Vu la requête, enregistrée le 10 décembre 2010, présentée pour Mlle Rabiha domiciliée ..., complétée par un mémoire enregistré le 11 février 2011 ;
Mlle demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0806533 du 12 octobre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et des Hospices civils de Lyon à l'indemniser des préjudices résultant de l'infection nosocomiale qu'elle a contractée à la suite des interventions chirurgicales qu'elle a subies en 2005 à l'hôpital Édouard Herriot de Lyon ;
2°) de condamner l'ONIAM et les Hospices civils de Lyon à lui verser, d'une part, la somme de 133 229,11 euros et, d'autre part, une rente mensuelle de 1 500 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'ONIAM et des Hospices civils de Lyon la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient :
- que même si elle présentait un risque légèrement accru par rapport à la moyenne, rien ne laissait présager que les complications de l'infection nosocomiale qu'elle a contractée atteindraient une telle ampleur ;
- qu'avant l'intervention, en dépit d'une infirmité motrice cérébrale et d'un retard du développement psychomoteur, elle menait une vie assez autonome et riche d'activités ; qu'elle était employée dans un centre d'aide par le travail, qu'elle effectuait de petits travaux ménagers, participait aux activités ludiques et sportives organisées pour les handicapés par le centre, notamment de natation et de ski, et était autonome pour son hygiène corporelle ;
- que, dorénavant, elle ne peut plus se lever seule qu'avec grande difficulté et son périmètre de marche est limité à quelques pas ; que son lieu de vie a dû être entièrement réaménagé, y compris la salle de bains ; que la présence d'une tierce personne lui est indispensable à raison de 3 heures par jour, et qu'elle doit subir des séances de kinésithérapie quotidienne ;
- que les conséquences de l'intervention ont été particulièrement lourdes et qu'elles ne se rencontrent que dans très peu d'infections nosocomiales ;
- que dans ces conditions, c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que le risque infectieux, qui s'est réalisé, n'a pas constitué une conséquence anormale au regard de son état de santé et que les conditions d'ouverture du droit à réparation fixées par les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique n'étaient pas réunies pour justifier une indemnisation de ses préjudices par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale ;
- qu'il ne saurait être admis en l'espèce qu'elle aurait assumé un risque infectieux qui aurait été dépourvu de caractère aléatoire ;
- que, même si l'opération était souhaitable, elle ne présentait pour autant aucun caractère impératif ; qu'il s'agissait d'une opération présentant de grandes chances de succès avec des risques limités d'infection ; que les chances de n'être atteinte d'aucune complication nosocomiale étaient de 90 à 95 % ;
- que son préjudice doit être évalué de la manière suivante : 100 euros pour les frais d'assistance à consultation médico-légale ; 5 229,11 euros pour l'aménagement de son domicile ; 30 000 euros au titre de son préjudice professionnel ; rente de 1 500 euros par mois pour assistance à tierce personne ; 3 200 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ; 20 000 euros au titre des souffrances endurées ; 65 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ; 7 000 euros au titre du préjudice d'agrément ; 2 700 euros au titre du préjudice esthétique qui a été évalué par l'expert à 2,5 sur 7 ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire enregistré le 8 juin 2011, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône qui conclut :
1°) à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions ;
2°) à la condamnation des Hospices civils de Lyon à lui rembourser les sommes correspondant aux prestations qu'elle a assumées en conséquence de l'infection nosocomiale contractée par Mlle ;
3°) à ce que les Hospices civils de Lyon lui versent l'indemnité forfaitaire de 980 euros au titre de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;
