Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 30 janvier 2012 et régularisée le 31 janvier 2012, présentée pour M. Cazim B et Mme Milvana C B, domiciliés chez M. Peja, 442 rue Marius Donjon à LYON (69009) ;
M. et Mme B demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1104458-1104459, du 6 octobre 2011, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 11 avril 2011, leur refusant la délivrance d'un titre de séjour, les obligeant à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel ils seraient reconduits à l'expiration de ce délai, à défaut pour eux d'obtempérer aux obligations de quitter le territoire français qui leur étaient faites ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de leur délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation administrative dans le délai de deux mois à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir et de leur délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, le tout sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à titre infiniment subsidiaire, de leur délivrer une assignation à résidence à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, au profit de leur conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Ils soutiennent que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité en ce que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance, par les décisions portant obligation de quitter le territoire français, des stipulations de l'article 3-1 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ; que les décisions leur refusant la délivrance d'un titre de séjour sont entachées d'un défaut de motivation et violent les dispositions tant de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que du 7° de l'article L. 313-11 du même code ; que les décisions leur refusant la délivrance d'un titre de séjour et les obligeant à quitter le territoire français méconnaissent les stipulations tant de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que de l'article 3-1 de la convention susmentionnée relative aux droits de l'enfant et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ; que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et désignant le pays de leur destination sont entachées d'exception d'illégalité ; qu'enfin, les décisions fixant le pays de leur destination, entachées d'une erreur de fait quant à leur nationalité, méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré le 29 juin 2012, le mémoire en défense présenté pour le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que les décisions attaquées sont suffisamment motivées ; qu'il n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour dès lors que les intéressés ne pouvaient prétendre à la délivrance d'un titre de séjour de plein droit ; qu'il n'est pas établi que la cellule familiale ne puisse être reconstituée dans leur pays d'origine ; qu'il n'y a pas erreur manifeste d'appréciation ; que la convention sur les droits de l'enfant n'a pas été méconnue ; que les exceptions d'illégalité ne peuvent qu'être rejetées ; qu'ils ne justifient pas du risque réel de subir des traitements contraires en cas de retour dans leur pays d'origine ; qu'ils se sont déclarés serbes ;
Vu la décision du 2 décembre 2011, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. B ;
Vu l'ordonnance fixant la clôture de l'instruction au 27 juillet 2012 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 septembre 2012 :
- le rapport de M. Chanel, président de chambre ;
- et les conclusions de M. Levy Ben-Cheton, rapporteur public ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant, qui n'était pas inopérant, soulevé à l'encontre des décisions attaquées par lesquelles le préfet du Rhône a obligé M. et Mme B à quitter le territoire français ; que cette omission à statuer rend irrégulier sur ce point le jugement attaqué, lequel doit, par suite, être annulé dans cette mesure ;
Considérant qu'il y a lieu, d'une part, d'évoquer dans cette même mesure et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par M. et Mme B devant le Tribunal administratif de Lyon aux fins d'annulation des décisions d'obligation de quitter le territoire français et, d'autre part, de statuer, par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, sur le surplus des conclusions des intéressés ;
Sur les décisions de refus de délivrance de titre de séjour :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent " et qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;
Considérant que les décisions de refus de séjour contestées comportent l'énoncé des éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement et exposent notamment les données de la situation privée et familiale de M. et Mme B, et en particulier la nationalité serbe déclarée par chacun, sur lesquelles le préfet du Rhône s'est appuyé ; que la circonstance qu'elles ne reprennent pas l'ensemble des éléments caractérisant la situation privée et familiale des intéressés n'est pas de nature à faire regarder lesdites décisions comme insuffisamment motivées au regard des exigences de l'article 3 de la loi de 1979 susvisée ; qu'il y a lieu, dès lors, d'écarter le moyen tiré de l'insuffisante motivation de ces décisions ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française, ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigé. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " et qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;
