Vu la requête, enregistrée à la Cour le 30 décembre 2011, présentée par le PREFET DU PUY-DE-DOME ;
Le PREFET DU PUY-DE-DOME demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1107292, du 2 décembre 2011, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 30 novembre 2011 décidant le placement en rétention administrative de Mme Mamie A et lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressée au regard de son droit au séjour en France ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme Mamie A devant le Tribunal administratif ;
Il soutient que la demande de délivrance de titre de séjour présentée le 8 avril 2011 par Mme A pour raisons de santé n'était accompagnée d'aucune précision ni pièce médicale ; qu'il a donc regardé cette demande comme abusive et dilatoire ; que ce n'est que devant le juge que Mme A a produit des éléments médicaux et qu'il n'avait donc pas connaissance du changement de circonstances de fait susceptible de faire obstacle à la mise en oeuvre de la mesure d'éloignement prise à l'encontre de l'intéressée à la date à laquelle il a pris la décision de placement en rétention administrative en litige ; que cette décision a été prise pour l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français du 20 décembre 2010, après constatation que Mme A ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes et que le premier juge s'est prononcé sur la légalité de cette décision au regard d'éléments étrangers à son objet ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire enregistré par télécopie le 10 février 2012 et régularisé le 14 février 2012, présenté pour Mme Mamie A, domiciliée ... qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 2 000 €, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Elle soutient que la décision de placement en rétention administrative en litige, qui ne fait pas mention de ce que ses enfants mineurs, dont le père de l'un d'entre eux est français et celui d'un autre est demandeur d'asile, l'accompagneront dans sa rétention et de ce qu'elle a déposé une demande de délivrance de titre de séjour pour raisons de santé, le 8 avril 2011, est entachée d'une insuffisance de motivation ; que sa demande de titre de séjour pour raisons de santé n'était ni abusive ni dilatoire et qu'il appartenait au préfet de lui demander de la compléter par la production de documents médicaux et de consulter le médecin de l'agence régionale de santé pour avis ; qu'elle bénéficie, depuis le mois de février 2011, de soins médicaux dont le défaut entrainerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que la poursuite de cette prise en charge médicale ne pourrait pas être réalisée en République démocratique du Congo ; que, par suite, eu égard à ce changement de circonstance de fait intervenu depuis l'obligation de quitter le territoire français du 20 décembre 2010 pour l'exécution de laquelle a été prise la décision de placement en rétention administrative du 30 novembre 2011, et alors qu'un certificat médical faisant état de ses problèmes de santé avait été porté à la connaissance du préfet dans le cadre du contentieux du refus de titre de séjour du 8 avril 2011, l'obligation de quitter le territoire français ne pouvait pas légalement être mise à exécution par ce placement en rétention administrative ; que, par ailleurs, et alors que son lieu de résidence était connu de l'administration, son placement en rétention administrative n'était pas nécessaire ; qu'enfin, cette mesure de placement en rétention administration, qui a entraîné la rétention administrative de ses deux enfants mineurs dont l'un est français par son père et l'autre a un père demandeur d'asile, qui ont ainsi été séparés de l'un de leurs deux parents et déstabilisés par cette mesure, a méconnu les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ainsi que celles de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au regard de son état de santé et de celui de ses enfants ;
Vu le mémoire, enregistré à la Cour le 24 février 2012, présenté par le PREFET DU PUY-DE-DOME, qui maintient les conclusions de sa requête, par les mêmes moyens ;
Il soutient, en outre, que la décision en litige est régulièrement motivée ; qu'il n'est pas établi que les enfants de Mme A aient entretenu des contacts réguliers avec leurs pères respectifs ni que ces derniers aient subvenu à leurs besoins ; que le placement en rétention administrative des enfants de Mme A n'a donc pas eu pour effet de séparer ces enfants de leurs pères respectifs mais a au contraire maintenu l'unité de la cellule familiale constituée par la mère et ses enfants ; que la nationalité française de l'un des enfants n'est pas établie et que les actes produits pour attester de la paternité des enfants de Mme A sont dépourvus de garantie d'authenticité ; que la décision de placement en rétention administrative n'a donc pas méconnu les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
Vu la décision du 27 février 2012, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme Mamie A ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juillet 2012 :
