Vu la requête, enregistrée le 23 juillet 2010, présentée pour l'OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX, DES AFFECTIONS IATROGENES ET DES INFECTIONS NOSOCOMIALES (ONIAM), dont le siège est 36 avenue Charles de Gaulle à Bagnolet (93170), représenté par son directeur en exercice ;
L'ONIAM demande à la Cour :
1°) l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Lyon n° 0805035 du 11 mai 2010 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à ce que soit prescrite une expertise et qu'il l'a condamné à indemniser la totalité des préjudices subis par M. Mouloud A ;
2°) de faire droit à ses conclusions devant le tribunal administratif et de rejeter des conclusions de la demande de M. A tendant à sa condamnation ;
Il soutient que :
- la solidarité nationale a été mise en oeuvre sur la base d'une note technique remise par l'assureur des Hospices civils de Lyon ;
- il n'a pas participé à l'expertise amiable diligentée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) et il n'a pas eu accès au dossier médical du patient ;
- le principe du contradictoire a été méconnu alors même que ces documents ont été communiqués en cours de procédure ;
- l'expert désigné par la CRCI a mis à sa charge 20 % seulement du montant de l'indemnisation alors que les Hospices civils de Lyon ont méconnu l'obligation d'information ;
- des fautes ont été commises par le chirurgien ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 23 novembre 2010, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère, dont le siège est 1 place Saint Pierre à Vienne (38211) qui conclut à ce que la Cour, dans le cas où M. A maintiendrait ses conclusions à l'encontre des Hospices civils de Lyon et de M. Vallée, condamne solidairement ces derniers à lui verser la somme de 176 884,63 euros au titre de ses débours, outre les intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2010, et mette à leur charge une somme de 966 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient qu'elle a exposé des frais divers du fait de l'accident dont a été victime M. A ;
Vu le mémoire, enregistré le 1er mars 2011, présenté pour M. Mouloud A, domicilié ..., qui conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, subsidiairement, à ce que les frais l'expertise soient mis à la charge de l'ONIAM et à ce que l'intégralité des conséquences dommageables de l'accident soit supportée par les Hospices civils de Lyon, que l'arrêt à intervenir soit déclaré opposable à la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'ONIAM ou de qui mieux le devra sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le rapport d'expertise amiable a valeur de preuve dès lors qu'il a été soumis à la libre discussion des parties ;
- l'ONIAM ne fait aucune critique utile du rapport du Dr Vittini ;
- une nouvelle expertise serait inutile ;
- le Tribunal a logiquement retenu que la responsabilité des Hospices civils de Lyon n'était pas engagée et que seule pouvait être mise en cause la solidarité nationale ;
- dans l'hypothèse où la Cour retiendrait la responsabilité de l'hôpital, celui-ci devrait être condamné à l'indemniser intégralement ;
Vu l'ordonnance en date du 7 avril 2011 prise sur le fondement des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative, fixant au 22 avril 2011 la date de clôture de l'instruction ;
Vu le mémoire, enregistré le 18 avril 2011, complété le 28 avril suivant, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère qui maintient ses précédents moyens et conclusions, demandant subsidiairement la condamnation de l'ONIAM à lui verser les indemnités réclamées et portant à 980 euros la somme à mettre à la charge de l'ONIAM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les mémoires, enregistrés les 18 et 21 avril 2011, présentés pour l'ONIAM qui conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ; il conclut en outre à ce que la Cour ordonne une nouvelle expertise et si elle s'estime suffisamment informée, prononce sa mise hors de cause ou, subsidiairement, à que sa responsabilité soit limitée à 20 % des dommages et, en tout état de cause, au rejet des conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère à son encontre ;
Il soutient en outre que :
- le centre hospitalier a commis plusieurs fautes tenant à l'absence d'information du patient sur les risques de l'intervention, à l'origine d'une perte de chance estimée à 80 %, à la technique opératoire employée lors de la première intervention, et à un problème de reconnaissance du champ opératoire lors de la seconde opération ;
- les séquelles dont souffre l'intéressé n'ouvrent pas droit à réparation au titre de la solidarité nationale ;
- subsidiairement, la solidarité nationale ne pourrait être retenue qu'à hauteur de 20 % ;
