Vu la requête, enregistrée le 22 avril 2011, présentée pour M. Laurent A domicilié ... ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1000463 du 22 février 2011 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à ce que soit ordonnée une nouvelle expertise et, à titre subsidiaire, à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation de ses préjudices ;
2°) à titre principal, d'ordonner une nouvelle expertise et, à titre subsidiaire, de prononcer la condamnation demandée ;
Il soutient :
- qu'il y a lieu pour la Cour d'ordonner une nouvelle expertise dès lors que l'expertise au vu de laquelle le Tribunal a statué a été réalisée en méconnaissance du principe du contradictoire ; qu'en effet l'expert indique dans son rapport avoir reçu communication de deux documents, la photocopie de son dossier médical ainsi que le rapport médical établi par le professeur B, qui ne lui ont pas été transmis et ne sont pas non plus annexés au rapport d'expertise, ni produits par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand ; qu'il n'a, à aucun moment, pu en prendre connaissance et n'a donc pas été mis en mesure d'y répondre ; que le tribunal administratif a statué en prenant en considération cette expertise ;
- qu'il conteste la présentation des faits par l'expert, qui reprend sur ce point l'avis du professeur B selon lequel la pathologie dont il a souffert en juin 2006 à " pour cause une atteinte cutanée du revêtement du conduit auditif externe droit provoquée par une manipulation de boules Quies " ; que, dans ces conditions, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, le rapport d'expertise ne peut pas être retenu comme une pièce du dossier, même à titre d'élément d'information ; que ce rapport d'expertise n'est d'ailleurs constitué que du dossier émanant du centre hospitalier universitaire et de quelques échanges de correspondances entre médecins ;
- que, dans l'hypothèse où la Cour s'estimerait néanmoins suffisamment informée sur les conditions de sa prise en charge, il conviendrait de retenir la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand ; qu'à cet égard, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'otite pour laquelle il a été traité en juin 2006 était sans lien avec l'intervention réalisée en décembre 2005 ; que cette dernière intervention, consistant en une septoplastie et en la pose de drains transthympaniques, a porté au moins en partie sur le conduit auditif ; que l'intervention de décembre 2005 a nécessité la pose de matériel et que, dans ces circonstances, le délai entre la contamination et la survenance de l'infection dite nosocomiale peut être de plus d'une année ; que c'est donc à tort que le Tribunal, pour écarter la responsabilité du centre hospitalier, a relevé que l'infection pour laquelle il a été traité en juin 2006 s'est déclarée six mois après l'intervention qu'il avait subie en décembre 2005 ; que, de plus, le pseudomonas aeruginosa est un germe responsable de plus d'un tiers des infections nosocomiales contractées dans les établissements de santé ;
- que l'infection diagnostiquée au sein du centre hospitalier a nécessité une hospitalisation de quatre semaines, un traitement associant plusieurs antibiotiques et le maintien d'un drain lymphatique et d'une antibiothérapie pendant une année ; que dans les suites immédiates de l'hospitalisation, il a souffert pendant plusieurs semaines d'une incapacité temporaire totale ; qu'il se plaint actuellement de douleurs au niveau de l'oreille et de la mâchoire ; que ses vertiges se sont aggravés et que la sensibilité auditive s'est accrue ; que la nuit, il est contraint de porter une gouttière, qu'il lui est impossible d'envisager de travailler dans un lieu bruyant, d'aller au concert, de rester dans un bar ainsi que de s'exposer au soleil ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 27 février 2012, présenté pour le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient :
- que si M. A fait valoir qu'il n'aurait pas eu communication du dossier médical mis à la disposition de l'expert, il est toutefois établi que l'intéressé était présent lors de l'expertise et a été examiné par l'expert ; que les pièces médicales du dossier étaient donc à la disposition de M. A le jour de l'expertise et qu'il a pu en prendre connaissance ; que, dans ces conditions, le principe du contradictoire a été respecté par l'expert ; qu'en tout état de cause, il n'est pas contesté que les termes du rapport d'expertise ont été débattus contradictoirement entre les parties au cours de l'instance ; que, dès lors, le Tribunal pouvait régulièrement utiliser le rapport de l'expert à titre d'élément d'information, au même titre que l'ensemble des pièces produites par les parties ;