- le rapport de M. Le Gars, président,
- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A, ressortissante de République démocratique du Congo, née le 10 octobre 1977, est entrée irrégulièrement en France le 25 juin 2009, accompagnée du dernier de ses trois enfants, né le 5 mars 2007, avant d'être rejointe, en février 2011, par ses deux autres enfants, nés le 2 avril 2000 et le 10 septembre 2005 ; que, le 3 juillet 2009, elle a déposé une demande d'obtention du statut de réfugié qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, par décision du 20 octobre 2009, confirmée le 8 novembre 2010 par la Cour nationale du droit d'asile ; que, le 20 décembre 2010, elle a fait l'objet d'un refus de délivrance de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français de la part du préfet de l'Eure ; que, le 8 avril 2011, elle a présenté une demande auprès du PREFET DU PUY-DE-DOME en vue de se voir délivrer un titre de séjour pour raisons de santé ; que, par décision du 12 juillet 2011, le PREFET DU PUY-DE-DOME, sans instruire sa demande, a regardé cette dernière comme abusive et dilatoire et a rappelé à l'intéressée son obligation de quitter le territoire français ; que, le 30 novembre 2011, Mme A a été interpellée et placée en rétention administrative ; que, par jugement du 2 décembre 2011, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision de placement en rétention administrative ; que PREFET DU PUY-DE-DOME fait appel de ce jugement ;
Considérant que pour annuler la décision de placement en rétention administrative dont il était saisi, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a jugé que le changement de circonstances de fait intervenu depuis l'édiction de l'obligation de quitter le territoire français du 20 décembre 2010 et tenant à l'état de santé de l'intéressée faisait obstacle à l'exécution de cette mesure d'éloignement et entachait d'illégalité le placement en rétention administrative décidé pour l'exécution d'office de cette obligation de quitter le territoire français ;
Considérant que le placement en rétention administrative d'un étranger faisant l'objet depuis moins d'un an d'une obligation de quitter le territoire français a pour objet de mettre à exécution la décision prononçant cette obligation et ne peut être regardé comme constituant ou révélant une nouvelle décision comportant obligation de quitter le territoire français susceptible d'être contestée devant le juge ; qu'il appartient seulement à l'administration de ne pas mettre à exécution l'obligation de quitter le territoire français si un changement dans les circonstances de droit ou de fait a pour conséquence de faire obstacle à la mesure d'éloignement ; qu'il est constant que l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de Mme A, le 20 décembre 2010, était devenue définitive et ne pouvait plus être contestée par l'intéressée à l'occasion du recours dirigé contre la décision de placement en rétention administrative en litige, alors même que cette dernière décision avait été édictée en vue de l'exécution de cette mesure d'éloignement ; que si Mme A soutient qu'elle est suivie médicalement depuis le mois de février 2011 et a déposé, le 8 avril 2011, une demande de délivrance de titre de séjour pour raisons de santé, la légalité de la décision du 12 juillet 2011 par laquelle le PREFET DU PUY-DE-DOME a rejeté sa demande, qui ne constitue pas le fondement de la mesure de placement en rétention administrative en litige et ne forme pas avec celle-ci une opération complexe, ne saurait davantage être contestée dans le cadre du présent contentieux ; qu'enfin, les pièces médicales versées au dossier, établies entre les mois d'avril et de décembre 2011, qui évoquent, pour le document médical le plus circonstancié sur la nature et la gravité de l'affection dont Mme A souffre, un traumatisme psychique et une dépression secondaire traités par Deroxat et Atarax, et s'agissant des seuls certificats médicaux se prononçant sur la possibilité pour l'intéressée de se faire soigner dans son pays d'origine, une poursuite de la prise en charge médicale " peu probable ", ne permettent pas de considérer qu'un traitement médical approprié ne serait pas disponible en République démocratique du Congo ; qu'en outre, il n'est pas fait état de circonstances humanitaires exceptionnelles s'opposant à ce que Mme A puisse être éloignée du territoire français et renvoyée dans son pays d'origine ; que, par suite, il n'était pas fait état de circonstances nouvelles, existant à la date du placement en rétention administrative, qui auraient fait obstacle à ce que le placement de Mme A dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ait pu être légalement décidé en vue de l'exécution de la mesure d'éloignement prise à l'encontre de l'intéressée ; qu'en conséquence, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé, pour ce motif, la décision du PREFET DU PUY-DE-DOME du 30 novembre 2011 décidant le placement en rétention administrative de Mme A ;
Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme A, tant devant le Tribunal administratif que devant la Cour ;
Considérant, en premier lieu, que cette décision, qui vise notamment les dispositions du 6° de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'obligation de quitter le territoire français, prise à l'encontre de Mme A le 20 décembre 2010, et qui mentionne que Mme A est démunie de document de circulation transfrontière, de ressources et de domicile personnel, qu'elle s'est volontairement soustraite à la mesure d'éloignement susmentionnée, qu'elle ne justifie pas de garanties de représentation effectives et que, compte tenu des circonstances de l'espèce, une mesure d'assignation à résidence n'a pas paru justifiée, énonce ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, régulièrement motivée, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'elle ne mentionne pas l'incidence de cette décision sur les enfants mineurs de l'intéressée vivant avec elle ni l'existence d'une demande de délivrance de titre de séjour rejetée plusieurs mois auparavant ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) " ;
Considérant, d'une part, qu'il n'est pas contesté que le départ de Mme A pour la République démocratique du Congo ne pouvait pas se faire immédiatement après son interpellation ; que, d'autre part, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée, dépourvue de passeport en cours de validité et ne disposant pas d'un domicile personnel stable mais bénéficiant d'un simple hébergement temporaire en hôtel, ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes ; que, par suite, son placement en rétention administrative était justifié ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;
Considérant que les parties s'accordent sur le fait que Mme A a été placée en rétention administrative en compagnie de ses deux enfants, nés en 2005 et 2007 ; que, toutefois, si l'intéressée soutient que le père de l'un de ses enfants est Français et celui du second demandeur d'asile en France, elle ne justifie pas des liens de paternité qu'elle allègue, par les pièces dépourvues de caractère probant qu'elle produit, dont notamment la copie d'un acte de naissance qui ne présente pas de garanties d'authenticité suffisantes ; que, pour les mêmes motifs et en l'absence de production d'un certificat de nationalité le concernant, elle n'établit pas que l'un de ses enfants soit Français ; qu'à supposer même que le ou les pères de ces enfants résident sur le territoire français, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils auraient des contacts réguliers avec ces enfants et que la mesure en litige aurait eu pour effet de séparer ces derniers de l'un de leurs deux parents ; qu'en outre, si ces enfants présentent une certaine fragilité psychologique, liée notamment aux conditions de vie précaires qu'ils connaissent en France, il ne ressort pas des pièces du dossier que leur état de santé s'opposait à ce qu'ils puissent demeurer aux côtés de leur mère, placée en centre de rétention administrative pour une durée de cinq jours ; qu'enfin, il n'est pas fait état de conditions de rétention contraires à leur intérêt supérieur ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce, et eu égard à la durée de la mesure de rétention administrative, cette dernière n'a pas méconnu les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;
Considérant que, pour les motifs énoncés précédemment, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de Mme A et de ses enfants était incompatible avec la décision en litige, la décision de placement en rétention administrative n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU PUY-DE-DOME est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président Tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 30 novembre 2011, décidant le placement en rétention administrative de Mme Mamie A, et lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressée au regard de son droit au séjour en France ;
Sur les conclusions de Mme A tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente affaire, quelque somme que ce soit au profit de Me Auslender, avocat de Mme A, au titre des frais exposés en appel et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1107292, du 2 décembre 2011, du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon est annulé en tant qu'il a annulé la décision du PREFET DU PUY-DE-DOME du 30 novembre 2011 décidant le placement en rétention administrative de Mme A et lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressée au regard de son droit au séjour en France.
Article 2 : La demande présentée par Mme A devant le Tribunal administratif et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DU PUY-DE-DOME, à Mme Mamie A et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 5 juillet 2012 à laquelle siégeaient :
M. Le Gars, président de la Cour,
M. Clot, président de chambre,
M. Picard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 juillet 2012,
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N° 11LY03063