4°) à ce que les Hospices civils de Lyon lui versent la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que les sommes qu'elle a exposées correspondent, pour 2 009 euros à des pertes de gains professionnels, pour 204 681,60 aux dépenses de santé actuelles, pour 50 470 euros aux arrérages échus le 30 avril 2001 d'une rente, pour 154 531 euros au capital représentatif de la rente pour l'assistance d'une tierce personne et pour 71 524,24 euros aux frais futurs ;
Vu les lettres du 9 décembre 2011 par lesquelles les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de soulever d'office le moyen tiré de ce que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône tendant à la condamnation des Hospices civils de Lyon sont irrecevables dès lors qu'elles ont été enregistrées plus de 2 mois après la notification du jugement ;
Vu les mémoires, enregistrés les 20 janvier 2012 et 1er mars 2012, présentés pour l'ONIAM qui conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce qu'une nouvelle expertise soit ordonnée et, à titre infiniment subsidiaire, à la réduction du montant des indemnités sollicitées par Mlle ;
Il soutient :
- que sa mise hors de cause s'impose en application des dispositions de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique ;
- que c'est à tort que l'expert, pour retenir un taux de déficit fonctionnel permanent de Mlle supérieur à 25 %, a fait application de la règle de Balthazar qui ne trouve pas à s'appliquer en dehors du domaine du droit de la fonction publique ; qu'en l'espèce, pour déterminer l'incapacité permanente partielle strictement imputable à l'infection nosocomiale, il convient de déduire l'incapacité imputable à l'état antérieur, soit 35 %, de l'incapacité existant à la date de la consolidation, soit 55 % ; que, dès lors, l'incapacité permanente partielle strictement imputable à l'infection nosocomiale contractée au sein des Hospices civils de Lyon n'est que de 20 % ; que ce taux est inférieur au seuil prévu par l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique ; que le dommage relève donc des dispositions de l'article L. 1142- 1 qui prévoient que les conséquences d'une infection nosocomiale ayant entraîné une incapacité permanente inférieure à 25 % ne donnent pas lieu à indemnisation au titre de la solidarité nationale ; que le taux d'incapacité imputable à l'infection subie par la requérante est inférieur à ce taux et qu'il n'appartient pas à l'ONIAM de prendre en charge l'indemnisation de Mlle ;
- que la Cour devra ordonner une nouvelle expertise ; le rapport d'expertise n'étant pas opposable à l'ONIAM dès lors que celui-ci n'a pas été mis en cause dans le cadre de la procédure de référé ; que ce rapport comporte plusieurs lacunes ayant trait au calcul du taux d'incapacité permanente partielle de Mlle imputable à l'infection nosocomiale au respect par les Hospices civils de Lyon des règles en matière d'hygiène et d'asepsie ; qu'à cet égard, l'expert s'est contenté de simples déclarations orales de portée générale s'agissant des conditions précises dans lesquelles l'intéressée avait été préparée en vue de l'intervention chirurgicale du 17 février 2005 ; qu'il peut, enfin, être déploré l'absence de précision du rapport concernant les séquelles imputables à l'état de santé antérieur de la patiente ;
- que les prétentions de Mlle devront être ramenées à des proportions plus justes ;
- que s'agissant des frais divers, l'indemnité sollicitée pour l'aménagement de la salle de bain n'est justifiée que par un simple devis ; que l'état antérieur de la patiente justifiait déjà ce type d'aménagement ;
- que, s'agissant de l'incidence professionnelle, la requérante ne justifie pas avoir été contrainte d'abandonner son poste de travail et qu'elle est en mesure de reprendre une activité professionnelle, même si celle-ci est différente de celle précédemment exercée ;
- que s'agissant de l'assistance d'une tierce personne, l'expert ne précise pas le besoin de tierce personne antérieur à l'intervention chirurgicale ; que le coût de l'aide d'une tierce personne non spécialisée s'élève à 9,71 euros selon la convention collective des aides à domicile ; qu'eu égard à l'âge de l'intéressée et en retenant 3 heures quotidiennes, il y a lieu d'accorder la somme de 268 521,50 euros ;