- la mesure d'expertise sollicitée par l'office est utile dès lors qu'il n'était pas partie aux opérations d'expertise prescrites par la CRCI et que le Tribunal a refusé d'accorder le moindre crédit à cette expertise, lui préférant une note unilatérale d'un expert de l'hôpital ;
- il n'a pas été mis à même de discuter le rapport d'expertise dans le cadre de la procédure contradictoire devant le juge ;
- les fautes commises par le centre hospitalier sont directement à l'origine du dommage ;
- il a manqué à son devoir d'information ; la technique chirurgicale de la première intervention est fautive, la seconde intervention a été jalonnée d'erreurs, notamment de problèmes d'identification des racines L5 et S5 ;
- le centre hospitalier a au moins fait perdre à l'intéressé une chance évaluée à 80 % d'éviter des dommages ;
- seuls 20 % des conséquences dommageables pourraient être mis à la charge de l'office ;
- les demandes formulées par la caisse contre l'office, qui n'a pas la qualité d'auteur responsable, ne pourraient qu'être rejetées ;
Vu l'ordonnance en date du 21 avril 2011, prise sur le fondement de l'article R. 613-4 du code de justice administrative, rouvrant l'instruction ;
Vu la mise en demeure en date du 28 octobre 2011, adressée aux Hospices civils de Lyon sur le fondement des articles R. 612-3 et R. 612-6 du code de justice administrative ;
Vu l'ordonnance en date du 16 décembre 2011 prise sur le fondement des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative, fixant au 6 janvier 2012 la date de clôture de l'instruction ;
Vu le mémoire, enregistré le 15 décembre 2011, présenté pour les Hospices civils de Lyon, qui concluent au rejet de la requête de l'ONIAM et des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère ;
Ils soutiennent que :
- l'office, qui n'avait pas contesté l'absence de caractère contradictoire du rapport de l'expert, n'est plus recevable à le faire en appel ;
- le Tribunal s'est fondé aussi bien sur le rapport d'expertise que sur le dire du docteur Jourdan ;
- le défaut d'information n'a entraîné aucune perte de chance pour la victime de ne pas se soumettre à l'opération dès lors qu'elle n'aurait pas renoncé à l'opération ;
- ni l'office ni M. A ne contestent réellement ce dernier motif ;
- le fragment de disque est sans lien avec le dommage ;
- la seconde intervention était nettement plus difficile que la première, notamment en raison d'une fibrose marquée ;
- les conclusions de la seconde expertise ne peuvent être prises en compte ;
- M. A n'a pas subi de risque inutile, les deux interventions étant rendues nécessaires par son état ;
- aucune faute médicale ne peut être prouvée ;
Vu le mémoire, enregistré le 3 janvier 2012, présenté pour l'ONIAM qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Il soutient en outre que :
- la preuve d'une information de l'intéressé sur les risques de l'intervention n'est pas rapportée ;
- ce dernier a indiqué qu'il aurait refusé l'intervention s'il en avait connu les implications ;
- jamais le chirurgien n'a indiqué pourquoi il ne faisait pas état du fragment ;
- il n'avait pas la possibilité de répondre au dire du docteur Jourdan ;
- le chirurgien n'a pas pratiqué de contrôle radiologique per opératoire ;
- la Cour peut se déterminer en fonction du second rapport d'expertise dès lors qu'il a été soumis aux débats devant la Cour ;
Vu l'ordonnance en date du 6 janvier 2012 prise sur le fondement des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative, reportant au 20 janvier 2012 la date de clôture de l'instruction ;
Vu le mémoire, enregistré le 5 janvier 2012, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère qui, par les mêmes moyens, maintient ses précédentes conclusions à l'encontre des seuls Hospices civils de Lyon, dirigeant également à titre subsidiaire ses conclusions contre l'ONIAM, et sollicitant en outre le bénéfice de la capitalisation des intérêts ainsi qu'une réévaluation à 980 euros de la somme réclamée au titre de l'indemnité forfaitaire ;
Vu le mémoire, enregistré le 5 janvier 2012, présenté pour les Hospices civils de Lyon, qui persistent dans leurs précédents moyens et conclusions ;
Vu le mémoire, enregistré le 18 janvier 2012, présenté pour l'ONIAM qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;
Il soutient en outre valoir que les positions opposées entre l'expert judiciaire et l'expert des Hospices civils de Lyon justifient une nouvelle expertise ;
Vu l'ordonnance en date du 24 janvier 2012 prise sur le fondement des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative, reportant au 10 février 2012 la date de clôture de l'instruction ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mars 2012 :
- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;
- et les observations de Me Bonnet, avocat de l'ONIAM et de Me Michaud, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère ;
