Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 13 juillet 2011, présentée pour la SARL SCAVI, dont le siège est Z.A. LA FORET à Cognin (73160) ;
La SARL SCAVI demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0800568 du 18 mai 2011 en tant que le Tribunal administratif de Grenoble, après avoir, dans son article 1er, ramené à 40 % le taux des majorations appliquées aux compléments d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre des exercices clos en 2004 et 2005, a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, et pénalités y afférentes, auxquelles elle a été assujettie au titre de ces exercices clos ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
La SARL SCAVI soutient que :
- la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité dès lors que l'administration ne lui a pas communiqué copie des rapports de vérification malgré sa demande formulée le 1er mars 2006, ni copie des documents recueillis à la suite de l'exercice du droit de communication exercé dans le cadre des articles L. 81, L. 85 et L. 102 du livre des procédures fiscales, auprès de la société Garage Europe SA et divers clients, malgré sa demande, ces documents étant visés par les dispositions de l'article L. 76 B issu de l'article 27 de l'ordonnance du 7 décembre 2005 ;
- les opérations de vérification relatives à l'exercice clos en 2005 ont débuté avant l'envoi de l'avis de vérification de comptabilité ;
- l'avis de vérification du 16 août 2005 n'ayant pas prévu le contrôle de la taxe sur la valeur ajoutée, la rectification proposée ne peut qu'être annulée ;
- l'administration ne pouvait remettre en cause le caractère déductible des frais de déplacement de son gérant compte tenu des indications de la doctrine administrative 4 C-122 relatives aux " justifications de charges ", de ce que la référence à l'article L. 83 du livre des procédures fiscales est inopérante, de ce que ces frais de déplacements sont justifiés ;
- les pénalités pour mauvaise foi ne peuvent lui être appliquées compte tenu des éléments ainsi exposés ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- les conclusions en décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée dus au titre de la période du 1er avril 2004 au 31 mars 2005 sont irrecevables comme étant nouvelles en appel ;
- la société a été informée en temps utile des opérations de vérification de comptabilité portant sur la période du 1er avril 2004 au 31 mars 2005 par un avis de vérification du 16 août 2005 dont il n'est pas établi que les opérations auraient débuté avant cet avis ;
- la circonstance que l'administration n'a pas donné suite à la demande de communication du rapport de vérification du 1er mars 2006 est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ;
- la société ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales issues des dispositions de l'ordonnance du 7 décembre 2005 qui ne sont applicables qu'aux propositions de rectification adressées à compter du 8 décembre 2005 ;
- la société n'a pas formulé de demande de communication des documents obtenus par l'administration dans le cadre de l'exercice du droit de communication ;
- c'est à bon droit que les remboursements de frais de déplacement alloués au gérant de la société ont été considérés comme non justifiés et ont été réintégrés dans les bases taxables à l'impôt sur les sociétés ;
- les pénalités pour mauvaise foi sont justifiées dès lors que la société a volontairement établi des états de frais de remboursement excédant le kilométrage réellement parcouru par le véhicule de son gérant et figurant sur le compteur, situation corroborée par les renseignements obtenus auprès de tiers mettant en évidence notamment l'absence de déplacements auprès de certaines collectivités ;
Vu l'ordonnance en date du 12 décembre 2011 fixant la clôture d'instruction au 13 janvier 2012, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 modifiée ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juin 2012 :
- le rapport de M. Segado, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;
- et les observations de Me Vernier, avocat de la SARL SCAVI ;
Considérant que la SARL SCAVI, qui exerçait une activité de travaux de curage, d'assainissement, de vidange et de nettoyage industriel, a fait l'objet de deux vérifications de comptabilité portant respectivement sur les périodes du 1er avril 2001 au 31 mars 2004 et du 1er avril 2004 au 31 mars 2005 à l'issue desquelles elle a été notamment assujettie à des compléments d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2004 et 2005, notifiés selon la procédure contradictoire, à raison de la remise en cause du caractère déductible d'indemnités kilométriques remboursées à son gérant, M. Claude , dont les déplacements à caractère professionnel ont été regardés comme n'étant pas justifiés ; que la SARL SCAVI relève appel du jugement du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'après avoir, dans son article 1er, ramené à 40 % le taux des majorations appliquées aux compléments d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre des exercices clos en 2004 et 2005, le Tribunal a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, et pénalités y afférentes, auxquelles elle a été assujettie au titre de ces exercices clos ;
Sur les conclusions aux fins de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée relatifs à la période du 1er avril 2004 au 31 mars 2005 :
