surplombant la route, causant la mort des deux enfants mineurs de M. et Mme A installés à l'arrière du véhicule ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de la SOCIETE COVEA FLEET, subrogée dans les droits des victimes de cet accident, par laquelle elle demande que le département de la Savoie soit condamné à lui verser la somme de 216 012,81 euros ;
Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce que soutient la SOCIETE COVEA FLEET la route départementale 215 ne présente pas les caractéristiques d'un ouvrage public exceptionnellement dangereux ; qu'elle ne saurait dès lors obtenir la condamnation du département de la Savoie sur ce fondement de responsabilité ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que la paroi rocheuse d'où s'est détaché le bloc de pierre qui a violemment heurté le véhicule conduit par M. A avait fait l'objet d'une inspection suivie d'une purge en 1991 ; qu'eu égard à la nature de la roche en cause, et en l'absence de phénomène de chute de pierre répertorié dans ce secteur, rien ne laissait prévoir qu'il existait un risque particulier pour les usagers de la route située en contrebas de cette paroi rocheuse ; que, dans ces conditions, les conséquences dommageables de la chute de ce bloc de pierre ne sauraient être imputées ni à un défaut d'entretien normal de la part du département de la Savoie, ni à une faute du président du conseil général de ce département dans l'exercice des pouvoirs de police qu'il tient des dispositions de l'article L. 3221-4 du code général des collectivités territoriales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE COVEA FLEET n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à ce que le département de la Savoie soit condamné à lui verser la somme de 216 012,81 euros ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de la Savoie, qui n'a pas la qualité de partie perdante, quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par la SOCIETE COVEA FLEET à l'occasion de la présente instance ; qu'en revanche le département de la Savoie est fondé, en application des mêmes dispositions, à demander que soit mise à la charge de la SOCIETE COVEA FLEET la somme de 1 500 euros ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIETE COVEA FLEET est rejetée.
Article 2 : La SOCIETE COVEA FLEET versera au département de la Savoie la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE COVEA FLEET et au département de la Savoie.
Délibéré après l'audience du 15 décembre 2011 à laquelle siégeaient :
Mme Steck-Andrez, président,
MM. Picard et Poitreau, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 12 janvier 2012.
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N° 11LY00416