Considérant que M. A, né en 1960, qui souffrait d'une hernie discale L5-S1, a subi le 22 juin 2005 à l'hôpital neurologique de Lyon, qui relève des Hospices civils de Lyon, une intervention dont les suites ont été marquées par une persistance des douleurs dues à une récidive herniaire ; que, réopéré le 14 mars 2006, il a présenté dans les heures suivant cette intervention un déficit du releveur du pied droit avec engourdissement du membre inférieur droit accompagné d'une baisse de sensibilité et souffre depuis lors de douleurs persistantes, d'une limitation à la marche et de troubles urinaires ; qu'il a saisi le 3 mars 2007 la commission régionale de conciliation (CRCI) de Rhône-Alpes d'une demande d'indemnisation amiable ; que la commission, qui a diligenté une expertise dont le rapport lui a été remis le 9 juillet 2007, a retenu à hauteur de 20 % l'imputabilité de ces séquelles à un accident médical non fautif ; que l'ONIAM a, en conséquence, présenté à M. A un protocole d'indemnisation transactionnelle provisionnelle portant sur un montant de 2 774,40 euros ; que M. A, qui a refusé cette offre, a recherché devant le Tribunal administratif de Lyon la responsabilité les Hospices civils de Lyon et du chirurgien et, à titre subsidiaire, a demandé la prise en charge de ses préjudices par la solidarité nationale ; que, par un jugement du 11 mai 2010, le Tribunal s'est déclaré incompétent pour connaître des conclusions dirigées contre le chirurgien, a mis hors de cause les Hospices civils de Lyon, a retenu le principe de la réparation par l'ONIAM de l'ensemble des préjudices de M. A et a ordonné une expertise aux fins d'évaluer ces préjudices ; que l'ONIAM relève appel de ce jugement en tant que le Tribunal, d'une part, a refusé d'ordonner une expertise afin de déterminer les causes possibles de l'accident dont a été victime M. A et d'évaluer ses préjudices et, d'autre part, a mis intégralement à sa charge la réparation des préjudices subis par l'intéressé ; que l'expert désigné par le Tribunal a remis son rapport le 2 décembre 2010 ;
Sur les conclusions de l'ONIAM tendant à la prescription d'une nouvelle expertise :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. La mission confiée à l'expert peut viser à concilier les parties " ;
Considérant que si l'ONIAM n'a pas été appelé à assister aux opérations de l'expertise prescrite par la commission régionale d'indemnisation des accidents médicaux, cette circonstance ne faisait pas obstacle, par principe, à ce que le rapport de l'expert désigné par cette commission, qui a été communiqué à l'ONIAM et a pu être discuté par celui-ci dans le cadre de la procédure juridictionnelle, soit retenu par le Tribunal à titre d'élément d'information ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'expert n'aurait pas repris l'ensemble des éléments d'information disponibles, utiles à sa mission, et ne se serait pas prononcé en toute connaissance de cause sur la responsabilité des Hospices civils de Lyon et la mise en jeu de la solidarité nationale ; que si l'office, qui a d'ailleurs pu adresser à M. A une proposition d'indemnisation, soutient qu'il n'a pu discuter l'ensemble des données scientifiques de l'affaire, faute d'avoir connaissance du dossier médical du patient et de pouvoir interroger ce dernier ou le chirurgien qui l'a opéré, il n'établit pas ne pas avoir pu obtenir, en cours d'instance, les pièces médicales utiles ;
Considérant que les premiers juges ont pu tenir compte de la note technique émanant des Hospices civils de Lyon dès lors que, à l'instar des différents autres éléments dont ils ont disposé pour fonder leur appréciation, ce document a été soumis au débat contradictoire entre les parties ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le Tribunal, qui n'a pas commis d'irrégularité en statuant sur la base des éléments d'information produits par les parties et soumis au débat contradictoire, a pu a bon droit rejeter les conclusions de l'ONIAM tendant à l'organisation d'une expertise, une telle mesure ne présentant aucun caractère d'utilité ;
Sur les conclusions de l'ONIAM tendant à être mis hors de cause :
En ce qui concerne les fautes médicales :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère (...) " ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la récidive douloureuse dont a été affecté M. A à la suite de l'intervention du 22 juin 2005 aurait pour origine, même en partie, la présence constatée par une IRM réalisée le 22 février 2006 d'un petit fragment de disque migré vers le haut ;