Considérant que M. et Mme B, ressortissants serbes nés en 1982, sont entrés en France le 13 décembre 2007, selon leurs déclarations, accompagnés de trois de leurs cinq enfants, nés en 2000, 2002 et 2003, les deux autres étant nés en France en 2009 et en 2010 ; que s'ils se prévalent de la durée de leur séjour en France, de leur intégration sur le territoire français en raison de la scolarisation des trois ainés de leurs enfants et des promesses d'embauche dont M. B y bénéficie, de l'état de santé de Mme B, de la résidence régulière en France de certains membres de la fratrie de M. B et de l'impossibilité pour eux de retourner dans leur pays d'origine, il ressort toutefois des pièces du dossier que se maintenant en France depuis seulement 3 ans et trois mois à la date des décisions litigieuses, M. et Mme B n'établissent pas, en se bornant à produire des copies de documents d'état civil de personnes portant le même patronyme que M. Cazim B qu'ils présentent comme étant ses frères et soeurs, entretenir avec elles des liens anciens, stables et intenses ; que s'il ressort d'un certificat médical établi le 20 octobre 2010 que Mme B souffrait à cette date d'une dépression, les intéressés n'établissent ni l'actualité de cette pathologie à la date des décisions litigieuses, ni, à la supposer avérée, l'impossibilité pour elle d'accéder aux soins requis par son état de santé dans son pays d'origine ; qu'en outre, M. et Mme B, dont seuls trois enfants sur cinq, âgés de 11 ans, de 8 ans et de 7 ans à la date des décisions contestées, font l'objet d'une scolarisation en France, ne versent aucun élément susceptible de corroborer l'existence d'obstacles à la poursuite de cette scolarité dans leur pays d'origine compte tenu du jeune âge des enfants concernés ; qu'enfin, les requérants n'établissent pas avoir tissé en France des liens privés anciens, stables et intenses alors qu'ils ont nécessairement conservé des attaches privées et familiales dans leur pays d'origine où ils ont vécu la majeure partie de leur vie ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions d'entrée et de séjour des requérants en France, les décisions contestées n'ont pas porté au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus et n'ont pas davantage méconnu l'intérêt supérieur de leurs enfants ; qu'ainsi ces décisions n'ont méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ; qu'elles n'ont pas violé les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne sont pas davantage entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. (...) " ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; que M. et Mme B ne remplissant pas ces conditions, le préfet du Rhône n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour avant de prendre les décisions de refus de délivrance du titre de séjour contestées ;
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
Considérant, en premier lieu, que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de ce que les décisions d'éloignement seraient illégales en conséquence de l'illégalité des décisions de refus de délivrance de titre de séjour sur lesquelles elles se fondent, doit être écarté ;
Considérant, en second lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux précédemment énoncés dans le cadre de l'examen de la légalité des décisions de refus de titre de séjour, les décisions portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaissent les stipulations ni de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant et ne sont pas davantage entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur les décisions désignant le pays de destination :
Considérant, en premier lieu, que compte tenu de ce qui vient d'être dit, le moyen tiré, par la voie de l'exception d'illégalité, de ce que les décisions fixant le pays de destination sont illégales, en conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance de titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français sur lesquelles elles se fondent, doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, que pour les mêmes motifs que ceux retenus par les premiers juges, le moyen tiré de la prétendue erreur de fait quant à la nationalité de M. B qui s'est déclaré serbe et qui n'établit pas qu'il serait kosovar, dont serait entachée la décision fixant le pays de sa destination doit être écarté ;
Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;
Considérant que les seules précisions que M. et Mme B apportent à l'appui du moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées par les décisions litigieuses consistent en l'impossibilité d'une part, pour eux, de vivre au Kosovo et, d'autre part, pour cette dernière, d'y bénéficier du traitement qui serait requis par son état de santé ; que, toutefois, les intéressés ne produisent aucun élément susceptible de justifier du bien-fondé de ces allégations ; que, dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme B ne sont pas fondés, d'une part, à demander l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 11 avril 2011, portant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et, d'autre part, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation des décisions du même jour portant refus de délivrance de titre de séjour et désignation du pays à destination duquel ils seraient reconduits, à défaut pour eux d'obtempérer aux obligations de quitter le territoire français qui leur sont faites ; que leurs conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par eux et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1104458-1104459 du Tribunal administratif de Lyon du 6 octobre 2011 est annulé en ce qu'il a statué sur les conclusions de M. et Mme B dirigées contre les décisions du préfet du Rhône du 11 avril 2011 les obligeant à quitter le territoire français.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. et Mme B devant le Tribunal administratif de Lyon, mentionnées à l'article 1er ci-dessus et le surplus de leurs conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Cazim B, à Mme Milvana C B et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2012 à laquelle siégeaient :
M. Chanel, président de chambre,
MM. Segado et Besse, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 9 octobre 2012
''
''
''
''
1
2
N° 12LY00232