Vu la requête, enregistrée le 17 janvier 2011, présentée pour M. Ahmed A, domicilié ... ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0802926 du 16 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 9 octobre 2008, par laquelle l'inspecteur du travail de Saône-et-Loire a autorisé son licenciement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ladite décision ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de l'association Sauvegarde 71 une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- compte tenu des dispositions de l'article L. 1232-4 du code du travail, l'association Sauvegarde 71 ne pouvait pas lui reprocher des faits antérieurs au 22 juin 2008 ;
- l'autorisation de licenciement litigieuse est exclusivement fondée sur le fait qu'il aurait usé de son influence d'éducateur pour inciter des jeunes à accuser trois cadres de violence alors que ces accusations ne sont pas fondées sur des faits prouvés ;
- l'association Sauvegarde 71 n'a produit que le procès-verbal de synthèse de l'enquête préliminaire de gendarmerie ainsi que l'audition de son propre directeur ;
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la réalité des violences dont les jeunes accueillis ont été victimes est établie, tant par leurs courriers rédigés dans des termes parfaitement libres que par leurs déclarations recueillies par les services de police ;
- la réalité de ces violences est également établie par les déclarations faites par de nombreux salariés de l'association Sauvegarde 71 ;
- les premiers juges ne pouvaient pas se borner à faire référence à l'absence de suite pénale ;
- les pièces versées aux débats établissent la réalité de ces violences institutionnelles de sorte qu'il ne peut pas se voir reprocher une quelconque manipulation ;
- il ne peut pas à cet égard être soutenu que certains salariés auraient été manipulés en vue de les inciter à dénoncer des actes de violence inexistants ; que les salariés concernés ont librement accepté de signer le courrier en date du 23 novembre 2007 ;
- l'association Sauvegarde 71 ne peut pas prétendre tirer argument du courrier du 23 novembre 2007 dès lors que le délai de prescription prévu à l'article L. 1332-4 du code du travail était expiré lorsqu'il a été convoqué par un courrier du 18 août 2008 ;
- ne saurait constituer un comportement fautif le fait, pour un éducateur spécialisé, de prendre contact avec une jeune victime ou témoin de faits de violence et de l'informer de ce qu'il a la possibilité de dénoncer ces faits ;
- il aurait pu au contraire lui être reproché de ne pas dénoncer des faits de violences subis par des jeunes hébergés dans le centre ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 15 avril 2011, présenté pour l'association Sauvegarde 71 qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. A une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'il affirme, M. A a rencontré des difficultés avant la mise en place en 2006 d'une nouvelle direction ;
- l'intéressé a souvent été en conflit soit avec d'autres salariés, soit avec les cadres du centre ;
- l'enquête diligentée par la gendarmerie de Chatenoy le Royal a mis en évidence que M. A a effectivement incité des jeunes dont il avait été l'éducateur référent à accuser de faits de violence trois cadres du centre éducatif Le Village de Lux, et ce alors que les faits n'étaient pas établis ;
- de tels faits constituent une faute d'une gravité suffisante pour justifier l'autorisation de licenciement litigieuse ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 février 2012 :
- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;
Considérant que l'association Sauvegarde 71 a sollicité, le 11 septembre 2008, l'autorisation de licencier pour faute grave M. A, qu'elle employait depuis 2000 en qualité d'éducateur spécialisé et titulaire des mandats de délégué du personnel, membre du comité d'entreprise et conseiller du salarié ; que, par décision du 9 octobre 2008, l'inspecteur du travail de Saône-et-Loire a autorisé le licenciement de M. A ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail : " Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la lettre convoquant M. A à l'entretien préalable à son licenciement est datée du 22 août 2008 ; que les faits qui lui sont reprochés sont antérieurs au 22 juin 2008 ; que toutefois, l'association Sauvegarde 71 n'en a eu connaissance que le 4 juillet 2008, date à laquelle elle a reçu communication par le procureur de la République du procès-verbal de synthèse de l'enquête préliminaire confiée aux services de la gendarmerie nationale, portant sur les faits signalés au président de l'association par trois éducateurs, dont M. A ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 1332-4 du code du travail doit être écarté ;
Considérant, en second lieu, que les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;
Considérant que le 27 mars 2008, le président par intérim de l'association Sauvegarde 71 a reçu un courrier par lequel trois éducateurs du centre éducatif Le Village, dont M. et Mme A, dénonçaient des faits de maltraitance d'adolescents qui auraient été commis par le directeur, le directeur adjoint et le chef de service de ce centre ; qu'y étaient joints plusieurs courriers émanant de victimes ou témoins de faits de violence parmi les jeunes accueillis ou ayant été accueillis au sein dudit centre ; que le président par intérim a, dès le 29 mars 2008, saisi les services de la gendarmerie nationale afin qu'une enquête soit diligentée ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des procès-verbaux des auditions effectuées dans le cadre de cette enquête, que c'est à la demande même des éducateurs, auteurs du courrier du 27 mars 2008, que les adolescents ont rédigé les lettres qui y étaient annexées ; que M. A a été l'initiateur de ces dénonciations, l'intéressé ayant lui-même contacté et aidé certains jeunes pour établir par écrit leur témoignage ; que le but de ces accusations était d'obtenir le départ des responsables de l'établissement de Lux avec qui les trois éducateurs, et tout particulièrement M. A, étaient en conflit ; qu'il ressort en outre des résultats de cette enquête, qui ne sont contredits par aucune pièce du dossier, que les faits de violence dénoncés par ces trois éducateurs ne sont aucunement établis et n'ont d'ailleurs donné lieu à aucune suite pénale ; que, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, les procédés ainsi employés par M. A, visant à influencer de jeunes adolescents dont il était ou avait été l'éducateur référent, en vue de nuire à ses supérieurs hiérarchiques, constituent des faits d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail autorisant son licenciement ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de l'association Sauvegarde 71, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A une somme de 500 euros au titre des frais exposés par l'association Sauvegarde 71 et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : M. A versera à l'association Sauvegarde 71 la somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Ahmed A, au ministre du travail, de l'emploi et de la santé et à l'association Sauvegarde 71.
Délibéré après l'audience du 9 février 2012 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
Mme Steck-Andrez, président-assesseur,
M. Poitreau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er mars 2012.
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N° 11LY00084