Considérant que si l'office reproche à l'hôpital d'avoir mal identifié, lors de l'intervention du 14 mars 2006, le niveau opéré, indiquant qu'un contrôle radiologique per-opératoire aurait dû être pratiqué, il ne produit aucun élément déterminant qui invaliderait l'appréciation portée par les premiers juges qui ont non seulement relevé que quatre radiologues avaient conclu à la même localisation, mais également que les suites de la première intervention avaient été satisfaisantes, les douleurs sciatiques de M. A ayant disparu et qu'un contrôle radiologique n'était pas nécessaire dans le cadre d'une intervention sur une récidive de hernie discale, le niveau précédemment opéré étant facile à retrouver du fait de la fibrose des tissus comblant l'espace intercalaire abordé précédemment alors que, en outre, dans un tel environnement de fibrose, l'intervention de dissection des racines est très délicate et présente, par elle-même, un risque accru de blesser des éléments nerveux déjà fragilisés ;
Considérant que si, dans le cadre du rapport déposé au Tribunal le 2 décembre 2010, l'expert indique que l'IRM du 21 février 2008 remet en cause l'efficacité du geste chirurgical dans la mesure où la lésion est à nouveau visible sur les séquences radiologiques et que si dans son avis du 28 juillet 2010, l'expert désigné à titre amiable par l'office indique que " si l'on considère que les douleurs résiduelles étaient dues en grande partie à la discopathie inflammatoire, l'intervention proposée et réalisée avait de très grandes chances d'être inefficace ", aucune de ces appréciations fondées, pour l'une, sur une image IRM postérieure de près de deux ans à la dernière intervention subie par M. A, pour l'autre, sur une simple hypothèse, ne suffisent à caractériser une faute dans l'accomplissement du geste chirurgical ou même une erreur de diagnostic ;
En ce qui concerne le défaut d'information :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver. / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. (...) / En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen " ;
Considérant que les Hospices civils de Lyon n'apportent pas la preuve qui leur incombe qu'ils ont informé M. A du risque qu'il encourrait que, malgré l'intervention, son hernie récidive, ni qu'une telle intervention comportait des risques intrinsèques de complications, en particulier des risques de séquelles neurologiques qui, bien qu'exceptionnels, sont connus ; que, dès lors, ils ont commis une faute ;
Considérant qu'il ne résulte toutefois pas de l'instruction que, compte tenu des bénéfices attendus de l'intervention du 22 juin 2005 au regard de l'éventualité, toujours présente, que les avantages escomptés de ce type d'opération ne soient pas obtenus, M. A, même informé de risques de récidive de sa hernie, y aurait renoncé ; qu'ainsi, la faute commise par les Hospices civils de Lyon n'a fait perdre à l'intéressé aucune chance de se soustraire au risque dont il n'a pas été informé, la responsabilité des Hospices civils de Lyon ne pouvant donc être mise en jeu sur ce point ;
Considérant en revanche que si M. A souffrait de douleurs lombaires devenues rebelles aux antalgiques, il ne résulte pas de l'instruction que les risques auxquels il se trouvait exposé étaient tels qu'ils auraient rendu impérieuse, sans aucun autre choix possible, l'intervention du 14 mars 2006 ; que rien au dossier ne permet de dire que, même informé de ces risques, l'intéressé se serait cependant certainement soumis à cette intervention ; que la faute commise par les Hospices civils de Lyon a ainsi privé l'intéressé de la possibilité d'éviter les séquelles, notamment d'ordre neurologique, auxquelles il s'est trouvé exposé ; que, par suite, comme le soutient l'office, et alors même qu'aucune alternative thérapeutique moins risquée ne se serait offerte à M. A, la responsabilité des Hospices civils de Lyon est engagée à son égard ; que c'est, par suite, à tort que le Tribunal a mis hors de cause les Hospices civils de Lyon et rejeté par voie de conséquence les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère dirigées contre l'établissement hospitalier et a condamné l'ONIAM à indemniser, au titre de la solidarité nationale, la totalité du préjudice subi par M. A ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les parties devant le Tribunal administratif de Lyon comme devant la Cour ;
Considérant qu'en vertu du II de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'incapacité permanente supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret " ; qu'aux termes de l'article D. 1142-1 de ce code : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. / Un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale présente également le caractère de gravité mentionné à l'article L. 1142-1 lorsque la durée de l'incapacité temporaire de travail résultant de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale est au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois. (...) " ; qu'en vertu des articles L. 1142-17 et L. 1142-22 du même code, la réparation au titre de la solidarité nationale est assurée par l'ONIAM ;