- que s'agissant du déficit fonctionnel temporaire, en tenant compte de ce qui est imputable aux seules complications infectieuses, il convient de retenir 5 mois et 10 jours, soit la somme de 2 131 euros ;
- que s'agissant des souffrances endurées, l'expert ayant retenu 5,5/7, l'indemnité à laquelle l'intéressée a droit est de 14 270 euros ;
- que s'agissant du déficit fonctionnel permanent, au regard du taux qui a été retenu par l'expert, soit 31 %, il y a lieu d'évaluer ce chef de préjudice à la somme de 52 483 euros ;
- que s'agissant du préjudice esthétique, l'expert retenant 2,5/7, il y a lieu de l'évaluer à 2 504 euros ;
- que s'agissant du préjudice d'agrément, aucune indemnité ne saurait être accordée, l'expert relevant que son état antérieur ne lui permettait plus de pratiquer les activités ludiques et de loisirs auxquelles elle participait ;
Vu les mémoires, enregistrés les 20 janvier 2012 et 16 février 2012, présentés pour les Hospices civils de Lyon qui concluent au rejet de la requête ;
Ils soutiennent :
- que la demande de l'intéressée en tant qu'elle était dirigée contre les Hospices civils de Lyon était irrecevable ; qu'après le dépôt du rapport d'expertise, il lui appartenait de saisir le tribunal administratif avant le 24 janvier 2008, sa réclamation préalable ayant été rejetée par lettre du 30 août 2006 comportant la mention des voies et délais de recours ;
- que le jugement devra être confirmé en ce qu'il a mis hors de cause les Hospices civils de Lyon dès lors que lorsqu'une infection nosocomiale est à l'origine d'une atteinte à l'intégrité physique supérieure à 25 %, ses conséquences sont prises en charge au titre de la solidarité nationale ; qu'en l'espèce, l'expert a fixé le déficit fonctionnel permanent en conséquence de cette infection à 30,7 % ;
Vu le mémoire, enregistré le 2 mars 2012, présenté pour Mlle qui conclut, à titre principal, à la condamnation de l'ONIAM et, à titre subsidiaire, des Hospices civils de Lyon, à lui payer la somme de 741 445, 65 euros ;
Elle soutient que :
- l'article L. 1142-1, II du code de la santé publique ne pose qu'une seule condition à la prise en charge par l'ONIAM des conséquences dommageables d'une infection nosocomiale, à savoir la gravité du dommage ;
- que si la Cour venait à ne pas retenir l'argumentation fondée sur la gravité du dommage, elle devrait, à titre subsidiaire, retenir que l'infection nosocomiale qu'elle a contractée a présenté " des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci " ; qu'en l'espèce c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'elle a assumé un risque infectieux qui aurait été dépourvu de caractère anormal ;
- que dans l'hypothèse où la Cour devrait estimer que la règle de Balthazar est inapplicable, elle devrait constater que, conformément aux conclusions de l'expert, l'incapacité imputable à l'intervention est de 30 % ;
- qu'aucune fin de non recevoir ne peut lui être opposée par les Hospices civils de Lyon dès lors que la lettre rejetant sa réclamation préalable du 27 février 2008 ne comportait pas les voies et délais de recours ;
- que dans l'hypothèse où ses conclusions contre l'ONIAM devraient être rejetées, il appartiendra à la Cour de constater que les Hospices civils de Lyon ne rapportent pas la preuve d'une cause étrangère à l'origine du dommage ;
- que les Hospices civils de Lyon devront être condamnés à indemniser ses préjudices dans le cas où la Cour retiendrait un taux d'incapacité ne devant pas permettre de faire jouer la solidarité nationale ;
Vu les lettres du 28 mars 2012 par lesquelles les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de soulever d'office le moyen tiré de ce que les conclusions de Mlle dirigées contre l'article 1er du jugement attaqué, mettant hors de cause les Hospices civils de Lyon, présentées par un mémoire enregistré le 2 mars 2012, soit après l'expiration du délai d'appel, sont tardives et, dès lors, irrecevables ;
Vu le mémoire, enregistré le 18 mai 2012, présenté pour les Hospices civils de Lyon qui concluent aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Ils soutiennent en outre qu'ils s'opposent au versement d'une somme sous forme de capital au titre de l'assistance pour tierce personne et que Mlle ne peut prétendre à la somme qu'elle demande dès lors qu'elle avait initialement pris pour base de calcul la somme annuelle de 1 750 euros et non celle de 19 776 euros ;
