La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/10/2012 | FRANCE | N°11LY02817

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 11 octobre 2012, 11LY02817


Vu la requête, enregistrée le 23 novembre 2011, présentée pour la société Manufacture française des pneumatiques Michelin, dont le siège est Place des Carmes Déchaux à Clermont-Ferrand (63040) ;

La société Manufacture française des pneumatiques Michelin demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001260 du 29 septembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville du 19 mars 2010 annulant la décision de l'inspecteur du travail du 6 nov

embre 2009 lui ayant refusé l'autorisation de licencier M. Bernard A et lui acc...

Vu la requête, enregistrée le 23 novembre 2011, présentée pour la société Manufacture française des pneumatiques Michelin, dont le siège est Place des Carmes Déchaux à Clermont-Ferrand (63040) ;

La société Manufacture française des pneumatiques Michelin demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001260 du 29 septembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville du 19 mars 2010 annulant la décision de l'inspecteur du travail du 6 novembre 2009 lui ayant refusé l'autorisation de licencier M. Bernard A et lui accordant cette autorisation ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif ;

Elle soutient :

- que c'est à tort que le Tribunal a considéré que le poste de travail à mi-temps dans l'établissement de Blanzy qu'elle avait proposé à M. A ne correspondait pas aux préconisations formulées par le médecin du travail dans son avis d'inaptitude ; que c'est également à tort que le Tribunal a considéré que dans l'avis qu'il avait donné sur ce poste, le médecin du travail avait simplement pris position sur une description du poste sans pouvoir se prononcer sur le lieu d'exercice des fonctions, et ce alors qu'il était indiqué que le salarié exercerait son activité dans la salle des techniciens et agents de maintenance et qu'un bureau lui était également affecté ;

- que les premiers juges ont affirmé à tort dans leur jugement qu'elle n'avait pas contesté l'affirmation de M. A selon laquelle le local dans lequel il devait travailler, conformément à la proposition de reclassement, était empoussiéré ;

- que les premiers juges ne pouvaient pas se fonder sur l'importance de ses effectifs pour estimer que la proposition de poste faite à M. A révélait un manquement à l'obligation de reclassement ;

- qu'il n'existe pas d'autre motif au licenciement que l'inaptitude ;

- qu'elle a respecté son obligation de reclassement dès lors, d'une part, que le médecin du travail a bien été consulté sur le poste à mi-temps qui était proposé à M. A sur le site de Blanzy et, d'autre part, qu'elle n'a pas limité le cadre de ses recherches aux seuls établissements de Blanzy dès lors qu'elle a proposé à M. A un poste sur un autre site, à savoir dans son établissement de Cholet ; que le poste proposé dans ce dernier établissement était conforme aux recommandations du médecin du travail et qu'aucun autre poste n'a pu être trouvé ;

- que si M. A a pu affirmer que son employeur était de mauvaise foi, il n'en reste pas moins que celui-ci lui a fait des propositions de reclassement qu'il a refusées sans motif légitime ;

- que, de la même manière, M. A ne pouvait pas soutenir que le plan de sauvegarde de l'emploi mis en place sur le site de Blanzy était créateur d'emplois alors que 447 emplois ont été supprimés sur ce site, et alors que le plan n'a été à l'origine d'aucune création d'emploi ;

- que le rapport de l'inspecteur du travail établi le 29 janvier 2010 dans le cadre du recours hiérarchique et dont s'est prévalu M. A comporte des omissions et des erreurs et vise à la discréditer en laissant entendre que le licenciement serait fondé sur des motifs discriminatoires reposant sur l'âge, l'état de santé et le mandat du salarié ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 13 avril 2012 prise sur le fondement des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative, fixant au 30 avril 2012 la date de clôture de l'instruction ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 avril 2012, présenté pour M. Bernard A qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Manufacture française des pneumatiques Michelin en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que son licenciement est en rapport avec le mandat qu'il détenait ; qu'il a été pénalisé dans le déroulement de carrière par rapport à d'autres salariés disposant d'un niveau de formation comparable au sien ; que la requérante est incapable de démontrer que son évolution de carrière est justifiée par des critères objectifs tenant à son expérience et à sa compétence ;

- que c'est à bon droit que le Tribunal a estimé que le premier poste qui lui a été proposé ne correspondait pas aux préconisations du médecin du travail ;

- qu'il a pu à bon droit refuser ce poste de travail dès lors que les locaux dans lesquels il devait exercer son activité étaient empoussiérés ; que contrairement à ce que prévoit la réglementation, le médecin du travail n'a pas pu se rendre compte par lui-même de ce que le premier poste qui lui a été proposé répondait effectivement aux préconisations qu'il avait formulées dans son avis d'inaptitude ;