Considérant que si les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique font obstacle à ce que l'ONIAM supporte au titre de la solidarité nationale la charge de réparations incombant aux personnes responsables d'un dommage en vertu du I du même article, elles n'excluent toute indemnisation par l'office que si le dommage est entièrement la conséquence directe d'un fait engageant leur responsabilité ; que dans l'hypothèse où un accident médical non fautif est à l'origine de conséquences dommageables mais où une faute commise par une personne mentionnée au I de l'article L. 1142-1 a fait perdre à la victime une chance d'échapper à l'accident ou de se soustraire à ses conséquences, le préjudice en lien direct avec cette faute est la perte de chance d'éviter le dommage corporel advenu et non le dommage corporel lui-même, lequel demeure tout entier en lien direct avec l'accident non fautif ; que, par suite, un tel accident ouvre droit à réparation au titre de la solidarité nationale si l'ensemble de ses conséquences remplissent les conditions posées au II de l'article L. 1142-1, et présentent notamment le caractère de gravité requis, l'indemnité due par l'ONIAM étant seulement réduite du montant de celle mise, le cas échéant, à la charge du responsable de la perte de chance, égale à une fraction du dommage corporel correspondant à l'ampleur de la chance perdue ;
Considérant que compte tenu du rapprochement entre, d'une part, les risques inhérents à l'intervention subie par M. A, s'expliquant en particulier par l'état de fibrose du territoire opéré et, d'autre part, des risques encourus par le patient en cas de renonciation à celle-ci, qu'il s'agisse de risques d'aggravation de la gêne occasionnée par son affection ou des douleurs ressenties, la part de responsabilité des services hospitaliers correspondant à la perte de chance de lui d'éviter les complications consécutives à l'intervention du 14 mars 2006, qui doit être fixée à une fraction des différents chefs de préjudices subis, doit, en l'espèce, être limitée à 30 % ; que les complications dont l'intéressé a été victime sont imputables à hauteur de 70 % à la réalisation d'un risque inhérent à cette intervention ; qu'il résulte de l'instruction que cet accident médical a entraîné pour M. A des complications hors de proportion avec sa discopathie et les suites habituelles d'une intervention pour ce type d'affection, anormales au regard de son état de santé initial et de l'évolution prévisible de celui-ci ; que ces complications l'ont exposé à une période d'incapacité temporaire totale excédant 6 mois consécutifs à compter du 15 mars 2006 ; qu'elles présentent ainsi le caractère de gravité requis par les dispositions précitées du code de la santé publique pour ouvrir droit à réparation par l'ONIAM ; qu'il suit de là que 30 % des conséquences dommageables de l'accident dont a été victime M. A doivent être réparées par les Hospices civils de Lyon, l'office prenant à sa charge au titre de la solidarité nationale l'indemnisation de 70 % de ces conséquences ;
Considérant que le recours des caisses de sécurité sociale subrogées dans les droits d'une victime d'un dommage, tel qu'il est organisé par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, s'exerce uniquement à l'encontre des auteurs responsables de l'accident survenu à la victime et ne peut en revanche être exercé contre l'ONIAM lorsque ce dernier ne prendrait en charge la réparation du dommage qu'au titre de la solidarité nationale ; que, dès lors, comme le fait valoir l'office, les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère, en tant qu'elles tendent au remboursement par l'office des débours exposés, ne peuvent qu'être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ONIAM est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a mis totalement hors de cause les Hospices civils de Lyon ;
Considérant qu'il n'appartient pas à la Cour de déclarer le présent arrêt opposable à la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), assureur des Hospices civils de Lyon ; que les conclusions de M. A tendant à cette fin doivent, par suite, être rejetées ;
Considérant que les conclusions présentées par M. A et par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement du Tribunal administratif de Lyon du 11 mai 2010 sont annulés en tant que, par ce jugement, le Tribunal a rejeté l'intégralité des conclusions de M. A et de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère dirigées contre les Hospices civils de Lyon.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'ONIAM, à M. Mouloud A, aux Hospices civils de Lyon et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 15 mars 2012 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
MM. Picard et Poitreau, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 5 avril 2012.
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N° 10LY01815