Considérant que si la SARL SCAVI entend demander à la Cour la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée relatifs à la période du 1er avril 2004 au 31 mars 2005 en se prévalant de ce que l'avis de vérification du 16 août 2005 n'a pas mentionné ces impositions, elle a toutefois limité ses prétentions, tant dans ses réclamations des 13 mars et 25 septembre 2007, que devant les premiers juges, aux seules cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et pénalités y afférentes ; que, par suite, ces conclusions sont nouvelles en appel et doivent, dès lors, être rejetées ;
Sur le surplus des conclusions :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix (...) " ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a adressé à la SARL SCAVI un avis de vérification de comptabilité en date du 16 août 2005 portant sur la période du 1er avril 2004 au 31 mars 2005 à la suite duquel le vérificateur s'est rendu sur place le 25 août 2005 et a envoyé à la société, le 15 septembre suivant, une demande de renseignements en application de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales portant sur les remboursements de frais alloués à son gérant avant de lui notifier une proposition de rectification en date du 18 novembre 2005 concernant notamment ces rehaussements ; que la société soutient que les opérations de contrôle ont débuté avant l'envoi de cet avis de vérification ; qu'elle fait valoir, à l'appui de ses allégations, qu'avant cet avis de vérification, elle avait fait l'objet d'une première vérification de comptabilité portant, en matière d'impôt sur les sociétés, sur la période du 1er avril 2001 au 31 mars 2004 au cours de laquelle l'administration a exercé son droit de communication auprès de la société Garage Europe SA avant de rectifier le montant des remboursements de frais de déplacement au titre de cette période ; qu'elle se prévaut de ce qu'elle aurait communiqué, dans le cadre de cette première vérification de comptabilité, l'ensemble de son classeur relatif aux frais de déplacements de l'année 2004 à la suite d'une demande présentée par l'administration concernant les frais de déplacement relatifs au premier trimestre 2004 ; que ces circonstances ne suffisent toutefois pas à faire regarder l'administration comme ayant procédé à une étude critique des documents comptables relatifs à la période du 1er avril 2004 au 31 mars 2005 et comme ayant débuté les opérations de vérification de comptabilité afférentes à cette période préalablement à l'envoi de l'avis de vérification du 16 août 2005 ;
Considérant, en deuxième lieu, que si la société requérante fait valoir que l'avis de vérification de comptabilité du 16 août 2005 concernant la période du 1er avril 2004 au 31 mai 2005 ne mentionne pas que le contrôle portait sur les déclarations en matière de taxe sur la valeur ajoutée relatives à cette période alors que la proposition de rectification du 18 novembre 2005 lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée relatifs à cette période, ces circonstances sont toutefois sans incidence sur la régularité de cet avis de vérification, de la vérification de comptabilité et de la procédure d'imposition concernant les rectifications en matière d'impôt sur les sociétés qui sont en litige, notamment de celles relatives à l'exercice clos en 2005 visé par cet avis de vérification ;
Considérant, en troisième lieu, que, pour soutenir que la procédure d'imposition est irrégulière, la société requérante ne saurait invoquer la circonstance que l'administration ne lui aurait pas communiqué les rapports établis par le vérificateur malgré sa demande formulée le 1er mars 2006, en méconnaissance des dispositions de la loi du 17 juillet 1978 susvisée, ce texte ayant pour objet de faciliter de manière générale l'accès des personnes qui le demandent aux documents administratifs et non de modifier les règles particulières qui régissent la procédure d'imposition ;
Considérant, en dernier lieu, que la SARL SCAVI ne saurait se prévaloir utilement de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales pour contester des propositions de rectification en date des 30 juin et 18 novembre 2005 antérieures à l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 dont cet article est issu ; qu'il incombe cependant à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent ; que, lorsque le contribuable en fait la demande à l'administration, celle-ci est tenue de lui communiquer les documents ou copies de documents contenant les renseignements obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés ; qu'il en va ainsi alors même que le contribuable a pu avoir connaissance de ces renseignements ou de certains d'entre eux, afin notamment de lui permettre d'en vérifier, et le cas échéant d'en discuter, l'authenticité et la teneur ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment des différents courriers et documents produits par la requérante, qu'elle aurait, comme elle l'allègue, demandé à l'administration communication des documents obtenus par cette dernière auprès des tiers dans le cadre de l'exercice de son droit de communication et que celle-ci lui aurait refusé de communiquer lesdits documents ou leur copie ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts applicable en vertu de l'article 209 pour la détermination des bénéfices passibles à l'impôt sur les sociétés : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) 1° Les frais généraux de toute nature (...) " ; que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;