Vu l'ordonnance du 14 août 2012 fixant la clôture de l'instruction au 7 septembre 2012 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 septembre 2012 :
- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;
1. Considérant que Mlle , née en 1963 et souffrant depuis l'enfance d'une infirmité motrice cérébrale compliquée d'épilepsie, a présenté, à partir de l'année 2000, une pathologie dégénérative des hanches pour le traitement de laquelle, eu égard à son caractère évolutif, il a été décidé, à la fin de l'année 2004, de pratiquer une implantation prothétique bilatérale, qui a été réalisée, les 17 février et 3 mars 2005, à l'hôpital Edouard Herriot, dépendant des Hospices civils de Lyon ; que l'intéressée a souffert de complications et que l'expert désigné par le juge des référés du Tribunal administratif de Lyon estime qu'elle a été victime d'une infection nosocomiale ; que Mlle fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et des Hospices civils de Lyon à l'indemniser des préjudices qui en sont résultés ;
Sur les conclusions de la CPAM du Rhône :
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, appelée en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale en déclaration de jugement commun dans l'instance engagée devant le Tribunal administratif de Lyon tendant à la condamnation de l'ONIAM et des Hospices civils de Lyon à réparer les préjudices de Mlle , la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône a, par un mémoire enregistré le 24 septembre 2010, postérieurement à la clôture de l'instruction, demandé que les Hospices civils de Lyon soient condamnés à lui verser les sommes correspondant aux frais d'hospitalisation de l'intéressée, aux indemnités journalières et aux arrérages échus de la pension d'invalidité et de la rente pour assistance d'une tierce personne qu'elle lui sert, ainsi qu'à des frais futurs ; qu'ayant été mise à même de faire valoir ses droits devant le tribunal administratif mais ayant omis de demander en temps utile le remboursement des frais exposés antérieurement à la clôture de l'instruction, la caisse n'est plus recevable à le demander devant le juge d'appel ; que, par suite, les conclusions de la CPAM du Rhône tendant au remboursement de ces sommes doivent être rejetées, de même que, par voie de conséquence, celles tendant au paiement de l'indemnité forfaitaire prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;
Sur les conclusions de Mlle tendant à la condamnation de l'ONIAM :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable : " I. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. / II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. " ; qu'aux termes de l'article D. 1142-1 du même code : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. / Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %. / A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu : / 1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale ; / 2° Ou lorsque l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence. " ; qu'aux termes de l'article L. 1142-1-1 dudit code : " Sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : / 1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales (...) " ;
4. Considérant que selon l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif, Mlle , qui était affectée, avant les interventions chirurgicales des 17 février et 3 mars 2005, d'un déficit fonctionnel de 35 %, présente à la date de consolidation, soit le 25 octobre 2005, un taux d'incapacité permanente partielle de 55 % ; que, dès lors, le taux d'incapacité permanente partielle imputable aux conséquences de l'infection nosocomiale contractée par l'intéressée à l'occasion des opérations est de 20 %, et non de 30,7 %, taux proposé par l'expert et retenu par le tribunal administratif, qui représente le pourcentage de perte de capacité ; que, par suite, le dommage subi par Mlle n'entre pas dans la prévisions de l'article L. 1142-1-1 code de la santé publique ; que selon l'expert, la durée de l'incapacité temporaire totale de l'intéressée a été inférieure à 6 mois ; que, dès lors, le dommage ne relève pas davantage des dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la condamnation de l'ONIAM ;