- que l'otite dont a souffert M. A au mois de juin 2006, qui a justifié un long traitement antibiotique, n'est pas imputable à une infection nosocomiale contractée à l'occasion de l'intervention chirurgicale réalisée au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand le 2 décembre 2005 ; que, comme le souligne le conseil supérieur d'hygiène publique de France, dans "100 recommandations pour la prévention des infections nosocomiales ", une infection est dite nosocomiale " si elle était absente à l'admission à l'hôpital. Ce critère est applicable à toutes les infections " ; que le conseil supérieur d'hygiène publique de France précise que le critère pour définir une infection nosocomiale est également le délai d'apparition de l'infection et qu'une infection peut être regardée comme une nosocomiale lorsqu'elle apparait " dans les 30 jours suivant l'intervention " ; qu'en tout état de cause, quelle que soit la date d'apparition de l'infection, il est nécessaire que le germe identifié soit un germe hospitalier et qu'il ait été contracté à l'occasion de l'hospitalisation du patient ; qu'en l'espèce, l'ensemble des éléments du dossier établissent que l'infection contractée par M. A au mois de juin 2006 est sans rapport avec son hospitalisation ; que, sur ce point, le rapport d'expertise est explicite ; que l'infection aurait eu lieu même si l'intéressé n'avait pas bénéficié de cette intervention pour remédier aux vertiges dont il souffrait ; que cette otite a pour origine exclusive une infection cutanée du conduit auditif ;
Vu le mémoire, enregistré le 2 avril 2012, présenté pour M. A qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 16 septembre 2011, refusant d'admettre M. A au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 juin 2012 :
- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;
- et les observations de Me Demailly, avocat du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand ;
Considérant que M. A, qui souffrait notamment de vertiges en raison d'une pathologie chronique consistant en une obstruction nasale, a été pris en charge par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand ; qu'après qu'un traitement médicamenteux lui a été administré sans succès, il a subi, le 2 décembre 2005, une intervention chirurgicale ; qu'il a quitté l'hôpital le 4 décembre 2005 ; que son état a évolué favorablement, mais que, le 7 juin 2006, M. A, se plaignant de douleurs à l'oreille droite, a été de nouveau hospitalisé, le 14 juin 2006, au service ORL du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand ; qu'un prélèvement au niveau de l'oreille externe ayant mis en évidence la présence de pseudomonas aeruginosa, une antibiothérapie intraveineuse a été pratiquée et maintenue jusqu'au 12 juillet 2006, date de la sortie de l'hôpital de l'intéressé ; qu'à compter de cette dernière date et jusqu'au 11 janvier 2007, M. A a été contraint de suivre un traitement antibiothérapique par voie orale ; que la date de guérison a pu être fixée au 11 janvier 2007 ; que sur la demande de M. A, le juge des référés du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, par ordonnance du 29 août 2008, prescrit une expertise portant sur les conditions de sa prise en charge à l'hôpital ; que l'expert a rédigé son rapport le 18 décembre 2008 ; que M. A a demandé au Tribunal d'ordonner une nouvelle expertise et, à titre subsidiaire, la condamnation du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à réparer les conséquences dommageables de l'infection nosocomiale contractée lors de l'intervention chirurgicale du 2 décembre 2005 ; qu'il fait appel du jugement du 22 février 2011 rejetant cette demande ;
Considérant que dans son rapport, l'expert désigné par le juge des référés du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand fait état de la communication qui lui a été faite du dossier médical de l'intéressé, et d'un " rapport établi par le professeur B ", dont il résulte de l'instruction qu'il dirigeait le service du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand dans lequel M. A a été pris en charge ; qu'il est constant que ces documents, que l'expert n'a d'ailleurs pas annexés à son rapport, n'ont pas été communiqués à M. A ; qu'ainsi, le caractère contradictoire de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif a été méconnu ; que s'il est vrai que le rapport de l'expert pouvait être pris en compte par le Tribunal en tant que pièce du dossier soumise au débat contradictoire devant lui, il résulte de l'instruction que ce rapport est le seul document sur lequel il s'est fondé pour rejeter la demande dont il était saisi ; que, dès lors, le jugement attaqué, fondé sur cette expertise, a été rendu à la suite d'une procédure irrégulière ; qu'en outre, si l'expert mentionne l'absence d'infection à pseudomonas aeruginosa, cette appréciation est contredite par le compte-rendu d'hospitalisation portant sur la période du 15 juin au 12 juillet 2006, qui fait état de la présence de ce germe, révélée par un prélèvement réalisé au niveau de l'oreille externe ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 22 février de 2011 est annulé.
Article 2 : M. A est renvoyé devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand pour qu'il soit statué sur sa demande.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Laurent A, au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et à la caisse primaire d'assurance-maladie du Cantal. Copie en sera adressée à M. Christian Dubreuil, expert.
Délibéré après l'audience du 28 juin 2012 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
Mme Steck-Andrez, président-assesseur,
M. Poitreau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 juillet 2012.
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N° 11LY01056