- que la société Manufacture française des pneumatiques Michelin n'établit pas qu'elle a fait des recherches précises et loyales sur tous les postes disponibles et conformes à l'avis du médecin du travail ; qu'elle n'établit pas qu'elle a recherché un autre poste administratif sur le site de Blanzy ; qu'elle ne pouvait pas déduire de son refus du poste sur le site de Cholet qu'il refusait toute mobilité ; que l'employeur ne peut pas non plus restreindre le périmètre de reclassement en fonction des désirs supposés du salarié ; qu'il existait d'autres postes administratifs qui pouvaient lui être proposés du fait notamment, comme l'a relevé l'inspecteur du travail, de la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi qui était créateur de postes de travail au sein, par exemple, des cellules d'écoute psychologique, ou sur un poste d'ergonome ou encore sur un poste relatif aux ateliers de transition professionnelle ;

Vu l'ordonnance en date du 9 mai 2012 prise sur le fondement des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative, reportant la date de clôture de l'instruction au 8 juin 2012 ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 juin 2012, présenté pour la société Manufacture française des pneumatiques Michelin qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 septembre 2012 :

- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

- et les observations de Me Mathieu, avocat de la société Manufacture française des pneumatiques Michelin et de Me Lemiale, avocat de M. A ;

1. Considérant que le 6 novembre 2009, l'inspecteur du travail a refusé à la société Manufacture française des pneumatiques Michelin l'autorisation de licencier pour inaptitude physique M. A, membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail au sein de son établissement de Blanzy ; que, saisi d'un recours hiérarchique, le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville a, le 19 mars 2010, annulé ce refus et accordé l'autorisation sollicitée ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 19 mars 2010 ;

2. Considérant qu'en vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique du salarié, il appartient à l'inspecteur du travail, et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement du salarié, compte tenu des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi, et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise selon les modalités et conditions définies par le code du travail ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. / Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'inspecteur du travail, saisi du cas d'un salarié protégé reconnu inapte à son emploi, doit vérifier, dans les conditions qu'elles prévoient et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi, des caractéristiques de l'emploi exercé par le salarié à la date à laquelle son inaptitude est constatée et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise, notamment par des mutations ou transformations de postes de travail ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à l'issue d'un congé de maladie, M. A a fait l'objet, les 23 avril et 11 mai 2009, de deux visites médicales à l'issue desquelles le médecin du travail a estimé qu'il était inapte aux fonctions qu'il exerçait jusqu'alors, mais qu'il pouvait occuper un emploi à mi-temps à caractère administratif avec intervention possible en atelier non empoussiéré moins d'une heure par poste ; qu'à la suite de ces avis, l'employeur de l'intéressé lui a proposé deux postes de travail à mi-temps, l'un au sein de l'établissement de Blanzy et l'autre dans l'établissement de Cholet ; que M. A n'a donné aucune suite à ces deux propositions ; qu'à supposer même que, comme il le soutient, le poste proposé à Blanzy n'aurait pas été conforme aux préconisations du médecin du travail, il n'en reste pas moins que l'intéressé ne fait pas état de ce que le second poste qui lui a été proposé, sur le site de Cholet, ne répondait pas à ces mêmes préconisations ; que, dès lors, la société Manufacture française des pneumatiques Michelin, qui lui avait proposé au moins un poste de travail conforme aux préconisations du médecin du travail, qu'il a refusé sans motif légitime, doit être regardée comme ayant satisfait à son obligation de reclassement de ce salarié ; que, par suite, c'est à tort que, pour annuler la décision du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville du 19 mars 2010, les premiers juges se sont fondés sur le motif tiré de ce que la société Manufacture française des pneumatiques Michelin n'avait pas satisfait à cette obligation ;

5. Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A ;

6. Considérant, en premier lieu, que le délai de cinq jours imparti à M. A pour accepter ou refuser les postes qui lui ont été proposés dans le cadre de son reclassement, porté à treize jours, pour le poste situé à Blanzy et à neuf jours pour le poste situé à Cholet, a été suffisant pour lui permettre de se prononcer ;

7. Considérant, en second lieu, que M. A fait valoir que l'autorisation de licenciement sollicitée par son employeur reposait sur un motif discriminatoire, tenant à son état de santé, à un différend l'ayant opposé à son employeur à propos de la reconnaissance du caractère professionnel de la pathologie dont il est atteint, à son âge et au mandat qu'il détenait, son employeur ayant contesté son élection, en 2002, au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; qu'il invoque également une discrimination dans l'évolution de sa carrière par rapport à celle de deux autres salariés ; que toutefois, compte tenu notamment de ce que l'autorisation de licencier ce salarié a été sollicitée en raison de son inaptitude, à la suite de son refus de deux postes de travail qui lui avaient été proposés après consultation du médecin du travail, la discrimination alléguée ne peut, dans les circonstances de l'espèce, être regardée comme établie ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Manufacture française des pneumatiques Michelin est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a annulé la décision en litige ;

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Manufacture française des pneumatiques Michelin, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, au titre des frais exposés par M. A à l'occasion du litige ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Dijon du 29 septembre 2011 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Dijon et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Manufacture française des pneumatiques Michelin, à M. Bernard A et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2012 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Poitreau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 octobre 2012.

''

''

''

''

1

2

N° 11LY02817


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY02817
Date de la décision : 11/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-035-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Autres motifs. Inaptitude ; maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Gérard POITREAU
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : SCP ADIDA MATHIEU BUISSON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-10-11;11ly02817 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award