Sur les conclusions de Mlle tendant à la condamnation des Hospices civils de Lyon :
En ce qui concerne la fin de non recevoir opposée par les Hospices civils de Lyon devant le tribunal administratif :
6. Considérant qu'en vertu de l'article R. 421-1 et du 1° de l'article R. 421-3 du code de justice administrative, la personne qui a saisi une collectivité publique d'une demande d'indemnité et qui s'est vue notifier une décision expresse de rejet dispose d'un délai de deux mois à compter de cette notification pour rechercher la responsabilité de la collectivité devant le tribunal administratif ; que, conformément aux dispositions de l'article R. 421-5 de ce code, ce délai n'est toutefois opposable qu'à la condition d'avoir été mentionné, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ;
7. Considérant qu'eu égard à l'objectif poursuivi par le législateur en instituant une procédure de règlement amiable des litiges portant sur les dommages imputés à un établissement public de santé à raison d'une activité de prévention, de diagnostic ou de soins, la notification de la décision de l'établissement rejetant la demande d'indemnité doit indiquer non seulement que le tribunal administratif peut être saisi dans le délai de deux mois, mais aussi que ce délai est suspendu en cas de saisine de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI), en vertu du dernier alinéa de l'article L. 1142-7 du code de la santé publique ; que la notification ne fait pas courir le délai si elle ne comporte pas cette double indication ;
8. Considérant que par lettre du 30 août 2006, notifiée le 4 septembre suivant, les Hospices civils de Lyon ont rejeté la réclamation de Mlle tendant au versement d'une indemnité en réparation des préjudices qu'elle a subis en conséquence des soins reçus en février et mars 2005 à l'hôpital Edouard Herriot ; que cette lettre mentionnait seulement que l'intéressée pouvait saisir le tribunal administratif, dans le délai de deux mois suivant la date de sa réception, sans préciser que ce délai serait suspendu en cas de saisine de la CRCI ; que, dès lors, cette notification n'a pas fait courir le délai de recours ; que la lettre des Hospices civils de Lyon du 27 février 2008, notifiée le 29 février 2008, rejetant de nouvelles réclamations indemnitaires présentées pour Mlle , par son conseil, à l'assureur des Hospices civils de Lyon, les 13 décembre 2007 et 11 janvier 2008, ne comportait aucune mention des délais et des voies de recours ; que, dès lors, la fin de non recevoir tirée de sa tardiveté, opposée par les Hospices civils de Lyon à la demande indemnitaire enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Lyon le 18 septembre 2008, ne peut être accueillie ;
En ce qui concerne le principe de la responsabilité :
9. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus s'agissant des conclusions de Mlle dirigées contre l'ONIAM que c'est à tort que le tribunal administratif a mis hors de cause les Hospices civils de Lyon au motif que, compte tenu du déficit fonctionnel qu'elle présente, le dommage relève des dispositions de l'article L. 1142-1-1 code de la santé publique ;
10. Considérant que Mlle a fait l'objet, les 17 février 2005 et 3 mars 2005, de deux interventions chirurgicales pour l'implantation de prothèses des hanches ; que dès le 8 mars, elle a présenté des signes d'infection, qui ont conduit les médecins à évoquer un septis des hanches, rendant nécessaire la dépose des prothèses, opération qui a été réalisée le 10 mars 2005, suivie d'une reprise chirurgicale le 20 mai 2005 ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, que cette infection prothétique a le caractère d'une infection nosocomiale ; que l'existence d'une cause étrangère n'est pas établie ; que, dès lors, les Hospices civils de Lyon sont responsables des conséquences dommageables de cette infection ;
En ce qui concerne les préjudices :