Considérant que la SARL SCAVI a remboursé, au titre des exercices clos en 2004 et 2005, des indemnités kilométriques à son gérant, M. Claude , qui déclarait utiliser son véhicule personnel ; que l'administration a notamment constaté que les états de frais de déplacement n'étaient appuyés d'aucune pièce justificative, comme des notes de restaurant ou des tickets de péage, concernant la réalité et la nature des déplacements professionnels de M. , que le nombre de kilomètres affiché au compteur résultant de l'examen des factures d'entretien de ce véhicule communiquées par le garage était inférieur au kilométrage déclaré parcouru dans les états de frais et que la société possédait un véhicule ; qu'elle a alors estimé que ces déplacements à caractère professionnel n'étaient pas justifiés ; qu'elle a ainsi décidé de réintégrer dans le résultat imposable des exercices clos en 2004 et 2005 de la société requérante, respectivement, les sommes de 8 999 euros et 24 626 euros correspondant à ces remboursements de frais injustifiés ; que, pour contester ces éléments, la SARL SCAVI fait valoir que les discordances de kilométrage seraient dues à un défaut de fonctionnement électronique pouvant altérer l'exactitude du kilométrage affiché au compteur du véhicule de M. en se prévalant d'une attestation établie en 2006 par le garage Europe SA ayant eu en charge l'entretien du véhicule mais qui précise que cette anomalie a été détectée le 18 février 2004, soit près d'une année avant la clôture de l'exercice au 31 mars 2005, et indique que la date d'origine et la durée ne pouvaient être déterminées ; qu'elle se réfère aussi à un tableau annexé à sa réclamation présentant le kilométrage qui figurerait sur les factures d'entretien du véhicule de M. et qui montrerait, selon la société, que le nombre de kilomètres apparaissant au compteur du véhicule aurait été divisé par 4,5 entre août 2000 et mars 2005 alors que l'utilisation du véhicule était restée la même ; que la société requérante, qui possède un véhicule mis à la disposition de ses salariés, ne produit cependant aucun élément et justificatif établissant la réalité des kilométrages parcourus par M. avec son véhicule personnel et des déplacements professionnels que ce dernier a déclaré avoir ainsi réalisés ; que, par suite, en l'absence de tels justificatifs, c'est à bon droit que l'administration a refusé, au regard des dispositions précitées du code général des impôts qui a servi de fondement au rehaussement, d'admettre que les sommes en cause fussent déduites au titre des frais généraux, alors même que la société fait valoir que l'administration ne pourrait se référer à l'article L. 83 du livre des procédures fiscales pour démontrer le caractère non réel des déplacements ;
Considérant, en second lieu, que la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir de la tolérance administrative issue de la doctrine 4 C-122, n° 6 selon laquelle l'administration n'exclut pas systématiquement la déduction des frais de voyages, de réception et de représentation du chef d'entreprise qui ne peuvent être justifiés par des documents faisant preuve certaine dès lors qu'ils sont en rapport avec la nature et l'importance des obligations professionnelles ; qu'il résulte en effet des termes de cette réponse qu'elle subordonne la déductibilité de frais de la nature de ceux en litige à l'examen de circonstances de fait que les services fiscaux sont seuls à même d'apprécier ; qu'il suit de là que cette réponse ne peut être regardée comme contenant une interprétation formelle du texte fiscal opposable à l'administration en vertu des dispositions de l'article L. 80 A du livre de procédures fiscales ;
En ce qui concerne l'application des pénalités :
Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction applicable : " 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p.100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou de 80 p.100 s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ou d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. " ;
Considérant qu'en invoquant les circonstances que la SARL SCAVI a volontairement établi des états de frais de déplacement au nom de M. , son gérant, excédant le kilométrage réellement parcouru et le nombre de kilomètres inscrits au compteur de son véhicule personnel et que cette situation est corroborée par les renseignements obtenus de tiers, l'administration doit être regardée comme établissant l'intention délibérée de la société d'éluder l'impôt qui justifie l'application des majorations exclusives de bonne foi prévues à l'article 1729 du code général des impôts précité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL SCAVI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus de sa demande ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL SCAVI est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL SCAVI et au ministre de l'économie, des finances et du commerce extérieur.
Délibéré après l'audience du 5 juin 2012 à laquelle siégeaient :
M. Chanel, président de chambre,
MM. Besson et Segado, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 26 juin 2012.
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N° 11LY01718