11. Considérant, en premier lieu, que selon l'expert, l'état de Mlle , consolidé au 25 octobre 2005, nécessite l'assistance d'une auxiliaire de vie durant 3 heures par jour ; que jusqu'à la date de consolidation, l'intéressée a été prise en charge dans un établissement de soins ; que le coût de cette prestation peut être évalué, à compter du 26 octobre 2005, compte tenu du montant du salaire minimum augmenté des charges sociales, à 30 euros par jour soit 10 950 euros par an ; que la requérante, qui bénéficie d'une allocation de tierce personne versée par la CPAM du Rhône, d'un montant annuel au 1er janvier 2011 de 12 722 euros, n'est, dès lors, pas fondée à demander que les Hospices civils de Lyon soient condamnés à lui verser une somme supplémentaire à ce titre ;
12. Considérant, en deuxième lieu, que la requérante justifie de frais d'aménagement de son logement, pour un montant de 5 229,11 euros ;
13. Considérant, en troisième lieu, qu'avant les opérations, Mlle travaillait dans un centre d'aide par le travail, où elle occupait un emploi en position debout, ce qui ne lui sera plus possible à l'avenir, seul un emploi en position assise étant, selon l'expert, envisageable ; qu'il y a lieu de fixer à 10 000 euros l'incidence professionnelle du dommage corporel qu'elle subit ;
14. Considérant, en quatrième lieu, que si Mlle demande le remboursement d'honoraires de consultation médico-légale du 23 février 2006, elle ne justifie pas du lien entre cette consultation et la faute imputable aux Hospices civils de Lyon ;
15. Considérant, en cinquième lieu, que Mlle a subi une période d'incapacité temporaire totale de 5 mois et dix jours, qui sera réparée par une indemnité de 2 000 euros ; que la perte de revenus qui en est résultée a été compensée par les indemnités journalières versées par la CPAM du Rhône ;
16. Considérant, en sixième lieu, que les souffrances endurées par Mlle du fait de l'infection nosocomiale ont été évaluées par l'expert à 5,5 et son préjudice esthétique, dû à la présence de cicatrices, à 2,5, sur une échelle de 7 ; qu'il y a lieu de fixer à, respectivement, 12 000 euros et 2 000 euros les sommes dues à ce titre à l'intéressée ;
17. Considérant, en septième lieu, que l'infection nosocomiale contractée par Mlle a eu pour effet de porter de 35 % à 55 % l'incapacité permanente partielle dont elle est atteinte ; qu'il y a lieu de lui allouer, en réparation des troubles de toute nature dans ses conditions qui en résultent, une indemnité de 68 000 euros ;
18. Considérant, enfin, que, compte tenu de son handicap préexistant, la réalité du préjudice d'agrément allégué n'est pas établie ;
19. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'indemnité due par les Hospices civils de Lyon à Mlle s'élève à 99 229,11 euros ;
20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mlle est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation des Hospices civils de Lyon ;
21. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon les dépens, s'élevant à 900 euros, ainsi que le versement à Mlle d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'ONIAM au titre des frais exposés par la requérante à l'occasion du litige et non compris dans les dépens et à ce que la CPAM du Rhône bénéficie d'une somme à ce titre ;
DECIDE :
Article 1er : En tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de Mlle dirigées contre les Hospices civils de Lyon, le jugement du Tribunal administratif de Lyon du 12 octobre 2010 est annulé.
Article 2 : Les Hospices civils de Lyon sont condamnés à payer à Mlle la somme de 99 229,11 euros.
Article 3 : Les dépens sont mis à la charge des Hospices civils de Lyon.
Article 4 : Les Hospices civils de Lyon verseront à Mlle la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de Mlle et les conclusions de la CPAM du Rhône sont rejetés.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Djamila Achour épouse Hajara, tutrice légale de Mlle Rabiha , aux Hospices civils de Lyon, à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône. Il en sera adressé copie à M. Jean-Paul Brion, expert, et à M. Eric Carpentier, sapiteur.
Délibéré après l'audience du 20 septembre 2012 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
M. Poitreau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 octobre 2012.
Le rapporteur,
G. PoitreauLe président,
J.-P. Clot
Le greffier,
M. Siour
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition,
Le greffier,
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N° 10LY02755